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Par le cherche midi éditeur, publié le 28/05/2019

Martine Laroche-Joubert : l'interview

De ses premiers reportages auprès des Pygmées de Centrafrique ou des Touaregs du Niger jusqu’aux Printemps arabes, de l’élection de Barack Obama en passant par l’expédition de Bob Denard aux Comores, les deux guerres du Golfe et la traque de Saddam Hussein, l’ex-Yougoslavie et la débâcle de l’Europe, les guerres civiles africaines, la Libye, la Syrie, le Pakistan et Daech, Martine Laroche-Joubert, grand reporter, arpente la planète avec une soif insatiable de témoigner.

De ses premiers reportages auprès des Pygmées de Centrafrique ou des Touaregs du Niger jusqu’aux Printemps arabes, de l’élection de Barack Obama en passant par l’expédition de Bob Denard aux Comores, les deux guerres du Golfe et la traque de Saddam Hussein, l’ex-Yougoslavie et la débâcle de l’Europe, les guerres civiles africaines, la Libye, la Syrie, le Pakistan et Daech, Martine Laroche-Joubert, grand reporter, arpente la planète avec une soif insatiable de témoigner.

Elle donne ici à lire tout ce que ses reportages et documentaires ne montrent pas : un regard, une sensibilité, une subjectivité.

Un récit que le magazine Valeurs actuelles qualifie de « sans pathos, au plus près de ce qu’elle a vécu et hors de la mythologie du reporter de guerre placé sur un piédestal qu’a forgé le cinéma. (…) C’est une plongée sur le “terrain”, au rythme de l’actualité la plus brûlante et la plus tragique pour laquelle elle s’est confrontée à la réalité chaotique des grands conflits de notre temps ».

Nous avons rencontré cette grande journaliste qui a passé les événements au tamis de ses souvenirs et exploré leurs traces en elle dans Une femme au front, publié le 2 mai.

 

« S’il est un point commun en effet à tout grand reporter, c’est de ne jamais se poser la question de sa propre sécurité dès lors qu’un sujet nécessite d’être “couvert” : se la poser, ce serait déjà décider de ne pas partir… »

Vous avez commencé « sans véritable vocation, plutôt en dilettante » à la rédaction du Quotidien de Paris en 1975. Quel a été le déclic pour partir couvrir le monde et ses plus grands combats ?

Le premier déclic a surgi chez les Pygmées de Centrafrique en 1979, j’ai retrouvé les émotions, le parfum de l’aventure que j’avais connus enfant au pied de l’Atlas au Maroc. Puis, c’est dans les années 1980 que je me suis construite comme grand reporter : en Afrique du Sud, où, pendant l’apartheid, j’ai éprouvé la sensation d’une cause à défendre, dans les pays du bloc de l’Est, où je partais clandestinement interviewer des dissidents, en mer de Chine, où des bateaux français recueillaient des boat people vietnamiens qui fuyaient le régime communiste, en Haïti, où des « tontons macoutes » attaquaient à la machette des électeurs dans les bureaux de vote.

Dans ces situations plus ou moins risquées j’ai senti que je pouvais bien faire mon travail, sans paniquer.

Votre livre se dévore comme un roman d’action, vous avez tout vu, tout filmé. Pouvez-vous nous raconter la rencontre qui vous a le plus marquée ?

Il y en a eu trop pour que je puisse en choisir une !!

Sans aucun doute Nelson Mandela à sa sortie de prison en 1990, à cause de sa densité.

Isabelle Achour, qui a brisé le siège de Sarajevo en 1992 à cause de son courage et de sa ténacité.

Salwa Bugaighis en Libye, l’une des meneuses du Printemps contre Kadhafi.

Isabelle et Salwa ont été assassinées.

 

Grand reporter, vous avez passé la plus grande partie de votre vie dans la production de reportages, au service de l’information. Ces derniers mois, le sujet étudié n’était autre que vous-même. Comment avez-vous vécu l’écriture d’Une femme au front ? Que vous a-t-elle apporté – et parallèlement, que vous a-t-elle coûté ?

Cette écriture a été difficile pour moi : par nature, je vis dans l’instant et me replonger dans le passé nécessite un effort. De plus, je n’aime pas parler de moi, j’ai toujours pensé que les événements que je couvrais me dépassaient, je les raconte de manière subjective mais sans me mettre en scène...

Mais au final j’espère que c’est un livre utile pour mieux comprendre le métier de reporter au moment où il est menacé de toutes parts, par les comptables dans les rédactions (ils trouvent que nous coûtons trop cher) et par les politiques qui multiplient critiques et pressions. Or les reporters sont plus indispensables que jamais pour connaître la vérité du terrain.

 

Vous n’avez pas uniquement couvert les zones de conflits ou post-conflits… Vos dernières pages parlent du continent américain et notamment de ce fameux bal de la « pureté » à Sioux Falls qui vous a profondément marquée. Cette région, vous l’écrivez, est « le cœur d’un christianisme ultraconservateur et possède pas moins de 200 églises luthériennes, baptistes ou évangéliques pour 120 000 habitants : un royaume du puritanisme dont les princes charmants sont donc les… papas. Dans ces familles d’au moins cinq enfants, où la pureté est une valeur voulue par Dieu, l’abstinence avant le mariage est la condition essentielle d’une union réussie ».

Êtes-vous retournée dans cette région depuis 2007 ? Avez-vous ressenti l’envie de retrouver Kristin, Sarah, Angela, Cathy et de voir leur évolution ?

Non, je ne suis pas revenue dans le Dakota du Sud mais j’aimerais en effet faire un nouveau reportage pour voir ce qu’elles sont devenues. Sont-elles mariées, heureuses ? en révolte contre leur éducation si particulière ? Ce serait passionnant de les retrouver.

 

« Si j’ai toujours aimé saisir les occasions où l’histoire basculait, les moments qui me fascinent le plus sont peut-être ceux où je peux observer par moi-même le réveil des peuples, sentir la vibration de cette énergie folle qui leur donne le courage de se lever. »

Vos mémoires se terminent sur un épilogue plein de promesses. Avez-vous en tête un nouveau reportage ?

Je travaille sur un prochain reportage en Irak et en Syrie, dans les zones qui ont été sous la coupe de Daech. Je veux savoir dans les détails comment se déroulait à l’époque leur vie quotidienne. Et comprendre pourquoi certains en ont déjà la nostalgie.

 

La promotion de votre livre vous amène à vous livrer devant les caméras, à adopter un rôle inédit à l’image dont vous êtes le sujet : est-ce un exercice facile ?

Ce n’est pas si facile !! D’habitude, c’est moi qui pose les questions !!

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