Ceci n'est pas un fait divers : Le livre de Philippe Besson, Loïc Renard

C'est d'abord la couverture qui a attiré mon oeil, ces fleurs, fragiles, d'un rouge sang tout en transparence, puis le titre, qui interpelle. Et là, la claque. Du genre à en garder la marque sur la joue, euh, sur le coeur. Magnifique écriture, pudique, forte et concise, pour verbaliser l'indicible. Le drame de la violence conjugale et ses effets papillons, ou plutôt chenilles, car qu'il est difficile pour ces petites victimes collatérales silencieuses et à demi-oubliées que sont les enfants du couple, d'un jour pouvoir sortir du cocon sombre et clos dans lequel ils s'efforcent de se cacher pour se protéger. Comment éclore, comment s'envoler avec des ailes tronquées de la plus brutale des façon, dès l'enfance ? Très belle histoire d'une fratrie, forte de son statut d'orphelins partagé, d'une grande actualité avec les nombreux féminicides qui parsèment les médias au quotidien. Un cri, un SOS, lancé par l'auteur, pour qu'il soit mieux tenu compte de ses victimes, et non seulement "témoins", qui n'ont d'autre choix que de tenter d'avancer le plus droit possible sur un chemin de vie encombré d'un vécu de violence quotidienne, avant le drame qui parachève une enfance déjà tellement douloureuse. Une lecture difficile mais nécessaire, un coup de coeur, qui blesse et remue, d'une grande richesse psychologique.

La sentence est posée dès les premières pages, « Papa vient de tuer maman ». Comment ne pas s’arrêter net et plonger dans ces pages avec un frisson d’appréhension ? J’avais de grandes attentes pour ce roman. L’auteur est un maître dans l’art de capturer l’essence des émotions humaines, mais ici, le sujet était différent. Plus brut, plus réel. Je me demandais s’il pourrait trouver le juste équilibre entre le respect nécessaire face à un thème aussi tragique et son talent habituel pour la subtilité. Le roman s’ouvre donc, sur un coup de tonnerre : un homme tue sa femme. Ce n’est pas l’acte en lui-même qui nous intéresse ici, mais l’après. Les enfants, ces victimes collatérales, sont plongés dans un chaos émotionnel que personne ne peut réellement comprendre. Le récit suit leur tentative de réapprendre à vivre dans une réalité où leur monde a éclaté en mille morceaux. Les personnages sont d’une poignante justesse. Bien que l’histoire soit centrée sur les enfants, le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir le poids écrasant de ce drame sur toutes les parties impliquées. Le roman ne se perd pas en détails temporels ou géographiques, et c’est ce qui le rend universel. Le lecteur peut facilement imaginer ce drame dans n’importe quelle banlieue tranquille, donnant une résonance encore plus grande à l’histoire. L’auteur adopte ici un style épuré. L’émotion n’est pas criante mais se glisse dans les silences, dans les phrases suspendues. On ressent une immense retenue, comme si l’auteur avait conscience que ce sujet ne pouvait être traité qu’avec une infinie délicatesse. Ce livre pose une question essentielle : que deviennent les victimes oubliées ? Lorsqu’un fait divers disparaît des gros titres, les survivants, eux, continuent à vivre avec les débris. Philippe Besson redonne une voix à ces silences. Ce n’est pas une lecture confortable, mais elle est nécessaire. Ce livre est profondément humain, il ne cherche pas à choquer, mais à comprendre, à questionner. En refermant le livre, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ces vies qui, dans l’ombre des drames, cherchent à se reconstruire.

« Papa vient de tuer maman. » Le ton est donné dès le début. Elle a treize ans et lui dix-neuf. Ils sont frères et sœurs. Leur mère vient de mourir sous les coups de couteau de leur père. Passé la sidération, ils devront répondre aux questions des enquêteurs, reconnaître le corps de leur mère, affronter un chagrin incommensurable, raconter aux enquêteurs leur histoire, tenter de comprendre pourquoi, envisager l'après. Mais quel après peut-on envisager quand ton existence vient d'être ravagée ? On est ici sur un vrai coup au cœur #128147; Cette histoire n'est pas simplement celle d'un fait divers. C'est une réalité : l'emprise que peuvent exercer certains hommes, les violences conjugales qui peuvent conduire au féminicide. En France en 2023 : 93 féminicides, 319 tentatives de féminicides, 773 femmes victimes de (tentatives de) suicides suite au harcèlement par (ex-)conjoint. C'est beaucoup trop. (Source : Ministère de l’Intérieur). La plume de Philippe Besson est remarquable : elle est à la fois pudique et extrêmement sensible. Les émotions sont toutes en nuances pour en souligner la complexité, mais elles sont toujours décrites avec beaucoup de sobriété. C'est une dualité très intéressante dans l'écriture. Il a vrai don pour raconter les histoires et passionner ses lecteurs. Philippe Besson s'intéresse ici notamment aux victimes "collatérales" des victimes conjugales à savoir les enfants qui devront vivre "l'après" et qui seront traumatisés à jamais. Cette histoire n'est pas simplement celle d'un fait divers. C'est aussi l'histoire de leur chagrin, leur colère, leurs peurs, leur résilience, et parmi tout cela…une petite étincelle d'amour, malgré tout. Cette histoire n'est pas simplement celle d'un fait divers. C'est une histoire qui vous frappe en plein ventre, une histoire qui vous serre le cœur, vous laisse une marque indélébile mais une histoire nécessaire, forte et merveilleusement bien écrit. A lire impérativement !

Inspirée de faits réels, cette histoire nous plonge dans la tête des victimes collatérales d’un féminicide : les enfants. Avec ces cinq mots glaçants – Papa a tué Maman – l’auteur explore les ressentis des victimes silencieuses. C’est par le prisme du fils aîné, que certaines questions vont être soulevées : Comment vivre après un tel drame ? Comment se reconstruire ? Un récit, profondément émouvant, mais sans jamais tomber dans le pathos, sonde le cœur et l’âme des personnages, nous amenant à ressentir leur douleur, leur colère, leur incompréhension, et parfois même leur culpabilité #10084;#65039;#8205;#129657; L’écriture est juste, sensible et empreinte d’une grande humanité. Même si certains lieux communs sont évoqués, la souffrance de ces deux enfants m’a profondément touchée. Comment ne pas ressentir de l’empathie pour eux ? Impossible pour moi. Il est même difficile de les quitter à la fin du livre, dont la conclusion, que j’ai trouvée trop abrupte, m’a laissée sur ma faim tant j’aurais voulu en savoir davantage. Avec ce titre percutant, l’auteur pointe du doigt la banalisation du féminicide. NON, le féminicide n’est pas un simple fait divers. #120280;#120315; #120277;#120319;#120306;#120307; Un roman court et déchirant, à lire d’une traite. Entre résilience et culpabilité, entre amour et haine, c’est un sentiment de colère et de révolte qui m’a accompagnée tout au long de cette lecture #128148;