Ledra Palace : Le livre de Constantia Sotiriou

Ce livre très bref rassemble une vingtaine de courts chapitres qui sont des hymnes poétiques à l'ambiance nostalgique du Grand Hôtel de Nicosie construit à la fin de la première moitié du vingtième siècle entre les parties grecque et turques de l'île de Chypre. En même temps que les résidents célèbres de l'hôtel, tels que le roi Farouk d'Egypte, le cosmonaute Youri Gagarine, Monseigneur Makarios, Constantia Sotiriou énonce différentes boissons qu'ont pu savourer les hôtes. Elle en donne même les recettes, comme la tisane de fleurs de sureau, le thé à la menthe ou à la lavande et même au jasmin, ainsi que la citronnade "qui aide vraiment à supporter la chaleur". C'est écrit tout en douceur, avec quelques répétitions volontaires afin de bien imprégner l'esprit du lecteur des saveurs et aussi du vécu de cet hôtel, confronté à la guerre entre chypriotes grecs et turcs et donc des moments qui exprime bien les douleurs des hostilités, les expatriations ou rapatriements divers. Mais, c'est la note poétique qui émerge de ce beau texte, même les recettes sont exprimées poétiquement. On peut donc respirer en le lisant les saveurs du jasmin, de la menthe, du citron ou du sureau. Une chronologie de la vie de l'hôtel, depuis le projet de sa création en 1946, jusqu'en 2020, figure à la fin du livre, éclairant ainsi mieux les lecteurs sur l'histoire de ce lieu . C'est un bel hommage à un vieil hôtel et à toute une époque.

Roman historique premier roman de Ledra Palace, un récit et des chapitres courts centrés sur chacun des personnages et une boisson, on découvre la culture et le patrimoine de Chypre, on découvre des anecdotes, le charme méditerranéen, nouvelles poétiques lumineuses, un hôtel mythique et des portraits. Une lecture fluide, un roman chorale que je vous conseil pour cette été, l'autrice nous entraine aussi sur les traces du conflit chypriote.

Ce livre a été une découverte de l’histoire contemporaine de Chypre, cette petite île tiraillée par son histoire grecque et turque. Sa situation stratégique, à l’instar de la ligne verte, montre combien la frontière entre l’occident et l’orient demeure encore au 21eme siècle. Ce palace situé sur la ligne verte nous dévoile son histoire mais aussi celle de Chypre à travers ses cocktails et boissons locales. Ces élixirs reflètent la vie quotidienne aussi bien des chypriotes que de stars alimentant le livre d’or. Des petites nouvelles associent chaque personnage à une boisson dans un ordre chronologique historique. 100 pages d’un pur délice!

Je ne connaissais pas cette autrice au même titre que je connaissais mal son île natale, Chypre. Elle décide de nous en parler et surtout d’évoquer le Ledra Palace. Plus qu’un établissement de luxe, cet hôtel a été et reste le symbole de Chypre, témoin de tous les évènements qui ont marqué l’histoire de ce pays du Moyen-Orient toujours divisé à ce jour par la ligne verte qui marque la séparation entre les turcs qui occupent le nord de l’île et les grecs, le sud. C’est en égrenant 22 courts chapitres sous forme de petites anecdotes, de fables, de contes, d’us et coutumes que le lecteur peut, à chaque fois, ouvrir la porte d’entrée de ce luxueux hôtel et accéder à la vie chypriote. Le fil conducteur de ces moments de vie est un breuvage, qui but sous différentes formes apporte bien être, joie et réconfort dans le cadre somptueux du Ledra Palace. Au goût de ces boissons, s’ajoutent les parfums des ingrédients qui les composent, les couleurs, mais aussi les souvenirs des personnes qui ont eu le privilège de siroter ces boissons. L’autrice aborde en filigrane et par petites touches comme un peintre sur sa toile les grands évènements historiques qui ont marqué ce pays. Chaque chapitre se termine par la recette de la boisson citée en préambule ainsi que les vertus qu’elle peut apporter à leurs consommateurs privilégiés. L’écriture se veut quelquefois répétitive comme une litanie qui donne au récit un caractère mélodieux et presque sacré. Même si le Ledra Palace a perdu ce côté fastueux d’un grand établissement hôtelier, il reste néanmoins aujourd’hui le symbole du maintien de la paix entre turcs et grecs. A regretter cependant dans ce premier roman, le manque de profondeur dans les réflexions de l’autrice nous privant d’apprécier pleinement son engagement sur la question chypriote.