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Par Sonatine, publié le 22/04/2021

Je ne suis pas encore morte : Lacy M. Johnson répond aux questions d'Alex Marzano-Lesnevich (L'Empreinte)

Sept ans après avoir bouleversé les États-Unis, Lacy M. Johnson fait son arrivée en France avec le terrible récit de sa vie dans Je ne suis pas encore morte, déjà disponible en librairie. Témoignage brûlant d'actualité qui relate sa séquestration par son ex-compagnon, son viol et son impossible reconstruction, ce livre s'apprête à vous bousculer, à vous révolter, à vous serrer le cœur. La prose vibrante de poésie de Lacy M. Johnson vous emportera pour ne plus vous lâcher jusqu'au dernier mot.

Alex Marzano-Lesnevich, dont vous aviez pu découvrir la plume avec le fabuleux L'Empreinte, en a fait l'expérience. Touché.e en plein cœur par le récit de Lacy M. Johnson, iel s'est entretenu.e avec elle pour nous dévoiler en quelques questions les coulisses de la rédaction de ce livre. Voici leur échange complet !

Alex Marzano-Lesnevich : Professeur-e d’écriture dans une université des États-Unis, je donne à lire à mes étudiants des livres que j’aime, des livres qui m’ont ému.e et changé.e. Chaque année, le dernier jour, mes étudiants me posent la même question : quel est le livre que j’aime trop, qui représente quelque chose de trop intime pour moi, pour que j’en parle dans un cadre scolaire ? Si je pouvais leur faire lire n’importe quoi pour leur propre expérience privée et émotionnelle, quel livre choisirais-je ? Avec quel ouvrage voudrais-je les renvoyer dans le monde, un livre qui les transformerait ?

Chaque année, ma réponse est la même : Je ne suis pas encore morte de Lacy M. Johnson.

J’ai d’abord envisagé de faire un cours dessus, mais ça m’est impossible – cette lecture est beaucoup trop personnelle, trop intime, trop bouleversante et trop pressante. Chaque fois que je relis ce livre, je me laisse surprendre par le courage de Johnson, sa férocité, la clarté de sa vision et sa prose magnifique. Ce texte est à la fois époustouflant et choquant ; c’est un véritable chef-d’œuvre. Et comme toutes les grandes œuvres d’art, il n’a fait que gagner en pertinence au cours des six ans qui nous séparent de sa publication aux États-Unis, car il aborde frontalement les questions mêmes de notre époque.

Lisez ce livre. Il va vous transformer. Il va vous fasciner. Et vous ne l’oublierez jamais.


AML : Que peux-tu nous dire sur le processus d’écriture de Je ne suis pas encore morte ?

LMJ : Il n’y a pas un seul aspect de ma vie qui n’ait pas été affecté irrévocablement par la terreur constante engendrée par le fait d’avoir été kidnappée, violée, et presque assassinée par un homme que j’avais autrefois aimé. Je savais que je ne pourrais pas récupérer mon ancienne personnalité – il était impensable de redevenir celle que j’étais – mais après avoir vécu pendant treize ans dans la terreur, j’ai voulu transformer ma relation à ces souvenirs, trouver un langage me permettant de raconter une histoire qui semblait indicible, et m’indiquer à moi-même un chemin pour sortir de la peur paralysante. Écrire ce livre a été l’une des choses les plus difficiles et les plus bénéfiques que j’aie jamais faites.


AML : Pourquoi, selon toi, Je ne suis pas encore morte est-il demeuré si pertinent des années après sa publication, et maintenant à l’étranger, dans d’autres cultures ?

LMJ : Même si ici, aux États-Unis, nous avons fait des progrès (avec le mouvement #metoo, par exemple) en parlant ouvertement de l’épidémie de violence sexuelle et domestique contre les femmes, je ne vois aucune culture, sur cette terre, qui se soit encore purgée de cette maladie. Partout, nous rechignons à regarder en face, et plus encore à trouver un remède au fléau socioculturel représenté par la violence des hommes. Malheureusement, je crains que cela signifie que ce livre va rester pertinent à court et moyen terme.


AML : Qu’espères-tu que les lecteurs retirent de sa lecture ?

LMJ : Pendant une grande partie de ma vie, je me suis attribué la faute de ce que cet homme m’avait infligé, je me suis punie sans même réaliser pleinement ce que j’étais en train de faire. Mais écrire ce livre m’en a appris long sur la
tendresse : je me suis aperçue que bien que j’aie commis beaucoup d’erreurs, je ne méritais pas ce qu’il m’a fait. Je mérite l’amour. Je mérite d’être heureuse. J’espère que ce livre aidera les lecteurs à voir comment s’accorder cette même clémence.

Sonatine
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