Camille, 1815 : Le livre de Armand Cléry

Un roman entraînant et original, qui échappe aux poncifs habituels sur l'Empire. Bien sûr, on peut ne pas aimer, mais le choix du moment (l'après Waterloo), des personnages (dont une baroudeuse sans vergogne) et de la technique romanesque (une structure chorale où l'on suit chaque figure jusqu'à ce que leurs trajectoires se recoupent) permet de se démarquer d'autres livres. J'ai passé un bon moment, même si j'aurais aimé que le personnage de Davout soit plus détaillé pour faire contrepoids à la flamboyance de Camille. Sans doute, mes exigences de lecteur avant tout féru d'histoire.

Camille 1815, de est effectivement de mon point du vue aussi une « révélation » : d’une très jolie écriture gourmande de jolis mots sans pédantisme, l’histoire d’une soldate givrée, trompe la mort et lesbienne assumée qui « perturbe » la rédition de l’armée Française en 1815 donc, après la chute de l’Empereur. Le parfum de débâcle et d’extrême danger qui règne – c’est bien le seul – dans un chaos complet à Orléans est le décor de ce livre criant de vérité. Ultra documenté sans être lourd, épique à en faire pâlir Alexandre Dumas, j’ai pris un pied gigantesque, sourire et lèvres et remerciements appuyés à chaque page pour l’auteur !! Ses personnages, inventés ou réels qui font vivre cette histoire de vengeance, sont précis, vivants...Les scènes sortent tout droit d’une toile de David ou Meissonier, et ce voyage fut jubilatoire, amoureux, et magique...Tous les films que vous voulez, la meilleure série du monde sera incapable de faire naître une telle richesse d’images, une telle soif d’aventures fantasmées...Et comme j’enchaîne sur les derniers jours de Robespierre, je pense que je vais me vêtir d’une redingote de soie ourlée de dentelle, de souliers à boucles de fer et de perruque poudrée tout en vomissant la fleur de lys : et vive la République, mort aux muscadins et autres cagotins, que diable !

En 1815, après la bataille de Waterloo et la défaite de l’armée révolutionnaire de Napoléon, les pays vainqueurs fervents défenseurs de la monarchie et du retour des Bourbons envahissent le pays. C’est dans ce contexte politique tendu et houleux que se déroule ce récit. Ce que j’apprécie dans les jurys ou les Bookclub, c’est qu’ils sont parfois l’occasion de jolies découvertes. Ce fut le cas de ce roman qui pour être honnête, me faisait très peur et ne me tentait absolument pas. Je l’ai d’ailleurs laissé traîner plusieurs semaines avant de me lancer et je l’ai finalement plutôt apprécié ! C’est un roman exigeant, empli de références historiques sur une période que, heureusement, je connaissais un peu grâce à des études d’histoire. Je pense que sans cela, j’aurai été totalement perdue dans le jeu d’alliances et dans le tumulte politique du pays au début du XIXe siècle. Au delà de l’Histoire, des batailles et des divisions, j’ai apprécié suivre les histoires personnelles de plusieurs personnages : la grande Camille d’Harpalyce, combattante courageuse et farouchement dévouée à l’empereur, le vieil Harmodio Bruto, père de famille esseulé et avide de vengeance … C’était un joli mélange d’Histoire et de fiction, même si je regrette l’absence de notes de l’auteur en fin de roman pour nous aider à discerner le réel de ce qui a été inventé pour les besoins de l’intrigue. Un roman historique riche et exigeant que je vous conseille si vous avez quelques connaissances sur la période. En revanche, si vous aimez les récits plus légers et fluides, il ne sera peut-être pas fait pour vous ! De mon côté, c’était une jolie sortie de zone de confort !

Avec Camille 1815 on entre dans les coulisses de l’Histoire. Ces événements oubliés qui se révèlent, sous la plume d’Armand Cléry, captivants, entraînants, puissants. Magistrale, son écriture nous guide sur les pas de personnages complexes et terriblement humains. Un grand roman, une belle découverte.