L'Invisible madame Orwell : Le livre de Anna Funder

Qui était Eileen, la femme de George Orwell, et pourquoi est-elle effacée des biographies consacrées à l’auteur ? Dans L’Invisible Madame Orwell, Anna Funder met en lumière cette femme éclipsée, bien plus qu’une simple épouse. Eileen, dotée d’une intelligence exceptionnelle et animée par de grandes convictions, a joué un rôle clé auprès de son mari tout en s’engageant courageusement dans des combats politiques et personnels. Pourtant, malgré son influence, Eileen est à peine citée, si ce n’est complètement absente, des écrits de son mari. Un silence et un effacement qui indignent, d’autant plus car partagé par les biographes (tous masculins) qui se sont intéressés à l’auteur. Des hommes ont tout fait pour minimiser le rôle de cette femme, construisant une image faussée et idéalisée de leur auteur fétiche en occultant ses zones d’ombres, notamment son rapport aux femmes. Plus qu’une biographie, L’Invisible Madame Orwell est une critique incisive de notre société patriarcale et des mécanismes d’effacement des femmes dans l’Histoire. Une lecture révoltante qui rend justice à Eileen Orwell. Car derrière chaque grand homme, il y a une femme, souvent reléguée au second rôle.

Lecture pour le Grand prix des Lectrices Elle - catégorie Non fiction Ce mois-ci, les jurées du groupe n°2 nous ont choisi cet essai de plus de 400 pages et je vous avouerai que j'ai eu du mal... Le sujet est hyper intéressant mais c'était vraiment plein de longueurs pour moi et je suis pas fan des biographies ! Vraiment, c'est un genre que je ne lis jamais et ça ne me passionne pas trop. L'autrice Anna Funder, passionnée par les œuvres de George Orwell a réalisé qu'il y avait une grande absente dans ses biographies : sa femme. Et pourtant, elle a joué un rôle essentiel dans sa carrière d'écrivain ! On va donc retracer la vie de George, en mettant en lumière la place d'Eileen, son épouse. Ce que j'ai préféré, finalement, c'est quand l'autrice nous montre comment Orwell (et la plupart de ses biographes plus tard) élude la présence de sa femme dans ses textes, l'évinçant totalement de passages entiers de sa vie. Alors est-ce dû à un machisme ordinaire ou cela découle-t-il de la culpabilité de son mauvais comportement à son égard ? On ne le saura jamais. Toujours est-il que l'auteur de 1984 (que, soit dit en passant, je n'ai jamais réussi à lire en entier) n'est pas présenté sous son meilleur jour dans cet ouvrage : tromperies, tentatives de viols, abandon de sa femme malade... Pas très sympathique le bonhomme. Et ça ne m'a pas vraiment aidé à apprécier ma lecture ! Sa femme est décrite, quant à elle, comme bienveillante, intelligente, courageuse... Et on se demande un peu ce qu'elle a fait toute sa vie avec Orwell... Mais bon, autre époque, autres moeurs !

Anna Funder ne cache pas son enthousiasme pour les chefs-d'œuvre de George Orwell ("La Ferme des Animaux" ou "1984"). Mais les 7 biographies exclusivement masculines d'Orwell la laissent perplexe, elles ne mentionnent que trop rarement l'existence d'une Madame Orwell. La découverte tardive des 6 lettres d'Eileen Orwell à une amie change la donne : qui est réellement Eileen et pourquoi n'est-elle jamais sortie de l'ombre ? En scannant sa vie et celle de George, Anna Funder dénonce sans appel un patriarcat tenace et ravageur : "comment le pouvoir s'exerce sur les femmes : comment une épouse se fait d'abord enterrer sous les corvées domestiques, puis par l'Histoire." Elle y intercale de nombreux questionnements sur sa propre vie et celle des femmes d'aujourd'hui. Vous l'aurez compris, Anna Funder encense une Eileen invisible, non reconnue, alors qu'elle était brillante, séduisante, dotée d'un solide bagage universitaire et d'un avenir prometteur. Et elle accable l'homme George (et non l'écrivain), coureur éhonté de jupons, égoïste, sans scrupule, faible, pitoyable. Eileen a assuré leur quotidien, même inconfortable, même sordide : "Toutes les sociétés sont fondées sur le travail non rémunéré ou sous-payé des femmes." Elle a grandement contribué au succès de son mari en lui prodiguant moult conseils pour la naissance et la rédaction de ses écrits, en les relisant, en les tapant à la machine, en contactant l'éditeur. Elle a assuré les trois huit, toujours vaillante, toujours debout, malgré les déceptions, malgré la maladie. L'implacable réquisitoire dAnna Funder rend justice à une femme exceptionnelle. Sa profonde empathie envers son personnage illumine chaque page. Je rejoins son immense compassion pour le dévouement et les heures tragiques d'une femme qui a renoncé à tout, au profit de son succès à lui. Fruit d'un travail colossal de documentation, Anna Funder, enquêtrice pugnace, a mis ses pas dans chaque fragment de la vie de ce couple pour écrire un hommage vibrant, riche en détails personnels (sur la vie quotidienne en Angleterre entre 1936 et 1950) et historiques (sur la guerre civile espagnole, la seconde guerre mondiale). Une plume alerte et différentes polices d'écriture selon qu'il s'agisse de lettres, de témoignages ou de récits fictionnels rendent la lecture de cet émouvant et fervent plaidoyer très fluide.

J’avais un vague souvenir de ma lecture au collège de 1884 de Georges Orwell. Je l’imaginais comme un grand homme, fin analyste de nos sociétés capitalistes. Mais derrière cet écrivain renommé se cache une femme, Eileen O'Shaughnessy, qui a consacré sa vie d’épouse à le servir dans l’ombre. Vous ne la trouverez nulle part dans les récits de Georges Orwell qui l’a délibérément niée, ni dans les biographies qui lui sont consacrées où elle subira un second oubli, un effacement de l’histoire. Pour la retrouver, Anna Funder fait parler les silences et les non-dits. Ce livre n’est pas un roman mais une alternance de genres mêlant biographie, retranscriptions de lettres, passages analysées de biographies d’Orwel, intercalées de quelques lignes imaginées par l’autrice suite à son enquête. Mais ce qui rend ce texte captivant, c’est l’analyse argumentée que fait l’autrice de la société patriarcale, ainsi que de sa propre condition d’épouse assumant la grande partie de la charge mentale du foyer. Réalité historique et plaidoyer féministe se répondent, ce texte pousse à se révolter et donne corps au féminisme. « L’invisible Madame Orwell » est un texte extrêmement enrichissant, addictif, qui pousse à réfléchir. Anna Funder redonne vie à Eileen, à son intelligence et sa vivacité d’esprit. On retrouve également dans ses lettres des idées qui vont germer dans certains romans de son mari. Un poème de jeunesse qui se nomme « 1984 », un humour que l’on retrouve dans « La ferme des animaux ». L’autrice met en lumière son sacrifice pour faire naitre le génie de son mari, cet homme dont Anna Funder admirait tant l’œuvre avant d’entamer ses recherches. Alors, faut-il faire une différence entre l’écrivain et son oeuvre ?