Raison et sentiments : Le livre de Jane Austen

Quel bonheur que cette lecture! La plume de Jane Austen est magnifique et étend avec beaucoup de délicatesse la différence de caractère entre Elinor et Marianne au fil des pages. La brûlure de la passion et la douleur de la trahison sont exprimées avec pudeur, ce qui accroit encore plus leurs effets sur le lecteur. En effet, les deux soeurs font face à des épreuves étrangement similaires mais ne les affrontent pas de la même façon. Là où Elinor intériorise ses sentiments et fait passer sa famille avant son propre bonheur, Marianne exprime ce qu'elle ressent avec force et fracas. Cette différence qui les réunit montre que le sort est le même pour toutes les femmes à cette époque: elles sont dépendantes des hommes mais pour autant ne peuvent pas réellement choisir celui avec lequel elles vont vivre car l'intérêt financier prévaut. Mais face à cette société patriarcale, la mère et ses trois filles font face avec leurs moyens, démontrant que la sonorité permet de résister. Face à elles, plusieurs personnages masculins mais aussi féminins sont odieux, à commencer par John, leur beau-frère, qui étant de nature cupide se laisse pousser par sa femme qui l'est encore plus et coupe les vivres à celles qu'il est censé protéger après la mort de son père. Les amoureux respectifs des deux jeunes femmes ne sont pas beaucoup mieux et font passer argent et anciennes promesses vaines avant celles qui les aiment avec dévotion. Au-delà de ces personnages détestables (quoique nuancés au fil des pages), c'est la société mondaine et ses faux-semblants qui est vivement critiquée par l'autrice au travers d'une ironie fine et omniprésente. Le livre est assez long mais se lit à une vitesse folle grâce au mélange savant entre histoires d'amour mouvementées, satire douce et suspense bien ménagé. La lecture de ce roman a été un réel plaisir et me donne envie de découvrir le reste de l'oeuvre de Jane Austen.

Mon premier roman de Jane Austen. Un livre qui m'a redonné le goût à la lecture que j'avais perdu depuis de longues années. La romantique que je suis à été tout à fait satisfaite par cette belle histoire qui donne envie de s'installer pour un moment cosy.

Il n'y a pas à dire, la plume de Jane Austen était d'or. Ce livre est excellent, à l'image de tout ce qu'elle a pu écrire dans sa vie mais je dois avouer que, parmi ses 6 romans, c'est celui que j'aime le moins. Enfin, disons plutôt que j'aime ses autres romans encore plus que j'aime celui-ci - c'est plus juste. Ce que j'aime dans ce roman se résume en un seul mot, plus précisément un nom : Elinor. Elle est le seul personnage que j'apprécie vraiment dans ce livre. Une jeune femme forte, qui doit porter les peines des autres en plus des siennes mais qui refuse de laisser transparaître ses souffrances, non pas par fierté, mais par amour, par compassion, ne voulant pas que son fardeau vienne alourdir celui des autres. Elle prend tellement bien sur elle que les autres ne perçoivent pas sa sensibilité. Elle est constamment tournée vers les autres, sur leurs besoins, plutôt que sur elle-même. J'aimerais lui ressembler un peu plus. Mais je dois dire que les autres personnages n'ont pas réussi à se faire de place dans mon cœur. L'altruisme d'Elinor forme un contraste frappant avec l'égoïsme de presque tous ceux qui l'entourent. Marianne, Lucy, Willoughby ou encore Fanny sont des êtres concentrés sur eux-mêmes, ne voyant que leurs propres souffrances, leurs propres désirs, ne se souciant pas du mal qu'ils peuvent faire autours d'eux. Je généralise bien sûr, tous ces personnages étant plus complexe que cette succincte description, en particulier Marianne. Mais tous semblent concentrés sur leur propre personne, ce qui n'est pas sans rappeler le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui malheureusement. D'ailleurs, tous se confient à Elinor à un moment ou à un autre : sa sœur, sa mère, son frère, sa rivale, le voisin... de nos jour, Elinor pourrait faire payer ces consultations. Heureusement, comme toujours avec Jane Austen, les gens biens sont récompensés, même si dans ce roman, les méchants ne semblent pas suffisamment punis. Ce n'est peut-être pas juste à mes yeux de lectrice, mais ç'a le mérite d'être réaliste.

Je termine "Raison et sentiments" avec deux regrets : celui que ce soit fini et celui de ne pas avoir lu cette merveille plus tôt ! Les trois filles de la famille Dashwood viennent de perdre à la fois leur père et toute chance d'en hériter la moindre fortune, terrible malheur dans le monde fait de convenances qui est le leur, où peu de jeunes femmes désargentées peuvent espérer se marier. Quittant une demeure et une région qui leur sont chères, c'est dans le Devon qu'elles partent s'installer, dans un charmant cottage entouré de voisins rivalisant de curiosité et d'amitié à leur égard. La douce Elinor, qui a laissé derrière elle un prétendant, tente d'accepter son sort avec une sagesse qui fait défaut à sa jeune sœur Marianne, tandis que celle-ci s'éprend avec passion d'un de leurs voisins, le séduisant John Willoughby. La prudente raison de l'une offre un contraste parfait avec l'enthousiasme enflammé de l'autre, et c'est avec ces différences si évidentes de caractère que les deux sœurs se laissent tour à tour aveugler jusqu'au dénouement de leurs idylles. J'ai trouvé cette lecture très plaisante, tant illuminée par la malice de cette plume que j'affectionne que par la force de caractère et la résilience d'une de mes héroïnes austenniennes préférées. Un grand roman d'amour et de mœurs, et un écrin de ce que la littérature anglaise du XIXe siècle peut faire de plus délicat.