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Par First Editions, publié le 01/02/2024

Serge Mori : éclairages sur la famille recomposée

Découvrez le monde des familles recomposées à travers le regard expert de Serge Mori, psychothérapeute et narrateur hors pair. Dans une interview exclusive, il nous guide à travers les nuances de la séparation, du stress des enfants à la construction d'un nouveau foyer, en utilisant la puissance des mots et de la psychologie narrative. Plongez dans cette exploration captivante où chaque histoire devient une clé vers la résilience familiale.

Qu’est-ce qu’une famille recomposée ?

Une famille recomposée, c’est une famille qui est constituée d’un couple avec au moins un enfant, qui vivent sous le même toit, avec un conjoint qui est le seul parent. Ça, c’est la définition communément admise, mais dans la réalité, au sein de mon cabinet, les familles que je peux recevoir sont des familles qui peuvent vivre séparément. Je m’explique : madame habite à son domicile, monsieur habite à son domicile, les enfants habitent dans le domicile des parents et ils ne se voient que pendant les périodes de vacances par exemple, voir ils ne se connaissent pas. Ils ne connaissent pas leur beau-père ou leur belle-mère. Il y a plusieurs définitions, et à partir de cette définition, on peut effectivement entendre quelque chose de l’ordre du couple. Une famille commence par un couple.

 

Vous commencez l’ouvrage par la séparation des couples. Pourquoi ?

Comme je l’ai signifié dans la définition de « Qu’est-ce qu’une famille recomposée ? », il s’agit d’abord d’un couple. Pour qu’il y ait une famille recomposée, il faut qu’il y ait un couple qui se sépare. Sinon, il n’y a pas de famille recomposée. C’est pour cette raison que j’ai amorcé le livre, le début du livre, avec la question de la séparation.

 

Comment protéger son enfant du stress de la séparation ?

Ça répond à la question précédente sur la question de la séparation. C’est préparer justement l’enfant à cette séparation. L’idée de se préparer dans la séparation, c’est d’abord de pouvoir s’entendre avec celui ou celle qui deviendra son ex-compagnon, son ex-compagne, et de pouvoir insister sur les récits. On raconte des histoires aux enfants pour pouvoir justement donner du sens et une fonction à ce qui se passe durant cette séparation.

 

Quel rôle ou fonction occupe le parent au sein du nouveau foyer ?

Le parent au sein du nouveau foyer reste le référent adulte, le référent principal. Le beau-parent vient en appui. On n’est pas tenu d’aimer son beau-père ou sa belle-mère mais on est tenu de le respecter. Une petite anecdote à ce propos : c’est un beau-fils qui dit à sa belle-mère « De toute manière, tu n’es pas ma mère ». La mère lui répond « Et tu n’es pas mon fils ».

 

Qu’est-ce que la psychologie narrative ?

La psychologie narrative, donc la thérapie narrative, en trois points, c’est :

Tout d’abord, externaliser un problème : la personne n’est pas le problème. Le problème est toujours extérieur aux personnes que nous recevons.

Le deuxième point, c’est inscrire les membres de la famille que nous recevons dans une conversation thérapeutique, où le thérapeute pose des questions et devient une machine à questionner.

Enfin, le troisième point, c’est insister sur l’importance des mots, parce que les mots ont toujours un sens et une fonction. On fait référence à un auteur qui s’appelle Paul Ricoeur sur l’identité narrative, c’est-à-dire les versions que nous allons adopter de l’histoire que nous vivons.

 

Comment la thérapie narrative peut aider une famille en difficulté ?

Il y a plusieurs étapes par rapport à l’accueil d’une famille recomposée, avec un protocole concernant les thérapies narratives. On peut les aider déjà à déculpabiliser. L’exemple qui me vient à l’esprit, c’est concernant un papa qui vient en consultation et qui dit « Ma fille est insolente avec sa belle-mère, avec ma compagne ». Je repose les termes du problème en disant qu’il ne s’agit peut-être pas de l’insolence de telle ou telle personne, mais il s’agit de l’insolence qui a recruté votre famille et qui se trouve être au centre de la problématique familiale et non nominative, c’est-à-dire qu’on ne choisit pas le patient, ce qu’on appelle le patient désigné : on externalise le problème en disant qu’il s’agit de l’insolence et que l’enfant n’est pas insolent.

 

Comment avez-vous aidé une famille en thérapie narrative ?

Pour faire court, j’ai l’exemple de la famille de Franck, Hélène, Lucille et Louis, Lucille qui souffre… Enfin, justement, Lucille ne souffre pas, c’est le papa qui présente la situation en disant que sa fille est insolente avec sa belle-mère. A ce moment-là, je mets en place un processus d’externalisation que l’on retrouve dans la thérapie narrative, en indiquant qu’il ne s’agit pas de Lucille l’insolente, mais que l’insolence a une influence sur ce qui se passe et sur ce qui se joue dans la famille.

Après, la deuxième phase, ce que je leur propose, c’est de me donner les moments d’exceptions qu’ils ont vécu, donc on parle de choses qui sont plutôt positives, comme ça, ça les renvoie et ça les oriente vers un autre récit qui est un récit plus positif, plus optimiste.

Ensuite, on s’inscrit dans des conversations thérapeutiques où je pose quelques questions sur ce qu’on appelle « le club de vie privée », c’est-à-dire les personnes qui gravitent autour de la famille recomposée. Il m’arrive parfois même d’inviter un membre de la famille ou un membre extérieur à la famille. Là, dans la situation en question, il s’agissait de Mamie Rock’n’roll : c’était une voisine qui avait un certain âge et je l’ai invité. On a fait ce qu’on appelle une cérémonie définitionnelle, c’est-à-dire que j’ai demandé à Mamie Rock’n’roll de pouvoir dire un mot sur chaque membre de la famille et ce que chaque personne lui apportait. Et je demandais la même chose aux membres de la famille.

Effectivement, on voyait qu’on était en train d’épaissir tout ce qui se passe bien, c’est-à-dire quels sont vos rêves, vos espoirs, vos intentions, vos compétences, vos valeurs… A partir de là, on s’aperçoit qu’on rentre dans une autre phase qu’on nomme l’Absent implicite, c’est-à-dire que là où il y a de la colère, il y a de la sérénité ; là où il y a de l’insolence, il y a du respect ; là où il y a de la joie, il peut y avoir de la tristesse. Donc il y a toujours le pan opposé. C’est ce qu’on appelle l’absent implicite. Donc là, on épaissit ce qu’on appelle l’histoire alternative, l’histoire optimiste, pour leur donner la possibilité de s’inscrire dans une autre version de l’histoire.

Ensuite, on débrief et on déconstruit, pour reprendre un terme propre à Jacques Déridât qui est un philosophe français qui a inventé ce concept de déconstruction, on déconstruit tous les discours internes dévalorisants et on déconstruit le discours sociétal, c’est-à-dire le discours dominant qui a tendance à influencer la famille et rester dans un cercle fermé. Donc on fait une bifurcation narrative pour les inscrire dans une autre histoire.

 

Pour en savoir plus, découvrez « La famille recomposée » de Serge Mori :

La famille recomposée
Comment éviter aux enfants les souffrances provoquées par la séparation de leurs parents ? Comment gérer les émotions douloureuses et reconstruire sereinement un nouveau foyer ? Grâce à la thérapie narrative, le patient explore la capacité à s’analyser comme sujet et de devenir acteur et expert de son histoire.
Cette méthode propose des réponses concrètes au stress, au mal-être, aux difficultés de communication intrafamiliale, aux changements d’habitudes ou aux questions organisationnelles.
À travers les conversations thérapeutiques et son talent de conteur, l’auteur partage, en consultation et dans cet ouvrage, le pouvoir des mots et de la narration.
« La recomposition familiale est, pour les couples qui en comprennent les enjeux, une étape riche d’histoires à raconter et de découvertes de l’autre. »

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