Les effacées : Lucia - Tome 2 : Le livre de Bernard Minier, Alice Taurand

Un uppercut narratif. Pas dans la démonstration, mais dans la tension. Bernard Minier lâche ici l’un de ses romans les plus paranoïaques, les plus contemporains. Une traque, une machination, une société en lambeaux et des silhouettes qu’on tente d’effacer, littéralement, de l’Histoire. Et au cœur du chaos, deux figures se détachent : Lucia Guerrero, profileuse désabusée, rongée de l’intérieur, qui gratte sous les apparences et ne croit plus aux versions officielles. Sa force ? Un instinct brut, un regard acide sur les institutions, et une empathie qu’elle planque sous une armure. Et Manon, l’adolescente survivante, à la lisière du monde adulte, porteuse d’un traumatisme qu’elle ne comprend pas encore, mais qui va devenir le moteur d’une vérité explosive. Ce n’est pas un polar à meurtres en série. C’est un thriller d’anticipation sociale, où la manipulation scientifique, politique, numérique, s’entrelace dans un brouillard dense. On pense au Nom de la Rose pour l’atmosphère fermée, au Patient anglais pour la profondeur émotionnelle des personnages, et à certaines dérives de Utopia (UK) pour le vertige complotiste. Côté ambiance, Interpol en fond — Our Love to Admire — fait écho à la gravité mélancolique du texte, avec ses nappes sombres et ses battements lancinants. Une tension rock, jamais relâchée. Un roman où les femmes sont les figures de résistance, les éclaireuses dans l’obscur. Et Minier signe là un récit qu’on ne referme pas sans en garder une trace. Un thriller mental, politique et organique. Une réussite.

Avec Bernard Minier, nous nous quittâmes fâchés. J'avais apprécié les deux premières enquêtes de Servaz mais, déçu par les tomes suivants, je n'ai plus suivi cet auteur. J'avais entendu parler de Lucia Guerrero, sa nouvelle enquêtrice espagnole et voilà que je tombe par hasard sur la deuxième enquête de cette dernière. C'est un roman à mi-chemin entre polar et thriller. Sans être ancré dans un contexte socio-politique précis, il a le mérite de proposer une petite réflexion sur des sujets comme l'art contemporain, le mazculinisme, l'inégalité de répartition des richesses ou encore les réseaux sociaux. Sur le plan du style, le passage par l'Espagne a été profitable à Bernard Minier. Ce n'est pas de la haute couture mais c'est bien écritw dans un style beaucoup plus nerveux et dynamique que certains tomes de Servaz. En conclusion, il s'agit d'une bonne lecture de divertissement.

Les effacées est un excellent thriller qui met en scène une double enquête de Lucia Guerrero. D'un côté, un tueur en série kidnappe et tue des jeunes femmes sans lien apparent au bout de quelques jours. De l'autre, de riches notables sont retrouvés tués dans d'horribles circonstances. Bien sûr, les autorités donnent la priorité de l'enquête au second meurtrier, ce qui interpelle l'enquêtrice. Le tout est finement ficelé et la tension ne redescend ni pour l'enquêtrice ni pour les lecteurs qui plongent au cœur des deux enquêtes avec avidité.

Bernard Minier, je l'adore, ou plutôt, tout ce qu'il écrit. Pour le deuxième volume des enquêtes de Lucia Guerrero, il nous fait découvrir des régions espagnoles que je ne connaissais pas mais à sa manière, c'est comme si on y était, et à regarder les photos sur le net dès le livre terminé, je me rends compte que tout est comme il l'a écrit. J'étais effectivement au bon endroit et je n'étais pas très à l'aise. Il se sert aussi des expériences de Stanford (sur les effets de la situation carcérale) et de Ron Jones (l'expérience de la Troisième Vague) dont il est toujours bon de se souvenir. Comme quoi, l'histoire des humains est un éternel recommencement et des piqûres de rappel font toujours du bien. Ceci pour vous dire que je me suis régalée parce que j'ai été plongée dans un thriller prenant mais qu'en plus, je me suis un peu instruite et ça, c'est toujours bon à prendre :-)