Un furieux silence : Le livre de Charlotte Dordor
" En fait, tu es de ces familles où on est élevé par les bonnes. "
Quand sa femme lui lance ces mots, Paul se remémore d'abord les tendresses d'Huguette et de Béatrice, la raideur de son père et le mutisme de sa mère. Puis resurgissent la honte, la violence et les non-dits. Enfant maladif, Paul a grandi tant bien que mal pour devenir un homme replié sur lui-même, impuissant face aux problèmes de sa propre fille.
Un soir d'automne, il revient dans le Limousin, à La Boissonnière, la maison familiale qu'il a quittée trente-trois ans plus tôt, à la suite d'une âpre dispute. Là, il retrouve une histoire qu'il a passé sa vie à essayer d'oublier.
La voix de sa soeur Françoise, la petite fille effacée et aimante, et celle de son frère Henri, l'adolescent perspicace et écorché, se mêlent à la sienne pour percer, dans une composition magistrale, les secrets qui ont détruit leur famille et ne cessent, depuis les années cinquante, leurs ricochets furieux.
De (auteur) : Charlotte Dordor
Expérience de lecture
Avis des libraires
Avis Babelio
MPM
• Il y a 1 mois
Difficile de faire la critique d'un tel roman qui a des qualités indéniables mais aussi des défauts relevés par de nombreux lecteurs. D'abord c'est un roman choral comme on en lit de plus en plus. On est censé par ce biais littéraire avoir différents points de vue sur une intrigue et donc une vision d'ensemble, complète. Or en l'espèce ce n'est pas le cas car la voix est donnée à certains personnages et pas à d'autres. Dans cette histoire de fratrie (deux frères et une soeur), la romancière ne nous donne pas accès à la voix intérieure de la mère et du père pourtant au coeur de ce drame familial or c'est leur ressenti qui manque cruellement pour appréhender cette histoire de famille. Par ailleurs, les points de vue sont épars, éclatés dans le temps. Il est dommage que l'on perde de vue certains personnages dès qu'ils rentrent dans l'âge adulte. Dans ce puzzle familial des pièces essentielles sont manquantes pour appréhender le tout. Sur le plan chronologique le lecteur se perd un peu aussi. On passe d'une époque à l'autre et d'un personnage à l'autre sans transition, ce n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Mais peu à peu, malgré tout, le tableau familial s'ébauche. On se retrouve plongé dans les années 60 dans une famille bourgeoise de province où les enfants sont élevés par des bonnes puis en pension. Henri, Françoise et Paul subissent une mère « froide et dépressive » et un père « dur et autoritaire ». Aujourd'hui, Paul est le seul survivant quand il revient pour vendre la demeure familiale où il a grandi. Dès le début on pressent qu'il s'est passé quelque chose de grave qui est resté caché, enfoui dans le silence (d'où le titre du livre). Très vite on pénètre dans l'intimité de cette famille, on subit le climat oppressant qui y règne. L'intrigue se déploie lentement mais prend de l'épaisseur, le lecteur a envie d'en savoir plus sur cette famille, ses drames, ses secrets. Et le dénouement donne des réponses. Dommage cependant que la fin du livre comporte des longueurs et surtout coupe le suspens avec les longs développements sur les étés à la ferme dite « ferme d'Henri » qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe et n'apportent pas grand chose au final. Un point reste obscur à savoir le comportement d'Irène avec Paul quand il est petit (si un lecteur peut m'éclairer, j'avoue n'avoir rien compris). La force de ce roman c'est le style impeccable, très élégant de la romancière. C Dordor a un fort don d'évocation ; son récit donne une large part aux sensations et aux souvenirs d'enfance. Les dialogues sont très naturels et réussis aussi. L'autre intérêt de ce livre, ce sont les très beaux personnages de femmes : Huguette (la domestique âgée et lucide – qui sait tout mais se tait) – Irène (la grande bourgeoise très belle dépressive empêchée de vivre, subissant l'intolérable et incapable de donner de l'amour à ses enfants) – Béatrice (la sacrifiée, jeune soeur d'Irène, personnage solaire dont la joie de vivre tranche avec les autres membres de la famille) – Françoise (jeune fille et femme grassouillette et peureuse écrasée par le personnage froid et énigmatique de la mère). Le personnage de Paul (le frère), homme en souffrance à la recherche de l'origine de son mal être, est aussi bien campé et intéressant. La figure du père, écrasante et odieuse, plane sur tout le livre. En conclusion, ce roman à la Mauriac prenant et oppressant, très bien écrit, rend bien compte de l'ambiance délétère régnant dans une famille bourgeoise où l'on subit et l'on tait le pire. Avec talent, la romancière explore le thème des secrets de famille qui font des ravages sur des générations mais elle démontre aussi que la violence psychologique (indifférence, mensonges, non-dits, contrainte morale, paroles assassines…) est aussi destructrice que les autres violences (physiques et sexuelles). C'est un roman sur les non-dits mais la romancière elle-même ne lève pas tout à fait le voile sur cette histoire familiale choquante et dérangeante à la fois, aussi le lecteur peut ressentir une frustration et un goût amer d'inachevé. Personnellement je me suis demandée comment des êtres peuvent à ce point aussi mal se conduire (le père) ou subir l'intolérable dans le seul but de préserver les apparences (la mère Irène et sa soeur Béatrice). En conclusion, c'est un roman à découvrir ne serait-ce que pour la très belle plume de Charlotte Dordor. PS la couverture du livre est très réussie
Spitfire89
• Il y a 4 mois
Après avoir lu le précédent livre "Le retour de Janvier" je me suis plongé dans cette nouvelle histoire de Charlotte Dordor, une lecture très plaisante avec une intrigue prenante dont le suspense est bien entretenu, le voile se lèvera sur un tabou familial. Car même les familles bourgeoises on des liens complexes. Très bien écrit, de multiples voix, des traumatismes de générations en générations, chaque chapitre est raconté à la première personne et un chaos émotionnel.
Kirzy
• Il y a 4 mois
Il y a trente-trois ans, Paul a fui la maison de son enfance. Seul rescapé de sa famille, désormais âgé de 51 ans, il retourne dans cette « crypte close » pour régler son héritage. Il veut vendre. « Il traverse la maison, passe devant les portes closes. Il a peur et envie de tout ouvrir à la fois. L'excitation lui monte du coeur à la tête, elle redescend dans ses mains en tremblements. Il hésite, fuir la maison ou la violer, forcer les portes et sa mémoire. Il sait pourtant qu'il ne peut pas se dérober. Il faudra bien désamorcer ses souvenirs, les regarder en face. Les entendre, surtout. Chaque pièce porte en elle le chant des disparus. » Alors qu'il s'apprête à couper les derniers liens qui le rattachent à une enfance haïe, alors qu'il a passé sa vie à détourner les yeux de son passé pour construire sa propre famille, les souvenirs et les fantômes des disparus l'assaillent, « les courants d'air murmurent son nom ». Pour autopsier cette famille bourgeoise dysfonctionnelle avec ses secrets et tragédies tues, Charlotte Dordor fait le choix du récit choral. Chaque chapitre, plutôt court, tend le micro à un des protagonistes, chacun avec un ton et un vocabulaire qui lui sont propres : Huguette, la vieille bonne qui observe de loin mais comprend tout ; Henri, le frère de Paul, aîné de la fratrie, adolescent brillant, sombre et antipathique ; Françoise, la soeur, cadette de la fratrie, toujours en retrait pour ne pas chercher à faire de vague ; et Paul, enfant chétif, toujours malade, qui capte toute l'attention d'une mère surprotectrice. Et négatif, ce sont les portraits des parents qui se révèlent, lui le chirurgien réputé qui quitte la gloire bordelaise pour venir s'installer dans un « château » du Limousin ; elle, l'ancienne danseuse classique enfoncée dans la dépression. Le montage de ces chapitres choraux accompagne parfaitement l'avancée de l'intrigue et sa montée en tension. Certes, le sujet en soi n'est pas original. Ce noeud de vipères intra-familial, c'est du lu et archi relu. On devine d'ailleurs assez vite le contour des secrets, mais la maitrise narrative de Charlotte Dordor est telle qu'on apprécie de découvrir comment elle agence les morceaux de son récit en commençant par des allusions - que l'on sent étranges – qui se muent en révélations explicites au fil du récit. L'alternance passé / présent est parfois un peu confuse mais participe à la dynamique même d'un secret du passé qui floute le temps présent des concernés. Car derrière l'écriture soignée et la fine caractérisation psychologique des personnages, l'autrice excelle à décrire les mécanismes à l'oeuvre dans la transmission d'un secret de famille : le traumatisme initial aux conséquences graves pour la victime, puis le silence de cette dernière qui se transforme en tabou, puis le suintement de la blessure sur les personnes au contact de la personne blessé ; de génération en génération, le secret initial s'est ramifié et impacte inconsciemment la psyché et le comportement de tous les membres d'une famille . « On met difficilement un nom sur le mal qui ronge ceux qu'on aime. Quand on est enfant, on ne fait que ressentir le malaise, on le flaire sans le comprendre. Quand on commence à le concevoir, on ignore les mots qui le circonscriraient ; et quand on les découvre enfin, on s'efforce de les contourner. » Le titre ne pouvait pas être mieux choisi pour présenter cet excellent roman, sombre et âpre, qui montre la difficulté le grand voile intérieur tissé par un tabou familial.
LilyaRose
• Il y a 6 mois
Merci à NetGalley et aux Éditions Julliard pour cette lecture de Un furieux silence de Charlotte Dordor. Ce roman raconte l’histoire d’une femme qui lutte pour comprendre le silence qui l’entoure et qui tente de faire face à des événements marquants et bouleversants. Le thème de l’incommunicabilité et du silence, tant physique qu’émotionnel, est très bien exploré et porté par un style d’écriture fluide et évocateur. L’auteure maîtrise la description des états d’âme et l’introspection des personnages avec une grande finesse, ce qui confère une profondeur à l’histoire. Cependant, malgré la qualité de l’écriture, j’ai eu du mal à me plonger dans l’histoire. La lenteur du récit et le ton mélancolique m’ont empêchée de vraiment m’attacher aux personnages et de me concentrer sur ma lecture. Peut-être que ce n’était tout simplement pas le bon moment pour moi de lire ce genre de livre, mais j’ai trouvé l’expérience un peu décevante. En résumé, Un furieux silence est un roman très bien écrit, avec une belle exploration des silences intérieurs, mais qui, malheureusement, n’a pas su m’emmener totalement. Peut-être que d’autres lecteurs, dans un autre état d’esprit, l’apprécieront davantage.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Français
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- EAN
- 9782260056447
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- Collection ou Série
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- Format
- Grand format
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- Nombre de pages
- 336
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- Dimensions
- 207 x 142 mm
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21,50 € Grand format 336 pages