Les Misérables - tome 1 : Le livre de Victor Hugo

Peut-on trouver meilleur ouvrage dans la littérature française ? Assurément j'en doute. Point d'effusion avant la fin de ma lecture, mais bien que j'achève à peine le tome 3, je ne peux d'ores et déjà qu'admirer le talent de celui qui m'éblouissait déjà à travers les descriptions et les rebondissements de 93.

Un livre pour une île déserte, parce que c'est un monde qui est donné et un plaidoyer passionné pour la justice, un livre après lequel la vision d'un système pénal tout répressif, le mépris des femmes abandonnées, le regard sur l'enfance, la passion politique... rien n'a été pareil. Et tout le monde l'a lu, ou vu. Y a-t-il un équivalent dans le monde d'aujourd'hui ? Dans la littérature française, c'est douteux. Dans une littérature étrangère, peut-être ?

Publié en 1862 ; Comment résumer une telle œuvre ? C’est presque impossible tant elle dépasse le simple cadre du roman pour devenir un monument de la littérature universelle. On pourrait le comparer à Oliver Twist de Charles Dickens, qui nous entraîne dans les bas-fonds de Londres, bien avant que Jack London ne décrive à son tour cette misère urbaine dans Le Peuple de l’Abîme en 1903. Victor Hugo, lui, nous fait découvrir les bas-fonds de Paris, avec la même intensité, la même compassion, et cette foi inébranlable dans la possibilité de rédemption. Car il n’y a pas qu’à Londres qu’existe la misère sociale. Tous les grands auteurs s’en sont emparés : Hugo, Zola, London, Dickens, Steinbeck dans Les Raisins de la colère, ou encore Egolf dans Le Seigneur des porcheries, sans oublier les géants russes comme Dostoïevski. Les Misérables, c’est bien plus qu’un roman : c’est un cri. Un cri contre l’injustice, la pauvreté, et la fatalité. C’est aussi une ode à la bonté, à la dignité retrouvée, et à l’amour, qu’il soit humain ou divin.

Dans l ' histoire des formes de la narration hors de la forme dramaturgique propre à l ' histoire racontee par le biais de personnages et de situations --- en somme, mais ne pouvant éviter cependant la cuistrerie, donc - hors des formes ou de la structuration interne a la diegese --- , la grande novation poetique , au coeur de ce roman , c est le recours multiple à l ' interruption narrative , et l ' intercallation, parfois sous forme de livres entiers, de ce qui semble être des digressions mais qui n ' en constituent pas moins une part de l ' architecture narrative d ' ensemble --- que ce soit des considérations historiques et politiques sur l ' Eglise et la revolution française, des considérations philosophiques sur le regicide , la persécution - sur la Restauration et ses moeurs , sur l ' Industrie et la manufacture, sur l ' histoire des couvents, sur l ' architecture, sur l ' histoire de la langue - l ' argot, sur l ' histoire de la truanderie, sur l ' histoire des égouts ---- et sur l ' histoire de ce qui differencie l ' emeute de l ' insurrection, l ' histoire de l ' architecture barricadiere, sur l ' histoire du peuple urbain, des monuments parisiens --- et l ' on en passe. L ' autre chose, toujours tenu dans le registre du style lyrique, expressif et imagé, métaphorique ou comparatif. Ou l ' enjeu est l ' expressivité intense de la phrase, par le contraste abrupt, l ' antithèse (!),, le jeu de la concision ramassee , et de l ' emphase oratoire dilatoire, le nombre du phrasé, en somme, des phrases , marquées par une rythmique metrique. Ici, certes, on peut tout à fait penser, à la référence stylistique implicite faite à Chateaubriand - dans l ' usage de l ' imagerie et du nombre pour narrer et decrire : élongation et raccourcis, ellipses et déploiement oratoire , parfois amphigourique, mais toujours intentionné : la fameuse prose poetique comme souci. Et c est par cette prose poetique, cette phrase, ces paragraphes rythmés et métrés que l ' on en arrive au coeur du projet : un Poeme Romanesque , a l ' etat brut, natif, insulaire, ' sauvage '. La recherche absolue du Tout Poetique , à commencer par ces narrations en prose de longue portée que sont les Romans. Oeuvrer à l ' invention du Poeme romanesque : avec les Miserables, et avec les Travailleurs de la mer, et avec - l ' homme qui rit, c est a dire y oeuvrer - avec toute la durée temporelle ' libre ' de l ' Exil., le face a face contemplatif de la mer, du ciel, des crepuscules et des aurores, de la nuit et du jour, de la Rumeur océanique, du vent, des tempêtes et des ouragans, et de l ' iode vivifiant. Avoir eu le temps dans l ' ecriture, la composition, la meditation, même informulé. L ' avoir tracé.