Le Baiser : Le livre de Sophie Brocas

Voilà une histoire bien romanesque, l'autrice s'intéresse à une jeune exilée russe Tatiana Rachewskaïa qui débarque à Paris en janvier 1910 chez une vieille tante acrimonieuse qui lui laissera peu de liberté. Mais la demoiselle est fûtée, étudiante en médecine, (il fallait oser à cette époque) elle n'aura de cesse de trouver des stratégies pour se libérer du chaperon... Elle fera la rencontre du célèbre sculpteur Brancusi dont elle sera modèle et peut être un peu plus... Parallèlement, une avocate un peu terne, lassée de son rôle dans un grand cabinet de fusion-acquisitions, mais consciencieuse, efficace dans son travail, se trouve galvanisée par une mission à laquelle elle va se consacrer, à savoir protéger et sauvegarder la stèle funéraire d'une inconnue, sculptée par le célèbre Constantin Brancusi, une colonne de pierre nommée Le baiser. Le roman alterne entre la découverte par Tatiana de Paris et le célèbre quartier Montparnasse et l'enquête contemporaine conduite par l'avocate, afin de réhabiliter Tatiana et conférer à l'œuvre le statut de monument national, menacée de descellement, car imaginez la valeur de cette prestigieuse statue qui fait bien des envieux ! Elle y croise tous les artistes qui gravitent dans ce quartier, Satie, Rousseau, Modigliani, Soutine, Derain,.... et découvre La Ruche, autre atelier d'artistes à Montparnasse. Ce roman se lit comme un polar, le style est fluide, la relation de Tatiana et du grand maître pimentée est bien rendue même si elle est partiellement fictive. Quant à la quête de Camille, avocate, elle est menée tambour battant, et sur les fondements du droit d'auteur, dont le droit moral, son imprescriptibilité, son inaliénabilité. Enfin le droit funéraire, dont j'ignorais tout. J'ai aimé me promener aux côtés de Tatiana, croiser Brancusi, accompagner Camille dans son combat juridique et plus tard judiciaire. Un joli petit roman original.

L’histoire est vraie : celle d’une sculpture de Constantin Brancusi de 1910, posée sur la tombe d’une aristocrate russe, Tatiana Rachewskaia, morte suicidée à 23 ans, nièce de Tolstoï. Cette œuvre vaut au bas mot, 50 millions d’euros, ce qui a bien sûr, interpellé la famille de Tatiana quand ils ont connus la côte sans cesse grandissante du sculpteur. Ils ont voulu la récupérer. Mais, après 10 ans de bataille juridique, du classement de l’œuvre comme trésor national, en 2021, il a été conclu que la sculpture devait rester sur la tombe. Mais la somme en jeu est telle que les rebondissements sont possibles. L’autrice s’inspire donc de ces faits pour construire un roman à deux voix, celle intime du journal de Tatiana (que personne n’a jamais revu, sans doute détruit par la famille) et celle de Camille, une avocate fictive, brillante dans son domaine des fusions acquisitions, sans vie personnelle mais qui va être engloutie par l’histoire de cette statue et elle n’aura de cesse de faire en sorte qu’elle reste au cimetière Montparnasse. Sophie Brocas imagine Tatania, jeune fille russe venue sous la tutelle d’une tante austère à Paris, découvrant la vie parisienne, inscrite à des cours pour devenir médecin, la vie parisienne, l’apprentissage de la liberté, amoureuse de Brancusi, leur passion dans l’atelier du sculpteur, sa jalousie et son suicide. Pourquoi pas, nous ne savons quasi rien, hormis le petit médaillon sur la tombe. J’ai trouvé le tout un peu fleur bleue pour en faire un très bon roman, même s’il est possible qu’elle se suicide de honte, même si Camille peut se transformer physiquement et tomber amoureuse en vivant autre chose que des tableaux de chiffres. Il en reste que j’ai regardé de ce fait plusieurs documentaires sur Brancusi et son œuvre, et rien que pour cela, ce roman bien écrit d’ailleurs, est une découverte intéressante et une plongée dans l’art qu’il faut saluer.

Le baiser est un roman très intéressant. C'est surtout une statue de Brancusi scellée sur une tombe du cimetière du Montparnasse. Sophie Brocas dresse le portrait en parallèle de deux femmes animées par un profond désir de justice et d'indépendance. Au delà de l'histoire somme toute peu originale des héroïnes c'est le contexte historique et le statut de l'œuvre de Brancusi qui m'ont intéressée. Ce roman se lit très rapidement et facilement. L'écriture est agréable. Je le recommande à ceux qui cherche une lecture distrayante et enrichissante