Notre-Dame de Paris : Le livre de Victor Hugo

Dieu ! Que cette œuvre a été dénaturée par le célèbre dessin animé ! La fin tragique, les constantes digression, l'esprit parisien qui habite chaque ligne, les descriptions magnifiques, et surtout la tragédie, la puissance de la tragédie qui ne dévie jamais, rien n'est là dans cette affreuse adaptation. Les personnages ont tous tant de profondeur en plus : Phoebus n'est qu'un bellâtre inconséquent, Gringoire un homme de lettres excentrique, Frolo un alchimiste victime d'une passion coupable, Esmeralda une jeune bohémienne prise dans un maelström sinistre et Quasimodo, un jeune infirme, affreux et sourd, incapable de communiquer avec le monde, et pourtant si humain. Souvent l'auteur s'amuse à faire des anachronismes, il n'est pas seulement là pour raconter une histoire, laquelle devient souvent très secondaire, mais avant tout pour rendre hommage à notre belle capitale.

Il n’est pas aisé de s’attaquer au monument de la littérature française qu’est Notre Dame de Paris. Si le style peut paraître lourd, ardu et excessivement technique (descriptions architecturales et historiques), la magie ne tarde pas à opérer et le style hugolien vous emporte. Avec un lyrisme et une poésie sans pareils, Victor Hugo nous emmène dans ce Paris inquiétant du XVème siècle où la Esmeralda et la cathédrale brillent, et nous conte une histoire d’amour tragique et intemporelle.

Quelle claque encore une fois. Une vraie tragédie qui vous arrachera des larmes tant l'injustice du gibet et du pilori viendra cruellement vous rappeler l'inhumanité de la peine de mort. J'ai rarement versé ma larme en lisant. Mais ce brave Victor sait vous planter sa plume au cœur. Un plaidoyer vibrant et passionné contre les exécutions d'état et qui ne pourra qu'emporter même les plus fervents défenseurs de cette pratique barbare. Qui trouverait juste le sort de la Smeralda? De la Sachette? Immense poésie que les mots d'Hugo sur Paris et sa matriarche Notre Dame. On a rarement vu pierre s'incarner et prendre vie d'une façon si grandiose entre les mains d'un écrivain. C'est une vraie figure, majestueuse, enveloppante, parfois féroce et menaçante qu'il nous donne a voir. Mon seul bémol se trouve au début du récit, perclus de références et descriptions sur tous les bâtiments parisiens notables (jusqu'au plus insignifiants) en une treeees longue suite sur plusieurs pages d'un chapitre interminable. On sent que l'auteur, illustre certes, est très très fier de ses recherches historiques. Sentiment de gavage accentué par cette édition où parfois les notes de bas de pages sont si volumineuses qu'elles dévorent plus de la moitié d'une page. Accrochez-vous, ou passez ce chapitre si vous n'êtes pas intéressé par l'histoire architecturale de Paris. Ce qui se trouve après est purement génial. J'ai été absorbé intensément par la trame et le style. Poétique (l'ombre des tours jumelles de la cathédrale étalée sur Paris), doué d'une impitoyable acuité, Hugo met au service de son histoire une conviction farouche qui vous obligera a devenir défenseur d'une justice qui ne fait jamais couler le sang. Car c'est irréversible. C'était déchirant, mais éblouissant.

Comme tous les Hugo, Notre-Dame de Paris m’a renversé, jouant avec mes sentiments, oscillant entre compassion et colère. Ce roman est une fresque magistrale où l’on plonge dans le Paris médiéval avec une intensité rare, porté par une écriture qui frappe par sa puissance évocatrice. On ne lit pas Notre-Dame de Paris, on y vit, on marche dans ses ruelles crasseuses, on entend les cloches de la cathédrale résonner, on assiste aux festivités et aux tragédies avec le sentiment d’être totalement happé par le récit. Dès les premières pages, j’ai été fasciné par la reconstruction du Paris du XVe siècle, avec ses places animées, ses quartiers populaires grouillants et ses lieux de pouvoir. Le fameux cri de « Noël ! Noël ! », lancé dans un contexte festif par Jehan Frollo, m’a marqué, car comme beaucoup, je ne savais pas qu’il pouvait être utilisé autrement qu’à Noël. C’est un exemple parmi tant d’autres de la manière dont Hugo nous plonge dans la langue et les traditions médiévales avec un réalisme saisissant. Mais ce qui m’a surtout frappé, c’est la violence et l’injustice qui traversent le roman. On est bien loin de la version édulcorée de Disney, qui fut mon premier contact avec l’histoire lorsque j’étais enfant. Après avoir lu une version abrégée à l’adolescence, il me fallait enfin affronter l’œuvre dans toute sa splendeur… et quelle claque ! Le destin d’Esméralda est d’une cruauté insoutenable. [masquer] Elle incarne l’innocence broyée par la brutalité des hommes : son sort est dicté par la convoitise des puissants, par la lâcheté, par l’injustice la plus totale. Jusqu’à la dernière page, on espère qu’elle échappera à son destin tragique, mais Hugo ne fait aucun cadeau. La scène de son exécution est d’une puissance terrifiante. [/masquer] Claude Frollo est, quant à lui, un personnage magistralement écrit. Loin du simple archétype du méchant manipulateur, il est un homme rongé par la passion et le fanatisme, dont la chute morale est aussi effrayante que fascinante. [masquer] Son obsession malsaine pour Esméralda le pousse à renier tout ce qu’il était, jusqu’à la traîner à la mort qu’il a lui-même provoquée. Son duel intérieur entre le savoir et le désir, entre la raison et l’obsession, est un chef-d’œuvre de complexité psychologique. [/masquer] Et bien sûr, il y a Quasimodo, sans doute l’un des personnages les plus poignants de toute la littérature. [masquer] À la fois repoussant et profondément humain, il incarne l’amour inconditionnel et la tragédie de celui qui n’a jamais été aimé. Son attachement à Esméralda, son désespoir face à son sort, et surtout la scène finale où il disparaît à ses côtés, sont des moments déchirants. [/masquer] L’autre génie du roman, c’est qu’au-delà des personnages, Notre-Dame elle-même est un personnage à part entière. Hugo en fait bien plus qu’un décor : elle est l’âme du roman, un monument traversé par l’Histoire, une force qui écrase les hommes et leur survit. Au final, Notre-Dame de Paris est une œuvre magnifique, une claque littéraire qui m’a bouleversé autant par sa beauté que par sa noirceur. Hugo ne se contente pas de raconter une histoire : il nous fait ressentir la misère, la grandeur, l’horreur et la fatalité qui hantent les rues de son Paris médiéval. Un chef-d’œuvre absolu que j’ai enfin découvert dans toute sa splendeur.