Retrouvez l'interview exclusive des autrices d'Une nuit autour du processus créatif et de la question de l'identité. Découvrez vite les réponses d'Ines, Kenza, Odélia et Saena, les fabuleux dessins d'Odélia et calligraphies de Saena !
1) Qu’est-ce qui vous a animé dans la réalisation de ce projet ?
Réussir à montrer que le lien entre les trois protagonistes du roman graphique, leurs héritages d’immigration jugés a priori irréconciliables, leur amitié, leur passé était possible. C’était un vrai gros challenge. Cela nous a demandé d’imaginer, parler, écrire, dessiner, calligraphier, bref de créer à partir de ce qu’on connaît, de ce qu’on pense connaître, de ce qu’on a vu, senti, subi, en se plongeant ou se replongeant dans nos origines. Nous avons déconstruit et reconstruit, seules et surtout ensemble pour donner vie à des personnages et à un univers à cheval entre réalité et fiction. Il nous paraissait essentiel de montrer des narrations intimes mais complexes sur le sujet de l’identité - sujet politique par excellence - et notamment, de l’identité de trois femmes.
Réussir à terminer ce projet était un autre challenge à part entière. C’est une motivation pragmatique, mais en tant qu’autodidactes, primo-autrices, à la fois côté écriture, dessin et calligraphie, c’était un défi ! D’autant plus dans un contexte de pandémie internationale. Nous voulions nous prouver que nous étions capables d’aller jusqu’au bout de notre idée. C’est une satisfaction immense que de se voir dépasser les obstacles les uns après les autres.
2) Quel message voulez-vous transmettre au travers de ce roman graphique ?
Il n’y a pas de message unique dans ce livre, bien au contraire ! Mais surtout une envie débordante de mettre certaines de nos cogitations sur le vaste sujet de l’identité à l’écrit : il fallait que ça sonne juste, que ça résonne en chacune de nous sans fausse note. Ce sont ces petites histoires, à l’intérieur des grandes, qu’on avait envie de montrer, de faire écouter, de faire vibrer avec celles des lecteurs.rices, pour créer un lien, une identification, un écho. Maintenant que l'œuvre est entre les mains de ses lecteur.rices, les messages qu’elle véhicule nous dépassent et leur appartiennent : c’est ça qui est génialement beau et galvanisant !
3) Quelle approche esthétique avez-vous souhaité avoir, pourquoi ?
L’image avait pour difficile mission dans ce livre, de faire consensus entre nous quatre, d’exprimer la sensibilité de la dessinatrice tout en la faisant raisonner avec la sensibilité des trois scénaristes. Il fallait créer une espèce d’entité graphique, qui non seulement parle à nous toutes, tout en incarnant le récit et les histoires de tous ses personnages, transmettant notre message, soit techniquement réalisable, mais aussi et surtout, soit compréhensible par notre lectorat.
Nous avons créé trois voire quatre univers esthétiques dans le livre. Le premier, c’est l’appartement de Papouk, où trouvent refuge les protagonistes, le temps de cette nuit chaotique. Les tons sont chauds, c’est un safe place, où l’intrigue va se nouer ainsi que l’amitié accidentelle entre les protagonistes. Le second, c’est le bar-tabac allégorique, dans des tons plus pastels, un peu plus froids. Mais il y a également les flash-backs d’immigration, ces scènes du passé en sépia, qui ont leur esthétique propre. Et les conversations - presque des confessions - entre les protagonistes, plus abstraites, qui sont mises en relief grâce à des calligraphies métissées en trois alphabets : en lettres arabo-persanes, en lettres hébraïques et en lettres latines. Les trois premiers univers sont peints à la main, à l’aquarelle ; le dernier est réalisé au qalame et à l’encre noire.
Ces univers distincts, loin de s’opposer entre eux, cohabitent grâce à un ingénieux effet scénaristique d’encastrement, et communiquent entre eux.
4) Si vous deviez décrire cette histoire en 3 mots ?
Liberté, égalité, sororité ?