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Par Belfond, publié le 26/01/2018

L'Aventuriste de J. Bradford Hipps dans le New York Times !

Le brillant et généreux premier roman de J. Bradford Hipps, L’Aventuriste, se déroule dans un nouveau Sud aux étincelantes tours de bureau, aux mille et une zones résidentielles, et aux innombrables centres de conférence. C’est là que les plus grandes villes du Sud, écrit Hipps, « ont rompu avec l’histoire de leur région. »

Le brillant et généreux premier roman de J. Bradford Hipps, L’Aventuriste, se déroule dans un nouveau Sud aux étincelantes tours de bureau, aux mille et une zones résidentielles, et aux innombrables centres de conférence. C’est là que les plus grandes villes du Sud, écrit Hipps, « ont rompu avec l’histoire de leur région. »

Le héros du roman, Henry Hurt, est programmeur et cadre chez Cyber Systems. C’est un jeune homme amusant, galant, voire même doux, qui pourrait rappeler à certains lecteurs Binx Bolling, le personnage du grand Cinéphile de Walker Percy (1961).
Et cette légère ressemblance est intentionnelle. L’Aventuriste s’ouvre en effet sur une citation du texte de Percy, « Les hommes d’affaires sont nos seuls métaphysiciens », et les deux récits partagent un ton à la fois énergique et soigné. Mais Mr. Hipps est son propre écrivain, et il faut le considérer comme tel.

L’Aventuriste est une rareté, un business roman, qui interroge la source d’enrichissement que peut être notre vie active. Henry n’est pas Babbitt (protagoniste du roman Babbitt de Sinclair Lewis, 1922), il est loin d’être suffisant ou même stupide, et il n’est pas dupe. Henry est bon dans ce qu’il fait, et en retire de la fierté.
Sa sœur, elle, est, une altruiste qui est revenue vivre dans sa ville natale, à Minneapolis. Elle est convaincue qu’il se destine à un plus grand avenir. Il lui rétorque : « Le jour où je parlerai sécurité digitale à une fête, je démissionnerai sur-le-champ. Ce qui me motive, c’est le confort apporté par l’argent, oui, et aussi de faire partie de cette communauté de gens brillants et pour la plupart efficaces ; le sentiment d’appartenance que l’on éprouve au sein d’une bonne équipe. »

Mais l’existence paisible d’Henry se craquèle peu à peu, parfois presque imperceptiblement ou alors, au contraire, à grand fracas. C’est ce dont nous parle L’Aventuriste. Henry est forcé d’entreprendre, avec ses collègues, une véritable tournée pour attirer de nouveaux clients – Cyber Systems traverse une mauvaise passe et les choses ne vont pas forcément aller en s’arrangeant –, ses déboires amoureux le torturent et, pour couronner le tout, son père bien aimé montre des premiers signes de démence…

Lorsqu’il s’agit de planter le décor, Bradford Hipps est aussi doué qu’un talentueux metteur en scène. Dans L’Aventuriste, les moments clés se déroulent dans des aéroports ou dans des bars d’hôtels enneigés, ces endroits peu fréquentés à l’électricité frémissante. Et l’auteur nous dépeint ces lieux dans un mélange d’intensité et de décontraction, qui m’a fait penser au roman de Walter Kirn, In the air.
Certaines scènes sont tout bonnement inoubliables, je pense par exemple à celle qui se déroule dans un club de striptease, ou encore à l’épisode de la course NASCAR – les deux événements projettent Henry dans un état proche du désespoir.
Il y a un baiser volé au volant d’une Ferrari, et dans le club de striptease, les hommes alignés le long du podium lui rappellent, sombrement, des communiants attendant l’hostie. Henry voit d’ailleurs la course NASCAR comme un « spectacle impérial ». Il observe « une nuée de voitures aux logos de sponsors qui feraient passer pour pâles des poissons tropicaux. »
Un homme étire son cou « un peu comme un pélican ». Un vieux monsieur a une bouche pincée « qui évoque une embouchure de trompette ». Ces observations croustillantes sont les artifices de notre écrivain. Et cœur de son talent : la quête acharnée d’Henry pour le sens et les petits ravissements de l’existence, ce qu’il appelle « ces petits allers-retours au milieu de la beauté ».
Tout au long du roman, notre héros combat un engourdissement, une sorte de désespoir qui le bouleverse en fin d’après-midi. Il essaie de s’en défaire : « Le remède est évident : se mettre devant l’ordinateur. La dislocation métaphysique n’a rien à voir avec une liste de choses à faire. » Mais il ne peut pas toujours tenir l’angoisse à distance…

Qui est Henry ? Entre mille et une autres choses, il se révèle être un cœur tendre. Il a un crush pour une collègue mariée, et il adore la façon dont, au cœur d’une conversation : « Une obscénité bien pesée, déployée au bon moment, activait ses centres nerveux de plaisir comme un néon. »

En définitive, L’Aventuriste a stimulé la plupart de mes centres nerveux du plaisir. C’est un roman à la fois vif et raffiné. D’une certaine manière, c’est un roman très américain…

Extraits issus de l’article de Dwight Garner, In ‘The Adventurist,’ an Executive’s Search for Meaning and Small Raptures

Belfond