Le Sang des innocents : Le livre de S. A. Cosby

Encore un bien beau personnage dans mon panthéon des héros littéraires: Titus Crown, shérif, ancien du FBI, et accessoirement noir, y entre directement tellement ici l'auteur nous offre un personnage complexe, profondément humain, solide et sensible, humain. Ajoutez-y une histoire ancrée dans le sud des USA, aux relents toujours présents d'esclavagisme, avec une bonne dose de pédophilie et des meurtres tous ignobles, vous tenez là un roman noir magnifique, l'un des meilleurs lus ces dernières années. Je ne vais pas m'étendre plus avant, le nombre d'avis pour ce livre est déjà bien élevé, mais il est certain que je garderai longtemps le comté de Charon, son shérif, ses secrets au plus profond de moi-même.

Titus est un bon flic, du moins il essaye. Ancien du FBI, il est désormais chef de la police de Charon, petite ville où il vécut enfant. Bien qu'intègre et droit, il n'est pas apprécié de tout le monde. En grande partie parce qu'il est noir. Racisme et jalousie quand tu nous tiens. "Le sang des innocents" démarre par ce qui semble être une tuerie de masse dans le lycée de la ville mais il s'avèrera finalement que seul le Professeur aimé de tous était visé par Latrell, un adolescent un peu en marge et mort sous le feu des adjoints de Titus. Adolescent psychopathe ? Meurtre de sang froid ? Bavure policière ? Une enquête qui va souffler sur les braises de la sombre histoire de Charon. S.A. Cosby est du cru, il a passé son enfance dans une caravane quelque part en Virginie et s'est fait sa culture tout seul. Un grand gaillard imposant, tout comme son écriture où il dépeint l'Amérique à coup de sulfateuse. Un parcours et un écrivain intéressants. Le genre polar noir au fin fond des Etats-Unis, le racisme d'hier et d'aujourd'hui, l'écriture riche et vrai qui fleure bon le vécu. J'ai aimé. Là où j'ai moins aimé est qu'il en a gros sur la patate S.A. Cosby et ça se sent... Peut-être un peu trop. Qu'il se serve du polar pour dire le racisme toujours prégnant et la noirceur de son pays, aucun problème c'est ok, mais j'ai parfois eu l'impression que les questionnements de Titus revenaient un peu trop souvent, qu'il s'effaçait derrière S.A. Cosby, que le polar devenait roman sociétal. Ceci dit , "Le sang des innocents" est un bon bouquin bien noir écrit par un auteur qui a du mérite et qui a beaucoup à dire sur l'Amérique et sa terrible histoire afro-américaine.

Normalement ça devait me plaire : le prix Elle, le roman policier, le problème du racisme en Virginie, la note Babelio de 4.27 et l’intro alléchante, sauf que je n’ai pas lu qu’il y avait un aspect gore, en plus du sang, qui est dans le titre, on ne m’a rien dit les supplices, les monstruosités. J’ai failli stopper net et juste après l’insoutenable naît un intérêt pour le héros droit, intègre et son secret, de l’histoire de famille émouvante, de sa gentille copine, des conflits blancs /noirs, de la problématique de la religion etc. Tout ça a mis à distance mon profond dégoût. Un roman policier bien ficelé, des personnages qui tombent du ciel et qui aussitôt donnent du sens, tout s’imbrique, de charmantes petites maximes allègent l’ambiance. A la lecture des critiques dithyrambiques, je me sens mauviette, les clichés du roman noir ne sont pas pour moi.

Charon, une petite ville du sud des États-Unis. Au lycée, une tuerie va conduire un jeune homme à tuer un professeur. Titus, le shérif de la ville, se rend sur les lieux avec son équipe. Le sang des innocents est un roman noir dans l'intrigue mais aussi un roman noir sociétal. Une intrigue avec une construction classique mais c'est sur le fond et sur les personnages que se porte tout l'intérêt de ce roman. Charon est une ville gangrenée par le racisme où Titus, shérif nouvellement élu, est noir. Titus est un personnage complexe tiraillé entre ses nouvelles fonctions de shérif et les siens. Il doit tenter de s'imposer non seulement dans sa fonction et comme une personne noire de surcroît. J'ai apprécié sa posture et son attitude, juste et équitable, sa manière de communiquer mais aussi de s'affirmer. Il analyse tout, se questionne beaucoup sur lui et sur ses concitoyens. Dès les premières pages, l'ambiance est sombre, pesante, et on ressent une chape de plomb s'abattre non seulement sur les épaules de Titus mais aussi sur les nôtres. On sent les tensions et le racisme banalisé est omniprésent. Et la tuerie ne va faire qu'exacerber le climat ambiant car le jeune homme qui l'a commis est noir et qu'il a tué un professeur apprécié de tous. L'écriture de S.A.Cosby est écorchée. On ressent de la douleur dans ce qu'il décrit certes mais ça transparaît dans ses mots. Le sang des innocents fait partie de ces romans qui vous reste longtemps en tête après l'avoir refermé...