Elsa : Le livre de Angela Bubba

Sur la forme, ce roman ou cette bio romancée m’a un peu laissé perplexe : à l’enthousiasme de découvrir un titre sur Elsa Morante, a succédé une certaine déception. Ce livre n’est pas un roman ; les chapitres sont des scènes, des dialogues successifs, que séparent parfois plusieurs années. Pourtant la personnalité du personnage (si c’était bien la personnalité d’Elsa Morante) transparaît bien, assez froide et pessimiste, je trouve. En conclusion, cette lecture a été intéressante mais pas passionnante. Je ne sais pas si j’aurais eu envie de lire les ouvrages d’Elsa Morante après ce titre. Heureusement, j’avais déjà lu L’île d’Arturo, La Storia… ouf. La conclusion de cet ouvrage est tout de même émouvante… enfin.

Il fallait cette biographie romancée pour que l’on découvre la grande écrivaine italienne que fut Elsa Morante et l’influence qu’a eue sa créativité dans la littérature du XXème siècle. Plus attachée à la richesse de ses liens humains qu’à la grande variété de ses œuvres littéraires, Angela Bubba nous offre un texte superbe dans lequel elle nous dévoile, de l’âge de 10 ans jusqu’à son dernier souffle, l’incroyable personnalité d’une femme forte, mystérieuse et habitée par un sens poétique exceptionnel. Accablée toute sa vie par la perte de son enfant, elle garda à ses côtés la figure romanesque de ce fils qui ne cessa de nourrir son imagination. Femme inspirante, elle partagea son quotidien fantasque avec des hommes qu’elle aima passionnément comme Alberto Moravia, l’écrivain et Pier Paolo Pasolini, le cinéaste. Poétesse libre et préoccupée par la souffrance des autres, Elsa resta toute sa vie enfermée dans « une spirale de tourments ». Elle traversa ce siècle mouvementé une plume à la main et voyagea à travers le monde d’un milieu de l’Art à l’autre. Insaisissable, colérique et excessive, elle fut une lumière qui éclaira la vie de nombreux artistes mais sa noirceur ne lui permit jamais de profiter simplement de ce qui l’apaisait, les fleurs, les chats et la beauté des îles grecques. La puissance narrative d’Angela Bubba nous happe totalement et son portrait de cette écrivaine « qui semblait venir d’un autre siècle » est un roman étourdissant d’émotion et d’intelligence. Elsa a habité mon quotidien le temps de cette lecture intense et son étoile, teintée de clair-obscur, va briller longtemps dans mes pensées.