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Par Lisez, publié le 18/03/2019

"Gardiennes de la lune" : l'interview magique de Stéphanie Lafranque et Vic Oh

Pour Gardiennes de la lune, Stéphanie Lafranque est allée puiser dans la mythologie, les contes populaires, l’astrologie ou encore l’herboristerie avec dans l'idée d'offrir aux femmes un outil de connaissance de soi qui les aiderait à se reconnecter à la lune et ses cycles. Incarné par les sublimes dessins de l'artiste plasticienne Vic Oh, le livre tire aussi ses racines dans l'écoféminisme. Rencontre avec deux femmes engagées et captivantes.

Pour Gardiennes de la lune, Stéphanie Lafranque est allée puiser dans la mythologie, les contes populaires, l’astrologie ou encore l’herboristerie avec dans l'idée d'offrir aux femmes un outil de connaissance de soi qui les aiderait à se reconnecter à la lune et ses cycles. Incarné par les sublimes dessins de l'artiste plasticienne Vic Oh, le livre tire aussi ses racines dans l'écoféminisme. Rencontre avec deux femmes engagées et captivantes.

Gardiennes de la lune paraît à un moment clé dans l’histoire du féminisme français. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à revendiquer leur besoin de se reconnecter à la nature, la sorcière est en passe de réhabilitation… Pensez-vous que votre livre aurait trouvé la même résonnance quelques années en arrière ?

Vic Oh : Je pense effectivement que nous sommes en train de vivre un moment clé dans l’avancée du féminisme. Le fait que les femmes hissent de plus en plus leurs voix et soient de plus en plus nombreuses à articuler leurs pensées sous toutes les formes est une belle avancée. Nous avons maintenant un espace d’expression plus visible, ce que #MeToo nous a permis. De même, étant une génération directement préoccupée par l’effondrement climatique, notre volonté de reconnexion à la Nature grandit. Le symbole de la sorcière et de la sage femme revient comme une évidence puisqu’elle sait harmoniser son existence à celle de la Nature qui l’entoure. Elle représente la femme autosuffisante, indépendante, capable, débrouillarde. Elle casse l’image de "femme fragile" dont on nous qualifie depuis plusieurs siècles. C’est donc le temps de revenir à la compréhension de ces sagesses et pratiques.

Stéphanie Lafranque : Tout a un temps. Ce livre arrive à un moment charnière où les différentes luttes se retrouvent sur le même terrain, un moment où les voix ont besoin de s’élever et plus seulement d’être entendues mais écoutées. La cause féminine et la cause environnementale ont le même objectif, un respect du vivant. Au moment où le monde patriarcal se disloque, nous avons besoin de recréer une nouvelle ère qui n’a plus rien à voir avec ce qui a existé mais qui pourtant revient à l’essence même de l’humanité. Mon livre n’est pas un essai sur l’écoféminisme mais il parle de cette reconnexion à une dimension plus vaste que celle que l’on nous a octroyée depuis des années. Nous sommes reliés en tant qu’être humain à un terreau, à un cosmos, y revenir c’est aussi retrouver le chemin de sa propre puissance.

Dans une société qui ne nous correspond pas, car compétitive, individualiste, hyperconsommatrice et hyperindustrialisée, nous sommes coupés de nos cycles et de ceux de la Nature. Nous aspirons à déconstruire pour reconstruire un monde différent, respectueux, vertueux et sensible. Dans de nombreuses traditions, il existe la transmission d’un savoir, d’une sagesse, nous en sommes dépourvues. Chaque pas fait par nos ainées devrait nous permettre de continuer à cheminer vers l’avenir, mais sans transmission nous avançons à l’aveugle. Alors oui, je pense qu’aujourd’hui nous sommes en quête de repères universels, en nous reliant à la Nature, à La Lune, à leurs cycles, nous retrouvons notre boussole intérieure. Il y a quelques années, ce livre n’aurait pas eu l’attention qu’il reçoit aujourd’hui, mais tout comme, les cercles de femmes, la wicca, le chamanisme, une lame de fond est en train de jaillir, qui correspond à une volonté de mettre du sens dans nos vies et qui s’inscrit dans des rapports d’équilibre et non plus d’opposition.

Diriez-vous que ce guide fait le lien entre sorcellerie et écoféminisme ?

SL : Je l’ai conçu comme un tissage, alors oui d’une certaine façon, il vient relier l’écoféminisme et la sorcellerie notamment car je fais entrer le rite dans nos cycles, mais aussi, le paganisme, la médecine de la Terre, la sagesse des plantes, les constellations et les archétypes féminins. C’est un outil pour découvrir la magie de l’énergie universelle. Celle qui vibre autour de nous et qui fait écho à notre propre énergie. Mais il n’est pas un manifeste, plutôt un guide où grâce aux cycles lunaires, chaque femme aura la liberté de tisser sa propre histoire. A partir de ce travail sur soi, cette reconnexion à son écologie intérieure, une force se met en place et toutes lignes bougent, et forcement cela a des répercussions sur ce qui nous entoure, on passe de développement personnel à universel.

Votre livre fait référence au "féminin sauvage". Vous écrivez qu’allier ces connaissances ancestrales au sujet de la lune à une profonde écoute de soi, la voie du féminin sauvage va s’ouvrir à nous. Comment définissez-vous ce féminin sauvage ?

SL : Le terme féminin sauvage en soi est déjà porteur d’un agrandissement du champ des possibles. Il vient parler des femmes qui partent en quête d’elle-même, celles qui ressentent un appel qui vient du ventre et qui l’incarne dans la matière. La Nature sauvage de chacune peut ainsi trouver son creuset dans un retour à une vie proche des cycles telluriques et cosmiques en conscientisant cette roue du vivant présente en toute chose : naissance, croissance, décroissance, mort, renaissance. Le féminin sauvage c’est retrouver la liberté, celle de renouer avec son instinct, son intuition, sa part masculine et sa créativité, celle de se désengager d’un système qui ne nous correspond pas, de savoir poser ses limites. C’est apprendre à être à l’écoute de son ventre, y entendre son propre tempo et accepter de vivre en fonction de celui-ci quelque soit l’enjeu. C’est dévoiler son authenticité et sa puissance, sa vulnérabilité et sa force. C’est être ce lien entre visible et invisible. Mais éprouver tout cela prend toute sa dimension en le vivant dans le partage, la transmission et la sororité. J’ai envie de citer cette phrase de Ralph Waldo Emerson : "N’allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n’y a pas de chemin et laissez une trace".



Vous puisez dans plusieurs cultures, dans l’astrologie, l’herboristerie. Avez-vous fait beaucoup de recherches en amont ou aviez-vous une idée concrète de ce dont vous alliez parler ? Vous-même, avez-vous découvert de nouvelles choses ?

SL : Lorsque la proposition de faire ce livre est venue à moi, je cheminais depuis plusieurs années avec ces thèmes, il a fallu néanmoins que je me mette dans la peau de la femme qui découvrirait pour la première fois cette approche. Utiliser ces savoirs pour soi est encore différent que de les transmettre. J’ai dû organiser ma pensée, hiérarchiser, prioriser puis compléter pour aller plus loin, notamment en matière d’astrologie. Tout ce qui est dans ce livre est le fruit d’expériences, de lectures, de recherches. J’ai eu la joie de me lancer dans la découverte de certains archétypes, de certaines symboliques, ce livre m’a énormément appris car il m’a permis d’aller plus loin dans certains domaines, j’ai découvert la richesse de l’étude astrologique et je garde dans un petit coin de ma tête, l’idée de me former un jour.

Ce livre est un véritable travail à quatre mains. Comment vous-êtes-vous rencontrées ?

VO : Une maître Reiki avait chez elle une de mes œuvres, et Stéphanie m’a contactée après l’avoir découverte… Après une première visite dans mon atelier au 59 Rivoli, la collaboration était lancée. L’échange fut très simple et naturel depuis le début, nous avons senti que nous ressentions le monde de manière similaire, mais elle s’exprime en mots, et moi en dessins. J’ai rencontré l’univers de Stéphanie grâce à son partage autour du féminin sauvage, son monde se prêtait à être dessiné.

SL : Ma rencontre avec Vic-oh a eu lieu presque en même temps que le projet. Lorsque j’ai découvert son art, j’ai su, j’ai laissé parler mon instinct, je sentais que ce qu’elle incarnait dans ses œuvres était la puissance que je cherchais pour accompagner mes mots. Son univers sauvage, féminin et chamanique a tout de suite fait écho en moi. Le reste n’a été qu’une affaire de retrouvailles, nous nous sommes reconnus.

Vic Oh, avant d'être illustratrice, vous êtes plasticienne. Qu’est-ce qui vous a plu dans l’idée de cet ouvrage ?

VO : Je travaille sur la femme sauvage dans ma création artistique. Le monde magique et surréaliste m’inspire, le mysticisme autour de la femme me fascine. Il semblait évident que nos mondes allaient s’allier en harmonie. Découvrant peu à peu les mots de Stéphanie je ne pouvais qu’être heureuse de travailler avec une autre femme qui dans un pays encore en voie de développement sur le plan spirituel mettait des intentions si fortes et ouvrait la voie de notre reconnexion énergétique. Etant toujours très envoutée par la Lune –j’en ressens ses mouvements en miroir avec mes propres mouvements d’âme- l’idée de l’illustrer sous plusieurs facettes était très intriguant. J’avais envie de représenter les méandres lunaires et la puissance que les femmes peuvent en tirer. J’avais envie d’appuyer un texte qui renouait avec des rites, mythes et archétypes. Ayant grandi au Mexique j’ai été bercée dans des coutumes spirituelles et ouvertes à ce qui est invisible aux yeux. Voilà ce que j’aime dessiner et pourquoi créer ce livre résonnait si fort en moi.

Comment avez-vous travaillé ensemble ?

VO : Nous avons dû travailler en même temps donc c’était comme si nous créions chacune un monde entier sur des idées lunaires. Stéphanie m’avait donné un support de mots, symboles, archétypes, déesses, plantes et fêtes dans lesquelles puiser. Elle me donnait l’intention de chaque partie du livre tout en l’écrivant en même temps elle-même. J’ai eu la liberté totale de créer ce qui m’inspirait, à partir de ses intentions, j’ai pu donc explorer beaucoup de représentations qui me tenaient à cœur. Ce rythme était beau car nous travaillions vraiment en équilibre. Avec toutes ces informations je suis partie dessiner seule pendant quelques semaines devant la Nature et la mer, qui bougeait à l’unisson de même avec la Lune, ce qui a beaucoup inspiré tout l’univers pictural féminin, onirique et mystique qui sort du livre.

SL : C’était comme une danse, nous avons travaillé en parallèle, au départ, j’ai donné à Vic-Oh les grands thèmes, puis au fur et à mesure de l’écriture, les textes et les images voyageaient de l’une à l’autre. Nous avons eu des phases de travail communes, puis séparées. Je suis partie écrire au plus proche de la Nature, elle a illustré au bord de la mer. Je crois que le livre est imprégné de ces belles vibrations.

Que conseilleriez-vous à une femme qui veut se reconnecter à son intimité et à la nature mais qui ne sait pas par où commencer ?

VO
: Reconnecter simplement avec son corps, sa respiration, méditer, se recentrer. Pour ma part les pierres sont mon outil le plus important pour être en harmonie avec ma nature intérieure. Le soir, j’aime prendre ce moment pour moi et remercier ce qui est, avec elles et quelques outils différents en fonction du ressenti du moment. Regarder et écouter la Lune pour comprendre ce qu’elle fait sur chacun-e d’entre nous.

SL : Je lui conseille d’abord de revenir à son ressenti, d’aller vers ce qui lui parle et lui fait plaisir. En débutant simplement par l’écoute de ses propres mouvements intérieurs, comme si elle posait son oreille sur sa propre poitrine pour entendre le rythme de son cœur. A partir de là, la meilleure façon de se connecter à la Nature et à sa part intime est d’entrer dans un processus créatif : le chant, la danse, les cercles de femmes, la création d’un autel avec des trésors ramassés lors de balades, l’écriture… et bien entendu suivre la voie de la Lune, elle a tellement à nous enseigner sur nous-même.

 

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