Le Misanthrope : Le livre de Molière
Alceste est un idéaliste bougon qui voudrait changer le monde par la seule force de son caractère et de son intransigeance envers le pouvoir et ses compromissions. Il plaide pour une sincérité absolue et critique avec véhémence l'hypocrisie de son temps. Il essaye également de se faire aimer par Célimène, ensorcelante veuve de vingt ans dont la frivolité mondaine et la coquetterie extrême n'effacent en aucun cas les charmes qu'il lui trouve. Mais il se heurte à bien des désillusions...
Molière se moque-t-il de ce personnage car il ressemble étrangement au spectacle grotesque de la société du XVIIe siècle ? Le ridiculise-t-il par plaisir ? L'œuvre la plus secrète de Molière garde toujours son secret...
Texte intégral
12/21
De (auteur) : Molière
Expérience de lecture
Avis Babelio
LaLisiere
• Il y a 4 mois
Créé en 1666, "Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux" est l’une des pièces les plus complexes, les plus modernes et les plus ambiguës du théâtre de Molière. Sous couvert de comédie, l’auteur y explore les tensions entre vérité et hypocrisie sociale, amour et intransigeance morale, solitude et désir d’absolu. Alceste, le héros éponyme, est bien plus qu’un simple personnage ridicule : il incarne une figure en lutte contre les compromis d’un monde trop civilisé pour la sincérité brute qu’il revendique. Cette œuvre, écrite en vers, déploie un art subtil de la langue et du portrait, tout en tendant un miroir acerbe à la société du Grand Siècle. La trame du "Misanthrope" repose sur un paradoxe central : Alceste, qui prétend haïr le monde et ses faux-semblants, est épris de Célimène, incarnation même de l’esprit mondain, séductrice, vive et ambiguë. Autour de ce couple improbable gravitent une galerie de personnages qui cristallisent différentes attitudes face aux normes sociales : Philinte, l’ami conciliant et lucide ; Éliante, la voix douce de la raison ; Arsinoé, la prude jalouse. La pièce ne suit pas un enchaînement d’actions propre à la comédie de situation, mais s’organise autour de confrontations verbales, de débats, de prises de position éthiques et sentimentales. Le conflit est donc moins extérieur qu’intérieur : il se joue dans les convictions, les contradictions et les refus. Alceste est déchiré entre ses principes et ses affects ; Célimène, entre sa liberté d’esprit et la pression sociale ; Philinte, entre loyauté amicale et réalisme pragmatique. Molière attaque avec finesse les codes de la cour et de la conversation, où la flatterie l’emporte sur la franchise, et où l’apparence prévaut sur la profondeur. Alceste, en exigeant une vérité nue et radicale, met à mal les fondements du lien social. Mais cette posture, quoique vertueuse en théorie, devient inopérante dans la pratique : son refus de toute diplomatie l’isole, l’expose au ridicule et à l’échec amoureux. La célèbre scène de la querelle sur un sonnet (acte I, scène 2) illustre ce décalage : là où Philinte conseille de ménager les egos, Alceste refuse toute concession. Or, dans une société fondée sur les échanges de convenance, cette attitude devient déstabilisante, voire subversive. Le langage, dans "Le Misanthrope", est au cœur du drame : c’est un outil de dissimulation ou d’affirmation, selon qu’il sert à plaire ou à dire. Molière, en choisissant l’alexandrin rimé pour cette comédie, confère à son œuvre une densité stylistique qui dépasse la seule recherche du comique. Le vers impose une régularité qui contraste avec les tensions affectives et éthiques de la pièce. Ce jeu entre la forme et le fond accentue l’ironie dramatique : Alceste, l’homme de la parole pure, est prisonnier du langage poétique, lui-même soumis à des règles. Le style est d’une clarté remarquable, mais jamais plat : les répliques cinglent, les échanges rebondissent, les portraits se dessinent en creux par la musicalité du vers. Molière y déploie une langue riche, fluide et incisive, au service de la comédie d’esprit autant que de la dissection des âmes. "Le Misanthrope" déjoue les attentes classiques. Si la pièce est qualifiée de comédie, elle se clôt sur une rupture et un départ — non sur une réconciliation ou un mariage. Alceste choisit l’exil, dans une scène finale dépouillée, où la solitude triomphe sur l’harmonie. Cette fin, à la fois stoïcienne et mélancolique, interroge : la vertu radicale est-elle viable dans un monde de compromis ? Le misanthrope est-il un héros ou un bouffon ? Célimène est-elle une coquette frivole ou une femme libre dans un monde corseté ? L’œuvre pose ces questions sans y répondre tout à fait, ce qui explique sa richesse interprétative. Elle anticipe les figures modernes du désenchantement, du refus de l’ordre social, de l’individu en lutte contre l’absurde ou la médiocrité. "Le Misanthrope" est une œuvre fondatrice de la comédie de caractère et de la satire morale, mais elle dépasse ce cadre par sa profondeur psychologique et sa portée existentielle. Par son langage ciselé, son architecture dramatique et la complexité de ses figures, elle continue de susciter des lectures multiples : celle d’un pamphlet contre l’hypocrisie, celle d’un drame intérieur, celle d’un hymne ambigu à la sincérité. Molière, au sommet de son art, y révèle toute la fragilité de l’idéal humain face aux exigences du monde. Alceste, en se retirant, ne triomphe pas — mais il nous oblige à penser : faut-il renoncer à dire vrai pour vivre en paix ?
Verteflamme
• Il y a 5 mois
Défi globe trotteurs : France (défi du mois) Je profite de ma superbe expérience (à Paris, au théâtre du Ranelagh avec Thomas le Douarec comme metteur en scène) pour commenter ces beaux alexandrins. C’est en effet un propos servi par un magnifique texte. Notre atrabilaire, mélancolique et misanthrope, veut fuir dans un désert, et si on le trouve ridicule, « tant mieux ». Je me reconnais dans Alceste, surtout dans cette facette, et c’est le but que de corriger par le rire (il me fait rire mais je suis un peu comme lui). Mais son autre facette est son « amour grondeur », étrange, extrême, allant jusqu’à souhaiter du mal à son amante, mais… illogique et résistant à l’épreuve. C’est tout un petit monde qui gravite autour de Célimène. L’antipathie d’Alceste, au fond, est à opposer à ce microcosme vaniteux (ex. Le marquis Acaste, imbu de sa personne) et Molière en bon moraliste n’épargne presque personne. Le dramaturge est fin : par exemple, quand Oronte veut lire son sonnet à Alceste, il commence par le commenter : « oui alors ça m’a pris 15 minutes ect » ce que moi (en tant qu’auteur) je tends à faire quand je lis mes textes à mes proches. J’ai dit presque car Philinte qui oppose son « flegme » à à bile d’Alceste est (comme le personnage du beau frere dans Tartuffe) l’élément raisonnable, qui au fond sait que tout le monde est hypocrite mais estime que ce n’est pas une raison pour fuir le monde. En cela le personnage semble incarner la morale de Molière et une certaine souplesse. La pièce, ensuite, est drôle, que ce soit dans son enchaînement, les péripéties ou bien certaines répliques (ex. « C’est que tout l’univers est bien reçu de vous ») . Le personnage est un peu moi; mais ridicule… Enfin, j’aimerais attirer l’attention sur le fait que Molière accepte une certaine hypocrisie pour « faire société », (ici, pas tant les classes sociales, on ne voit d’ailleurs pas de valets, ni les générations, seulement un peu avec Arsinoe et Celimene, que les rapports humains). En revanche il n’érige pas en vertu l’hypocrisie ni ici ni ailleurs : ici, le « bitchage » dans le dos des autres que l’on accueille à bras ouverts est ridicule, et ailleurs, le dernier mot du Tartuffe est « sincère ». Dans ce texte de Molière, le mot « siècle » revient beaucoup (notre siècle…) ce qui laisse à penser que l’homme du 17e a conscience du 17e.
Luxcie
• Il y a 6 mois
Une de mes pièces préférées que j'adore voir jouer au théâtre, mais avoir le texte est toujours un petit + et c'est un ouvrage très drôle, qui parle pourtant de problématiques actuelles. Absolument génial ! Une des meilleures pièces de théâtre selon moi, qui me fait toujours autant rire, et c'est le grand point fort de Molière : il écrit le théâtre comme personne
Laure_dl
• Il y a 6 mois
Moi qui ai toujours boudé les comédies étudiées en cours, je ne m’attendais pas à autant aimer celle-ci. Je renoue avec le théâtre et j’ai été ravie de découvrir cette pièce, dont je ne savais rien, ce qui a été une belle surprise, les classiques étant souvent spoilés. C’est tellement bien écrit ! C’est très agréable de découvrir un texte en vers et j’ai marqué de nombreux passages qui ont su résonner en moi. J’avoue toutefois qu’il m’a fallu m’habituer au langage soutenu. Ayant toujours du mal à retenir les noms des personnages, j’ai souvent dû me référer à l’index ( ?) au début du livre pour être sûre de ne pas m’emmêler les pinceaux. La prochaine fois, j’écrirai les noms sur un papier dont je me servirai comme marque-page, pour ne pas me couper dans ma lecture. En parlant de personnages, j’ai été très touchée par Alceste, le fameux misanthrope. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, car il me semble que la sens de ce terme a quelque peu changé dans le langage courant, le misanthrope ici n’est pas un odieux personnage qui voue aux hommes une haine gratuite. Ce sont plutôt les mœurs de la Cour qu’il a en horreur car il est intègre, ce qui le conduit à certaines extravagances. J’ai toujours eu un faible pour les personnes qui ne sont pas socialement adaptées et qui sont entières, même si ce n’est pas du goût de tous. Certes, Alceste est extrême et intransigeant et son comportement peut déranger mais il reste fidèle à ses valeurs jusqu’au bout, ce qui ne l’empêche pas d’avoir quelques paradoxes. Peut-on sincèrement le lui reprocher ? J’ai aimé cette pièce qui, au-delà de la comédie, est une satire sociale qui dénonce l’hypocrisie de la Cour, de la société et les travers de la nature humaine. L’édition scolaire m’a permis de mieux comprendre et apprécier cette œuvre grâce à l’analyse de passages clé et à une mise en contexte pertinente.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Classiques et Littérature , Littérature Classique
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- EAN
- 9782266296526
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- Collection ou Série
- Littérature - Classiques
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 96
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- Dimensions
- 178 x 109 mm
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1,90 € Poche 96 pages