L'éclipse : Le livre de Sarah Bussy

J’ai été profondément touchée par ce roman. Sarah Bussy écrit avec une douceur retenue, sans jamais juger l’acte commis par Camille. Par instants, j’ai même envié cette héroïne, lors des moments de silences et de longues solitudes qui lui permettent de se reconnecter à elle-même. J’ai beaucoup aimé suivre sa reconstruction au fil des saisons se mêlant aux paysages nordiques que l’autrice dépeint avec justesse, jusqu’à nous y plonger entièrement. Ce fut une belle lecture, à la fois source d’évasion et propice à l’introspection.

"L'Eclipse", récit d'un abandon... Camille rompt les amarres, laissant derrière elle son homme et leur bébé, pour partir vers le Nord. Tout au long du roman, elle aura cette position intenable de la mère abandonnant son enfant, la femme son foyer, la cheffe son métier. Elle en concevra de la douleur et de la joie - "une joie indécente, inavouable". Très vite, donc, nous quittons les rives de la morale pour suivre le flux d'une errance onirique. C'est radical et très doux. J'ai aimé m'enfoncer dans la "matière molle" de cette nouvelle temporalité comme on s'enfonce dans un édredon de plumes. La nouvelle existence de Camille, enfin dégagée de tous les diktats que la société impose aux femmes, semble comme floutée. Sara Bussy excelle à dire le rien, l'évaporation, la disparition, thème casse-gueule s'il en est, que seule Duras à mon sens est parvenue à fixer. Elle y parvient à coups d'éruption solaire, de sidération myocardique, de noms évocateurs comme celui éponyme du restaurant que reprend Camille, L'Éclipse, et même quand elle fouille le mot "désir" jusqu'au tréfonds : " Ils se souviennent que "désir" vient de de-siderare, être face à l'absence d'étoile, sidéré, siderari, subir l'influence néfaste des astres." J'ai passionnément aimé l'incarnation de ce vide dans les lieux traversés. Volcans, neiges, lacs, surfaces gelées, disent Camille l'insondable, dont la part obscure résiste au langage. Elle est les volcans "aux formes si douces qu'il est impossible d'imaginer la violence qu'elles contiennent", elle est ce Nord qu'elle a rejoint, pourvoyeur de froid, "sa pureté et son incompréhension". Elle est ces paysages primitifs et minéraux qui seuls peuvent accueillir son absence à elle-même. On évite ainsi l'écueil du roman psychologique pour s'ouvrir sur une littérature du voyage, une sorte de voyage ontologique où les lieux se déréalisent et les êtres s'accomplissent dans la dissolution. De la raison de ses fuites, on ne saura rien, d'ailleurs, ce qui permet d'étirer sur la longueur d'une vie le mystère muet de ce personnage magnétique. On sort de cette lecture frigorifié et réconforté. Et les larmes gèlent sur nos joues.

Et si une mère décidait de tout quitter ? Camille, jeune mère et cheffe cuisinière, disparaît du jour au lendemain pour se reconstruire en Islande. Elle laisse derrière elle enfant, mari, famille et amis. Arrivée au bout monde, elle se reconstruit … Loin des clichés, ce roman aborde sans fard le regret maternel, la quête de liberté et la reconstruction intime. Dans une Islande magnétique, Sarah Bussy oscille entre poésie et en tension, introspection et survie où chaque silence résonne fort. L’Éclipse est le cri feutré d’une émancipation, un roman intime sur le besoin de fuir, sur le poids des attentes et la quête de soi.

Second roman de Sarah Bussy autrice et metteuse en scène. Embarquez avec sa plume dans ce paysage et ce récit d'évasion, les chapitres sont courts, le parcours d'une mère qui abandonne sa famille, les secrets de famille, faire table rase pour ce reconstruire. Périple, Amitié, Famille, Abandon, Reconstruction, Mère et Regret. L'autrice dépeint avec les mots justes la complexité des relations humaines. Elle s'attaque au tabou de la vie.