Un certain sourire : Le livre de Françoise Sagan

Je ne savais plus quoi lire, pioche, pose, range, reprends, compare, commence et abandonne. Cela me prend parfois, d’être entouré de livres aux pages toujours blanches à mes yeux. Alors, dans ces moments, il me faut suivre l’écho confortable des voix qui me touchent. Me voilà donc accroché au second roman de Françoise Sagan : un certain sourire. L’intrigue est banale, comme souvent : une jeune fille qui s’ennuie, un homme mûr et volage, une courte échappée, des couples qui se fissurent quand des corps se rencontrent. Rien ne m’a transporté dans ces personnages prometteurs mais au fond peu épais, un peu délavés, même dans l’adultère. Toutefois, avec toute l’injustice du lecteur, j’avoue mon immense indulgence pour les textes de Françoise Sagan. Ce qui est rédhibitoire chez les autres devient à peine négligeable chez elle. Ce roman aurait dû me jeter dans une indifférence froide et polie. Mais non, j’y ai malgré tout trouvé mon compte. Ce qui me touche, à chaque fois, c’est sa douce mélodie qui se déploie avec finesse au travers des pages, son sens aiguisé de l’observation qui lui fait capter les nuances fragiles de l’ennui, de la tristesse, du désir d’une certaine jeunesse. Cette femme, quand on cesse de regarder l’icône fictive et l’artiste faussement nonchalante, est une écrivaine de grande littérature, de celle qui fait une mélodie reconnaissable de trois fois rien.

C'est après voir regardé la grande librairie consacrée à Françoise Sagan que j'ai eu envie de lire un de ses livres. J'en possède huit dans ma bibliothèque et il me manque son plus célèbre « Bonjour tristesse » qui lui a donné une notoriété immédiate. J'en ai choisi un au hasard et je suis tombé sur « Un certain sourire », bonne pioche, car il s'agit de son deuxième roman écris deux ans seulement après le premier. Il s'agit d'un petit livre de 124 pages dans le format poche. C'est l'histoire assez banale de Dominique une jeune étudiante qui s'ennuie. Elle vit en couple avec Bertrand, celui-ci lui présente Luc son oncle marié à Françoise. Dominique tombe amoureuse de Luc. le roman exprime ensuite les états d'âme de l'héroïne, ses doutes, ses angoisses, ses sentiments amoureux, mais aussi sa nonchalance et son désir de prendre la vie comme elle vient en s'amusant le plus possible. Il y a manifestement une partie autobiographique dans ce livre. Comme Sagan Dominique aime le whisky, les voitures, les cigarettes, les sorties dans le Paris nocturne des années cinquante elle y mène une vie ou règne une grande liberté sexuelle. L'écriture est soignée et le récit se déploie comme une belle mélodie. Ce qui frappe c'est l'incroyable maturité de l'auteure pour son âge et sa liberté de ton qui a l'époque a pu à la fois choquer et enthousiasmer les lecteurs. Il a fallu cette émission animée par Augustin Trapenard pour me décider enfin à lire Sagan, car jusqu'à présent je n'avais jamais vraiment été attiré par cette auteure pourtant très célèbre. J'ai bien aimé le style, à la fois simple et précis où l'on sent l'influence des grands auteurs. On est plongé dans le milieu de la jeunesse bourgeoise des années cinquante. Je relirais sans doute un autre de ses romans et aussi ses ouvrages où elle parle de son oeuvre comme dans « Derrière l'épaule » et « … et toute ma sympathie ». L'auteure m'intrigue, mais au vu de cette première lecture je ne peux pas dire qu'il s'agit d'une révélation. — « Un certain sourire », Françoise Sagan, Julliard (1983), 124 pages.