Où s'adosse le ciel : Le livre de David Diop

Porter le passé sur ses épaules Bilal est un passeur. Une histoire s'impose à lui alors qu'il rentre de la Mecque et qu'il est abandonné par son "ami". Il est le détenteur d'un récit ancestral mais, ne sait qu'en faire, il sent que son destin va prendre une tournure brutale, écrasé par le poids d'une tragédie. David Diop sait conter., quelle plume ! J'ai été emportée dans une aventure historique. Nous opposons deux époques : celle de Bilal (fin 19e), celle des pharaons. Nous sentons qu'une fusion va s'opérer, que nous allons un jour retrouver nos petits, mais comment ? Par quel moyen ? A la fin, c'est évident. Bilal trouvera la clé. David Diop malmène ses personnages, terrassés par l'argent et le pouvoir. Il les rend résilients, courageux. Malgré tout ce qui leur arrive, ils restent justes. C'est une aventure bien brutale pour des âmes pures. Mais, David Diop saura les récompenser ...

1893. Bilal Seck finit son pèlerinage à la Mecque avec son ami Yérim. Sur le départ pour rentrer à Saint Louis du Sénégal, une épidémie de choléra fait fuir Yérim, laissant Bilal en plan. Ce dernier s’en sort miraculeusement et commence son chemin vers l’ouest. Il entame un périple similaire à celui de ses ancêtres des centaines d’années auparavant. Bilal connait cette épopée car il est le passeur de cette histoire racontée de proche en proche pour arriver jusqu’à lui. Il la raconte passant le Nil, rejoignant les oasis, traversant les déserts et contournant les lacs. C’est l’histoire d’Egyptiens bannis, menés par le prêtre Ounifer qui rêve de créer une nouvelle Abydos, loin à l’ouest, là « où s’adosse le ciel ». Il est escorté par le général Ptahhotep qui doit s’assurer de l’exil réel de la troupe. Parmi elle, on trouvera Antef l’archer amoureux, Meret la servante, Sekhsekh le scribe et Kémi l’épouse aigrie. Si tous acceptent l’exil, chacun veut en tirer le meilleur. Et Bilal raconte, tout en suivant les traces de ses ancêtres. Il vit lui-même certaines aventures qui lui font voir le monde et le font réfléchir à sa propre condition. Après avoir vraiment apprécié « La porte du voyage sans retour », je me suis plongée dans ce nouveau roman de David Diop avec curiosité. La Mecque en fin de 19ème siècle n’est pas un cadre courant pour un roman. Outre ce côté exotique, nous trouvons Bilal Seck et son ami Yérim en pleine épidémie de choléra et leur départ précipité et séparé constitue le début du périlleux retour de Bilal à Saint-Louis du Sénégal. La narration va alors se diviser en deux et alterner les chapitres racontant le retour de Bilal et l’exil du prêtre Ounifer avec ses adeptes. Et finalement, c’est cette seconde histoire qui m’a le plus captivée. Dans l’Egypte ancienne, la fidélité à certains dieux vous classe dans la société. Néanmoins, les adeptes doivent aussi fidélité au pharaon, et faire dissidence peut coûter cher. Dénoncer par son épouse aigrie, Ounifer doit partir, emmenant ces fidèles. Il sera escorté par le général Ptahhotep, homme voué au pharaon, qui s’assurera de la bonne exécution de la sentence. L’épopée qui commence est une aventure en soi. Entre crédulité de certains et calculs égoïstes des autres, le groupe représente un microcosme humain où le pire et le meilleur se côtoient. Et puis il y a les aléas de voyage lui-même : il faut se nourrir, boire, se protéger. Les oasis ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être et la vie à la dure commence à lasser. Si Ounifer veut réaliser son rêve de royaume, il doit maintenir sa troupe sous sa coupe. La popularité et l’intelligence de Ptahhotep l’inquiètent. Sortira-t-il vainqueur de ce périple ? Le voyage de Bilal, qui emprunte la route d’Ounifer, est parsemé de rencontres plus ou moins intéressantes. Si la chance est souvent avec lui, il fait aussi preuve de courage, d’intelligence et de prudence. Sa vision du monde est à jamais changée et la fin de son voyage, quand il atteint Saint-Louis du Sénégal, reflète bien le nouveau Bilal. En tant que passeur d’histoire, le personnage de Bilal est plutôt poétique et l’évocation de ses racines est toujours pleine de sensibilité. En cela, David Diop a écrit un roman plein de sagesse et de philosophie. Complété par de l’action et des rebondissements, « Où s’adosse le ciel » est un roman qui se lit d’une traite, nous transportant en des lieux et des époques aussi mythiques que dépaysantes. Une belle lecture de la rentrée !

Merci à Netgalley et aux éditions Julliard pour cette lecture.  Ce roman de David Diop, est un gros coup de coeur de cette rentrée littéraire pour moi. A la croisée des chemins, entre conte, philosophie, et quête des origines, chacun y trouvera son compte.  Cette histoire est celle de Bilal, jeune homme achevant son pèlerinage à la Mecque, qui aspire à rentrer au Sénégal, son pays.  Le chemin qui était tout tracé va se compliquer, et Bilal va entreprendre un voyage incroyable, tout en rencontrant des personnes qui vont lui apporter des leçons de vie, et une expérience dont il sortira marqué à tout jamais.  Mettant en parallèle sa propre histoire, et celle de son peuple, il devient un passeur de mémoire.  Un personnage touchant et marquant, qui ne laisse pas indifférent , servi par une écriture, qui allie simplicité et poésie.  Un roman hors du temps, qui m'a laissé souriante et séduite, par un auteur dont je suivrai dorénavant l'actualité.

Ce récit à la fois mythique et familial nous est raconté par Bilal Seck, un esclave qui quitte Saint-Louis du Sénégal avec son maitre pour entreprendre leur pèlerinage à la Mecque. Une épidémie de choléra va bouleverser le cours du voyage et Bilal Seck va entreprendre un long voyage de retour jalonné d’épreuves. Bilal, qui est aussi griot, répète inlassablement ce chant des origines transmis par son père. Il est le soixante douzième passeur de l’histoire de ses ancêtres. « La parole du premier passeur a traversé les âges, identique non pas dans sa lettre mais dans son esprit, puisque sa langue a disparu depuis longtemps. Chaque génération s’est approprié cette histoire de nos origines en y mêlant ses propres peurs, ses désespoirs et ses espoirs. » Le lecteur suit en alternance Bilal Seck dans son long périple et l’épopée du prêtre d’Osiris Ounifer banni de l’Égypte. Ounifer entraîne son peuple vers l’Ouest, à travers les déserts pour créer un nouveau royaume dans une terre riche de promesses là « où s’adosse le ciel ». Ounifer, rompu au pouvoir, enflamme l’esprit de ses fidèles par de grands discours. Thot, dieu du langage, ne leur montre-t-il pas le chemin à suivre vers la nouvelle Abydos. Hélas ! Au-delà de l’espoir et des mythes, il faut affronter les trahisons, les morts violentes, supporter la faim et la soif. Il y a aussi l’amour de la belle Méret et de l’archet Antef qui la suit de loin avec l’armée du général Ptahhotep, fidèle du pharaon, chargé de veiller au bannissement d’Ounifer. Bref, ce long, ce terrible voyage à travers les déserts et les sentiments humains est riche en péripéties et rebondissements. Le long voyage de Bilal Seck va croiser celui de son peuple parti vers l’ouest, entre autres dans la ville de Djenné. On navigue entre la fin du XIX e siècle avec Bilal Seck et l’Égypte des pharaons à travers l’odyssée du peuple égyptien racontée par les passeurs de mémoire. A la fois récit initiatique, récit de voyage et chant mémoriel, ce roman nous entraine dans les profondeurs du mythe et de l’histoire antique. On s’émeut du destin de Bilal et on s’immerge dans cette immense épopée antique à la source des origines. L’écriture poétique et au grand pouvoir évocateur de David Diop m’a enchantée. Ce roman envoûtant qui peut se lire comme un conte est un coup de cœur.