Ceci n'est pas un fait divers : Le livre de Philippe Besson, Loïc Renard

Un roman à part à tout point de vue. Un fait divers est qualifié « d’incident du jour ». J’ai toujours trouvé cette appellation trop banalisante pour définir la gravité des actes catégorisés sous ces deux mots. Ils deviennent juste des événements presque courants que l’on place dans une rubrique. La violence de certains faits est toute sauf ordinaire. Philippe Besson nous montre à quel point cela est vrai. La puissance des mots simples pour nous décrire la souffrance insupportable que chacun peut ressentir face à l’adversité de ce monde et dans le cas précis la perte brutale et sauvage d’un être cher est remarquable. On plonge au plus profond de la douleur de l’âme humaine. Comme quoi, nous sommes peu de choses face au tourbillon de la vie. Il n’y a ici jamais de voyeurisme, de témoignages larmoyants gratuits pour alimenter la surenchère. On a juste l’expression haute et claire que ressentent les victimes. C’est précis, impeccable, brillant. J’ai retrouvé ici une prose simple et riche à la fois où l’utilisation des mots est parfaitement juste sans langage exagéré, sans mots trop sophistiqués. Une écriture bouleversante. La littérature à sa plus belle expression !

Cette histoire est aussi bouleversante qu'insoutenable. Ce qui la rend encore plus percutante ? Elle est inspirée de faits réels… et tristement, cela ne me surprend même pas. J’ai lu de nombreux livres sur les féminicides, mais celui-ci se démarque par la puissance de son écriture. Il ne se contente pas de raconter un drame : il explore les conséquences dévastatrices sur les proches, le deuil, l’innocence brisée… Un prisme rarement mis en lumière et pourtant essentiel. Ce n’est pas juste un meurtre. Ce sont des vies détruites, des cicatrices invisibles mais indélébiles. Ce livre mériterait d’être lu par tous, tant il apporte une compréhension plus profonde et nécessaire de ces tragédies. Peut-on dire qu’on a « aimé » une lecture aussi dramatique ? Non. Mais je peux affirmer que cette histoire est magistralement écrite et qu’elle restera longtemps gravée en moi.

Déplacer le point de vue pour appréhender différemment une vérité inadmissible : c'est de rôle de l'écrivain de nous faire toucher du doigt une autre manière de sentir, de voir, de ressentir. Donner la paroles à ceux que l'on entend jamais, c'est-à-dire les enfants qui assistent à la montée de violence au sein d'un couple jusqu'à son apogée, la mort donnée à l'un des protagonistes. Ce livre nous entraine dans la descente aux enfers que vivent ces deux enfants de 13 et 19 ans. C'est un voyage dont on revient pas indemne.

Dans ce récit inspiré de faits réels, on commence par la fin en découvrant cette première phrase "papa vient de tuer maman". Le contexte est placé. On remonte le fil de l'histoire avec comme narrateur, le fils ainé de la famille âgé de 19 ans. Il vient d'apprendre la nouvelle au téléphone par sa soeur Léa, elle, âgée de 13 ans. Un coup de téléphone et la vie bascule pour ce jeune homme mais la vie de sa cadette, a elle, basculé un peu plus tôt car c'est la seule témoin de ce drame. Ces enfants expulsés de leur enfance, de leur innocence vont devoir avancer, se battre et essayer de continuer de vivre avec ce traumatisme. Loin d'une vie comme on le souhaite pour eux, avec un papa aimant, protecteur et non ce monstre inimaginable. Un roman percutant, bouleversant, glaçant mais terriblement d'actualité. L'écriture est précise, élégante et lisible. Je voulais lire ce roman, malgré son sujet grave, car j'en ai beaucoup entendu parler mais je l'appréhendais également. J'ai voulu lire d'une traite, comme pour en être débarrassée mais en même temps, j'ai dû faire des pauses pour reprendre mon souffle. Car c'est parfois insupportable. Je referme ce livre avec beaucoup d'émotions et ne regrette pas d'avoir découvert une nouvelle fois la plume de @Philipebesson.