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Par Sonatine, publié le 12/04/2022

David Joy présente : S. A. Cosby !

Avec ses pneus fumants et ses moteurs vrombissant dans la lueur des gyrophares, Les Routes oubliées nous entraîne à tombeau ouvert dans une intrigue qui tient autant du thriller effréné que du polar rural. Son auteur, S. A. Cosby, est un pur produit du Sud. Il y a peu, j’ai eu l’occasion de discuter avec lui de son roman et de ce que cela signifie d’être un écrivain noir qui tente de saisir l’expérience rurale du Sud d’aujourd’hui.

David Joy : Cette histoire raconte une course contre la montre menée par un homme au bord de la faillite. Pouvez-vous me parler de cette insécurité économique qui semble étrangler peu à peu les personnages et de la façon dont vous vous en servez pour créer de la tension dans votre roman ?

S. A. Cosby : Je crois qu’une des grandes vérités en matière de fiction, c’est que le conflit est le moteur de la narration. La réalité, quand on est pauvre dans un environnement rural, c’est qu’on est souvent à un mois de salaire de la catastrophe. Les pressions qui pèsent sur Beauregard sont les mêmes que celles auxquelles doivent continuellement faire face les gens auprès de qui j’ai grandi. Comme disait mon grand-père : « La pression, ça peut te transformer soit en diamant, soit en poussière. » Je voulais écrire une histoire qui parle aux gens. Or, la plupart des gens que je connais, l’épée de Damoclès de la facture d’électricité qu’on a laissée traîner plusieurs mois parce que l’embrayage a fini par lâcher, sur une voiture rafistolée au Scotch, ça leur parle.

D. J. : Plus que tout autre élément, j’ai l’impression que c’est cet « environnement rural » qui façonne votre récit. Parlez-moi un peu du lieu où se déroule votre intrigue, et de son influence sur les personnages.

S. A. C. : Bien que fictive, Red Hill ressemble à énormément de petites villes déshéritées du Sud rural qui ont subi de plein fouet la crise économique. C’est une ville où les clivages sociaux sont très marqués, avec un quartier noir et un quartier blanc, un quartier pauvre et un quartier riche. Mais l’aspect topographique a aussi son importance. Des kilomètres et des kilomètres de champs de maïs qui vous séparent de vos voisins, des chemins carrossables qui permettent de rejoindre le centre-ville mais sont plongés dans le noir sitôt le soleil couché. Red Hill est une ville à l’agonie. Une ville qui subit une hémorragie humaine. Bug, Ronnie, Kelvin, Kia et tous les autres habitants cherchent désespérément à partir avant qu’il soit trop tard.

D. J. : Il me semble que ce à quoi vous faites référence ici est un thème bien connu du polar rural : l’idée d’être coincé quelque part, d’être pris au piège par son environnement. Mais parlez-nous de ce à quoi vos personnages aspirent. Qu’y a-t-il de l’autre côté ?

S. A. C. : Là d’où je viens, il n’y a pas de supérette au coin de la rue – d’ailleurs, il n’y a rien à moins de dix kilomètres. Jusqu’à mes seize ans, les toilettes se trouvaient à l’extérieur. Si je devais évoquer les aspirations de mes personnages, je dirais qu’aux yeux de beaucoup de gens, elles doivent paraître bien modestes. Ils veulent une maison qui n’ait pas de roues. Ils veulent la stabilité financière – notez que je n’ai pas dit « sécurité ». Ils veulent pouvoir payer leurs factures dans les temps. Ils veulent une vie meilleure pour leurs enfants. Ils ne veulent pas des aides de l’État, ils veulent qu’on leur laisse une chance. Ils veulent pouvoir aimer sans inquiétude et vivre sans peur. Mais comme le disent si bien les Stones : « You can’t always get what you want

D. J. : Moi et mon père dans sa Camaro RS de 1967 qui faisait trembler les murs contre vous et Beauregard dans la Duster : qui franchit la ligne d’arrivée en premier sur une bande de bitume déserte au milieu de la nuit ?

S. A. C. : Ha, ha, ha ! La Duster du roman est inspirée de « Big Red », la voiture de mon père, alors je dirais que c’est moi qui gagne. Mais je pense quand même que ce serait serré !

 

Les Routes oubliées
Beauregard Montage a décidé de se ranger. Père de famille et mari aimant, il veut mettre derrière lui ses années de prison, son passé de chauffeur pour les petites frappes locales, et offrir aux siens la stabilité qu’il n’a jamais connue. Mais à Red Hill, petite ville rurale du sud-est de la Virginie aux tensions communautaires exacerbées, la vie d’un Afro-Américain ressemble encore souvent à un couteau planté sous la gorge. Et quand la pression fi nancière se fait trop forte, Beau sait qu’il n’a plus le choix : il doit reprendre du service. Le coup semble gagné d’avance : un braquage dans une petite bijouterie, une fuite sur les chapeaux de roue, une piste intraçable. Sauf que le casse tourne mal. Et que la bijouterie en question appartient à un caïd du coin, prêt à tout pour se venger. Pour Beau, le compte à rebours est lancé.

Avec ce premier livre nerveux et racé, S. A. Cosby fait une entrée fracassante sur la scène du thriller. Roman d’asphalte, de bruit et de fureur, Les Routes oubliées est aussi un état des lieux de l’Amérique rurale, où racisme, pauvreté et délinquance restent aujourd’hui encore un horizon indépassable.

Élu meilleur thriller de l’année par le Los Angeles Times et le Guardian

Sonatine
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