Aux portes de l'éternité - siècle 3 : Le livre de Ken Follett

Ça y est, j’arrive à la fin de cette grande saga. J’ai tourné les milliers de pages presque sans m’en rendre compte, tant la lecture est fluide et captivante. Pourtant, dans ce dernier tome plus que dans les précédents — peut-être parce que l’époque m’est plus familière —, j’ai parfois eu le sentiment que les personnages étaient un peu trop idéalisés : beaux, talentueux, riches, moralement irréprochables et souvent chanceux. Cette perfection, parfois excessive, a pu créer une certaine distance. Mais malgré ce léger bémol, j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre leurs destins, étroitement mêlés à la grande Histoire. La force de la saga réside dans sa capacité à nous plonger au cœur des bouleversements d’une époque à travers des personnages attachants et des intrigues familiales qui tiennent en haleine.

C'est en 2022 que j'ai lu le premier tome de cette saga LE SIECLE en comprenant trois et dont l'ambition est d'évoquer tous les grands événements du XXe siècle à travers le vécu de plusieurs générations de familles situées dans des pays différents : l'Amérique (avec les familles Dewar et Vialov), L'Angleterre et l'Ecosse (avec la famille Fitzherbert), le pays de Galles (avec les familles Williams, Griffiths et Ponti), l'Allemagne et l'Autriche (avec la famille von Ulrich), l'Union soviétique (avec la famille Pechkov. Dans LA CHUTE DES GEANTS (tome 1 qui compte 998 pages), l'auteur couvre - dans une narration foisonnante de détails et d'anecdotes - la période allant de 1911 à 1924. Il évoque l'histoire de ces familles tout en mettant en scène à la fois les événements et les personnages historiques de cette période, à savoir entre autres : les débuts de la lutte des classes et l'émancipation des ouvriers et des femmes ; les circonstances de la Révolution d'Octobre et la chute du tsar ; la survenue de la Première Guerre mondiale et ses conséquences désastreuses ; puis les années folles. L'intérêt de cette saga est d'explorer le temps (et ses moments forts au niveau collectif) tout en s'attachant aussi à explorer l'intimité de ces différentes familles : leurs contextes de vie, leurs amours, leurs luttes, leurs réussites et leurs échecs, leurs engagements politiques, leurs bonnes et mauvaises actions. Tout cela sans jugement moral, mais bien à la façon d'un photographe ou d'un sociologue intéressé par le microcosme familial confronté ou interagissant avec le macrocosme national ou international. Et en mettant à la fois en valeur autant le rôle des femmes (ce qui est rare) que celui des hommes. Le tome 2 de cette saga : L'HIVER DU MONDE (1027 pages) couvre la période allant de 1933 à 1949. Cette partie met l'accent sur la montée du nazisme et sur la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences, tant en Europe que dans les différents pays du monde (Union soviétique, Japon, USA...). On y verra comment les parents ont évolué dans leur vie, continuent ou pas à s'engager dans des luttes qui leur paraissent essentielles, et on suit également les agissements de la seconde génération. Dans cette partie, K. Follett explore avec beaucoup de clairvoyance les mécaniques visibles ou occultes du jeu politique, toujours mené au mieux des intérêts de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre. Le tome 3 : AUX PORTES DE L'ETERNITE (1214 pages) est le tome le plus dense de la saga. Il couvre la période allant de 1961 à la chute du mur de Berlin (1989) et se termine par un épilogue en 2008 avec l'élection à la présidence des USA de Barack Obama. Une densité qui s'explique par le foisonnement des événements historiques au cours de cette période (entre autres, la partition des pays entre l'Est et l'Ouest, la guerre froide, la lutte pour les droits civiques des Noirs et l'action de Martin Luther King, la crise des missiles de Cuba, la guerre du Vietnam, l'assassinat de J. Kennedy, le premier pas de l'homme sur la Lune, etc.). Elle s'explique également par la nécessité pour l'auteur d'aller au plus près du vécu des membres de seconde et troisième génération de ces familles. Comme pour bien montrer en quoi leur évolution (sociale, affective, professionnelle, politique) se veut en quelque sorte la résultante directe des choix de vie (positifs ou négatifs) qui ont été faits par leurs prédécesseurs. Ce tome et les événements qu'il relate est celui qui se rapproche le plus du vécu du lecteur. Pour celles et ceux qui ne sont pas trop au fait de la politique et des relations internationales, il apportera un éclairage important et essentiel sur les enjeux qui sont (encore et toujours) en présence, mais aussi sur le machiavélisme des puissants et des décideurs. On comprend ici beaucoup mieux l'insignifiance des peuples au regard d'intérêts qui les dépassent. J'attends avec impatience un nouveau tome ou une nouvelle saga de K. Follett qui pourrait nous apporter, je n'en doute pas un instant, une analyse pointue (et très critique) sur les conflits du XXIe siècle et sur les clowns ou les dictateurs qui nous gouvernent. Il n'en reste pas moins que si l'on se sent souvent impuissant face à la marche du monde, on comprend aussi au travers des personnages de l'auteur qu'on ne peut bien vivre que si l'on est en accord avec ses valeurs personnelles. Et que, parfois, l'apport d'une petite goutte d'eau par le colibri, multipliée par autant de colibris désireux d'agir, peut à terme changer le monde ou pour le moins, permettre à un plus grand nombre de mieux vivre. Cette saga est, de mon point de vue, essentielle pour avoir une vision historique d'ensemble du XXe siècle. En cela, elle est précieuse pour les plus jeunes générations qui ayant grandi avec l'image et les réseaux sociaux n'ont pas toujours le recul nécessaire pour comprendre et analyser de façon critique en quoi les événements d'aujourd'hui peuvent avoir leur fondement dans le passé. Et surtout afin qu'elles puissent prendre conscience de la nécessité de ne pas reproduire certaines des erreurs de ce passé, et de s'impliquer dans la marche du monde, avec conscience et responsabilité. Peut-être un vœu pieux de ma part ? Je crains en effet que, de nos jours, peu de jeunes ne soient intéressés par la lecture d'une saga de près de 3000 pages. Peut-être si cette saga était transformée en série Netflix, aurions-nous des chances de les atteindre (rappelez-vous l'impact de la série télévisée Au nom de tous les miens) ? Bien sûr, chaque tome pourrait se lire séparément (j'ai moi-même laissé passer du temps entre ma lecture du tome 1 et du tome 2... un peu trop de temps d'ailleurs, car je n'avais plus trop la mémoire des détails). Mais, vraiment, je recommande de lire les trois tomes, dans l'ordre, et si possible d'affilée pour bien rester imprégné de l'atmosphère des époques traversées et des personnages en présence. Je n'entre pas dans le détail de la forme. K. Follett est pour moi un maître en matière d'écriture - et en matière d'écriture de sagas en particulier (cf. Les Piliers de la Terre), tant dans la construction, la description des lieux, des personnages, des contextes, des ressentis, la vision analytique et critique des faits évoqués... que dans le style. Si je pouvais faire un parallèle, je le compare souvent à Balzac, véritable sociologue du XIXe, avec une dimension plus politisée toutefois. Et à la différence près que Follett a une très bonne connaissance de l'histoire du monde. Clairement, il faut aimer lire des livres denses. Si ce n'est pas votre tasse de thé, passez votre chemin. Il faut aussi avoir du temps : pas question de lire 2 ou 3 pages, de temps en temps, entre deux tâches. La densité de l'ensemble impose d'y rester plongé quand même une durée suffisante pour ne pas survoler sa lecture et en comprendre toutes les implications. On a parfois un peu de mal à se remémorer qui est qui - il y a vraiment beaucoup de familles et donc de personnages (réels ou fictifs) - mais la présence en début d'ouvrage d'une table des personnages aide à ne pas perdre le fil. On a aussi parfois le sentiment de digressions, mais elles ne m'ont pas paru inutiles. Le seul bémol : ces livres sont très lourds. J'ai parfois eu du mal à continuer ma lecture car le poids du livre me donnait des crampes. Donc, un conseil, lire ces livres dans une position confortable sans que vos poignets ou vos mains n'aient à en souffrir !

Qu’elle est émouvante cette fin. C’est avec un sentiment teinté de nostalgie que je tourne les dernières pages de cette fresque historique. Trois volumes, plus de 3000 pages pour traverser le XXe siècle et tous ses bouleversements, et finir de façon touchante en cette nuit de novembre 1989 alors que le bloc soviétique commence enfin à s’effondrer. Ce troisième volet, riche en événements, s’étend des années 60 à la fin des années 80 et distille au milieu des faits historiques ce souffle romanesque auquel l’auteur nous a habitué depuis La Chute des Géants. Le mur de Berlin, le Rideau de Fer, et plus généralement la guerre froide en sera le fil conducteur et, à travers les yeux des familles Williams, Fitzherbert/von Ulrich, Peshkov et Dewar, seront évoqués la vie entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest, la ségrégation aux États-Unis et la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther King, la crise des missiles de Cuba, l’assassinat de Kennedy, la guerre du Vietnam, le scandale du Watergate et l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev qui amorcera la dislocation de l’URSS. Certains des personnages que l’on a connus à peine sortis de l’adolescence sont désormais au crépuscule de leurs vies. D’autres générations ont pris la relève. La lecture est ponctuée de moments touchants où ceux qui ont traversé l’Histoire et ses épreuves regardent en arrière et se souviennent de ce qu’ils ont vécu. C’est une lecture entraînante, facile et fluide bien que riche, à laquelle, à l’instar des deux autres volets, on pourrait reprocher une certaine simplicité quant au déroulé de certaines intrigues, ainsi qu’un abus de scènes romantiques ou explicitement sexuelles, mais rien qui ne vienne vraiment entacher le plaisir. On est pris dans le tourbillon de l’Histoire, on s’attache à tous ces personnages, et enfin on ne peut que frissonner lors de ce concert à Berlin Ouest, devant le Mur, les enceintes tournées vers l’Est, peu avant la Réunification. Belle trilogie qui me restera longtemps en mémoire.

Ayant adoré les 2 premiers tomes de la trilogie « Le siècle », je me suis lancée dans le dernier après plusieurs années, n’ayant pas trouvé le bon moment avant pour me lancer dans un livre plein d’histoire de 1200 pages. Je ne sais pas si c’est le sujet de la guerre froide qui me transcende moins que les deux guerres mondiales, ou le fait que mon esprit ai oublié une partie des membres des famille Dewar, Williams, Jakes, Fitz, von Ulrich, Peshkov, mais j’ai trouvé ce tome moins digeste et plus difficile à terminer. Malgré tout, j’ai l’impression d’avoir beaucoup appris sur les droits civiques aux Etats-Unis, et les événements qui ont mené à la chute du mur de Berlin et du communisme d’Europe de l’Est. J’aime Ken Follet pour ça et je n’ai pas été déçue du côté historique.