Les Dernières Pages : Le livre de Robert Goddard

Robert Goddard à ceci de particulier dans le monde du polar, c'est que tous ses romans sont différents à part le fait qu'ils sont tous bien travaillés en amont et bien structurés. Dans celui-ci, l'auteur revient sur les évènements d'octobre 1961 où "quelques" algériens qui manifestaient pour l'indépendance de leur pays, ont été matraqués et jetés dans la Seine, déclenchant (dans le roman) une riposte de quelques électrons libres du FLN. Riposte qui 20 ans après en 2020 en plein covid, trouve ses conséquences et amène plusieurs personnes dont des policiers à enquêter et à essayer de démêler les fils embrouillés des services de renseignement algérien et de sa clique de barbouses corrompus et intouchables, car anciens du FLN. De plus, les relations ambiguës qu'entretiennent la France et l'Algérie n'aident en rien. Comme toujours chez l'auteur, les rouages de l'histoire sont complexes et se distillent lentement tout au long du roman. Pas le meilleur R Goddard, mais un polar qui se tient.

De son passé colonial c'est avec l'Algérie que la France garde des relations conflictuelles. On le voit encore aujourd'hui. Dans un récit très romancé Robert Goddard nous explique toute cette complexité relationnelle dans les dernières pages. Dans une lettre testament Nigel nous fait voyager dans le temps, entre Paris, dans les années 60 et l'Algérie après l'indépendance et jusque dans les années 90. L'auteur fait référence à la tragédie 17 octobre 1961 pour remonter le fil du temps jusqu'à l'arrivée des islamistes en Algérie au milieu des années 1990. L'auteur ajoute à ça l'assassinat d'un conseiller spécial de De Gaulle par des membres du FLN, la disparition mystérieuse d'une jeune femme dans Paris qui travaillait à Tati ville (studio de tournage de Jacques Tati) et la raison d'État. Vous pouvez constater que j'ai dérogé à mes habitudes en lisant un auteur étranger. Robert Goddard a une plume fine et avec son style il s'est captivé le lecteur en maniant avec habileté suspense et rebondissements. Je recommande fortement cette lecture mêlant histoire, espionnage et rancoeur coloniale, car il s'agit d'un sacré bon roman.

Cette fois-ci Robert Goddard évite les circonvolutions superflues et les considérations inutiles. Il nous balade d'Alger au Hampshire en passant par Paris; il saute du présent au passé, parfois sur la même page, témoignant d'une veine romanesque inépuisable. Il relie l'histoire de l'Algérie in situ avec celle des Algériens en France, massacrés un soir funeste de 1961. Ces événements réapparaissant dans une confession révélée post-mortem, début de l'implacable vengeance d'un frère, obsédé par l'assassinat impuni de sa soeur. Son autre soeur lui conseille de tourner la page, tension familiale au rendez-vous ! Tension également entre une commissaire proche de la retraite et une jeune St Just des renseignements algériens. Tension encore autour de protagonistes en danger de mort. Ce n'est jamais indigeste. Robert Goddard, je le sais, est un fabuleux conteur et un auteur cultivé. En outre, il pose un fameux dilemme entre nécessaire vérité et confortable oubli. Le lecteur choisit son camp, ce qui rend ce formidable roman plus attractif encore.