Où vivaient les gens heureux : Le livre de Joyce Maynard

Il m’a fallu un certain temps pour entrer dans ce livre, que je trouvais sans rythme au départ. Le personnage d’Eleanor, si éloigné de la vie que je mène, ne me parlait pas. Mais au fur et à mesure de ma lecture, j’ai rarement éprouvé autant de sentiments pour un personnage fictif. Un grand sentiment d’injustice et de colère m’a habité tout au long de ce roman, et le respect que j’éprouvais déjà pour toutes les mères aimantes n’en a été que renforcé. L’amour filial, les sacrifices professionnels et les renoncements dans le couple qu’elles vivent au quotidien se passent de mots. Je pense que ce livre résonnera encore davantage chez les parents ayant des enfants, et qu’il mérite d’être lu. Mesdames (et messieurs, cela ne vous ferait pas de mal), prenez le temps de vous accrocher à ce livre qui se dévoile au fil des pages.

« Profites-en, ça passe tellement vite ! » Quel parent n’a pas entendu cette phrase prononcée par une personne plus âgée ? Ce roman déborde de nostalgie et enjoint ses lecteurs à chérir ces moments de petite enfance. Eleanor, 20 ans, cherche une maison dans la campagne du New Hampshire au cœur de la nature. Une maison où elle rêve de fonder une famille. Un coup de foudre avec Cam et 3 enfants plus tard, la voilà comblée. En plus de s’occuper d’eux, c’est elle qui assure la principale source de revenus de la famille. C’est aussi la plus réaliste et la seule à se préoccuper de l’argent. Elle souhaite offrir à ses enfants l’enfance heureuse qu’elle n’a pas eu, quitte à s’oublier complètement. Jusqu’à ce qu’un drame survienne et que son couple éclate. Les signes avant-coureurs lui auraient-ils échappé ? Tout au long de sa vie, Eleanor fait des choix certes contestables mais toujours guidés par l’amour pour ses enfants. Et si pendant longtemps l’amertume la ronge, elle réalise que les courtes années passées avec sa petite famille à la ferme ont été les plus heureuses de sa vie. Qu’elle a pu rencontrer sa définition du bonheur : « un tourbillon constant d’activités, les petits corps chauds grimpant sur ses genoux, un tas de chaussures devant la porte grillagée que les enfants ouvraient et fermaient toute la journée quand ils entraient et sortaient, le chœur de leurs voix adorables, haut perchées ». Si elle devait faire les mêmes sacrifices dans une autre vie, elle les referait sans conteste. Ce roman bouleversant d’humanité est un véritable coup de cœur qu’il est difficile de lâcher. Il est universel sur la maternité et les peurs associées : celle que son enfant souffre, qu’il grandisse vite et s’éloigne, qu’on ne peut pas le protéger éternellement, qu’il désapprouve ses parents, qu’il n’y aura plus d’autre enfant et tous ces petits pincements au cœur des « dernières fois ». Ce magnifique portrait de femme balaie les évolutions de la société américaine des années 1970 à nos jours. Et quoi qu’on puisse en penser par moments, Eleanor est terriblement moderne. Suivre sa vie pendant 50 ans avec ses joies et ses peines peut être parfois éreintant face aux injustices qu’elle rencontre. Pourtant, je peux vous promettre qu’à la fin un beau message d’espoir surgit et nous réconcilie avec cette pensée passagère. Je viens de découvrir qu’une suite avait été écrite pour cette rentrée littéraire 2025 !

C'est le premier roman de Joyce Maynard que je lis et ce ne sera pas le dernier,je vais me ruer sur la suite Par où entre la lumière pour retrouver Eleanor. Quel destin que celui de cette femme et la précise l'écriture,parfois sensorielle,pour exprimer les émotions,si profondes et si simples,que peut ressentir une femme,une mère,une épouse. Joyce Maynard écrit si précisément la détresse de cette femme voulant tellement protéger ses enfants et sombrant dans le Crazyland. C'est beau,fort,simple et profond à la fois.

Le récit débute par une cassure, un rejet franc d’une fille envers sa mère. Que s’est-il passé pour arriver à une telle rupture ? C’est le début de l’histoire d’Eleanore. Celle-ci est narrée sous forme de longue introspection et reprend sa vie depuis son enfance afin de comprendre au mieux ses réactions, ses attentes envers les siens, etc. Ce fil conducteur comprend de nombreuses thématiques liées entre elles par un but précis chez l’auteure : mettre en évidence la recherche du pardon que ce soit dans la demande ou dans l’acceptation de celui-ci. C’est chose difficile que d’accorder ou d’offrir son pardon d’autant plus face à des sujets tels le divorce, l’avortement, les violences sexuelles, les charges mentales ou encore la transidentité comme c’est le cas ici. Un menu lourd à digérer, mais heureusement porté par une plume qui allège le tout malgré la tendance de l’écrivaine à se répéter. La lecture est parfois laborieuse avec un sentiment de lenteur et de longueur, mais le lecteur ne peut se résoudre à interrompre sa rencontre avec cette femme qui donne l’impression de sacrifier sa vie pour sa famille. À ses côtés, il remet en question ses perspectives et côtoie les difficultés de la maternité, les risques à étouffer ses émotions, la toxicité dans les relations familiales et, surtout, la projection parentale du personnage central qui veut à tout prix offrir à sa progéniture tout ce dont elle a été privée. Une obsession qui la rend sourde et aveugle aux réels besoins de ses enfants. Dans ce roman, le nombre élevé de pages reflète la multitude de points à aborder ainsi que le nombre d’années qui défile. Le résultat est une lecture exigeante puisqu’elle demande une certaine persévérance afin d’en voir le bout. En effet, le manque de dynamisme et les répétitions peuvent décourager le liseur tout comme le désarroi d’Eleanor qui le prend aux tripes. Il est cependant intéressant d’aller au bout de ce cycle familial même s’il n’en reste pas beaucoup de souvenirs peu de temps après ladite découverte.