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Par Lisez, publié le 29/08/2022

Le potager du paresseux frappé par le changement climatique : rencontre avec Didier Helmstetter

Ne nous fions pas aux titres des ouvrages de Didier Helmstetter. S’il nous explique comment cultiver son jardin sans se fatiguer, il est loin d’être un paresseux ! Cet homme passionné et passionnant a mille idées en tête et, quelle chance, n’aime rien autant que de les partager.

 

 

La canicule s’achève à peine quand nous nous entretenons avec Didier Helmstetter. Le Potager du Paresseux frappé par le changement climatique tombe décidément à pic. Dans son nouveau livre, l’auteur regarde la vérité en face : on ne peut plus jardiner comme hier. « Je suis stupéfait par tous ces gens qui sont encore dans une forme de déni. Il faut être fou ou vivre dans une tour d’ivoire pour douter encore de l’évolution du climat. »

Réfléchir à l’avenir de son potager, à l’avenir de l’agriculture, est devenu presque un reflexe pour ce brillant ingénieur agronome à la retraite qui, à l’âge de 55 ans, est frappé par un infarctus. Pendant un an et demi, il survit, peine à se remettre sur pied. Ce repos forcé le fait réfléchir : « Allongé sur mon transat, j’ai imaginé un potager productif, éco-responsable, n’impactant pas trop l’environnement tout en prenant en compte un fait incontestable : mon incapacité à travailler physiquement. » Auparavant, Didier, comme les autres, faisait des « conneries » : « Bêcher, piocher, détruire les organismes vivants du sol. L’idée m’est venue de faire l’exact contraire. »

Peu à peu, grâce à ses connaissances agronomiques, il trouve un moyen de ne (presque) plus bouger de son transat : « Comment puis-je du mieux possible coopérer avec tout ce qu’il y a de vivants dans le sol ? » Le principe est très simple : je ne fais rien et trouve des esclaves consentants, les vers de terre, les bactéries, qui vont naturellement travailler à ma place ! Toute ma réflexion tourne autour de ce concept. Je nourris le mieux possible ces organismes, je respecte leur habitat naturel, en un mot je leur fous la paix. » Et il trouve la bonne idée, déposer des rouleaux de foin sur son potager, une méthode qu’il baptisera la « phénoculture » : « Avec ce fourrage, je plante mes légumes de manière classique et je les regarde pousser sans même avoir à désherber puisque sans lumière pas de mauvaises herbes ! Mieux, le foin nourrit et protège le sol contre les agressions climatiques. » Curieusement, bien peu de jardiniers utilisent cette technique : « Depuis la nuit des temps, on apprend qu’il faut retourner la terre. C’est une espèce de tradition, on reproduit les gestes de nos ancêtres. » La majorité des revues ou des livres sur le jardinage répètent inlassablement les mêmes recettes. Didier n’avait jamais rien lu sur le sujet et considère que c’est une chance : « Je n’étais pas conditionné par ces injonctions sans queue ni tête. Heureusement, je suis ingénieur, j’ai des connaissances scientifiques, elles ont été mes meilleures alliées pour imaginer mon Potager du paresseux. » Bien sûr, ce drôle de jardinier attise la curiosité. Il est un jour invité à un salon éco-bio à Obernai pour y faire une démonstration de son savoir-faire, les médias s’en mêlent, Didier Helmstetter fait parler de lui. Un fan l’incite alors à poster de petites vidéos sur Youtube. D’abord réticent, il accepte l’expérience et compte aujourd’hui presque 50 000 abonnés ! Un an plus tard, c’est une médiathèque qui lui propose une conférence, il n’arrêtera plus de sillonner la France : « Je bouscule les spectateurs, tente de leur faire oublier tout ce qu’ils ont appris et les pousse à repartir à zéro ».

En 2018, il écrit pour Tana éditions son tout premier livre, Le Potager du paresseux, un best-seller ! 50 000 exemplaires seront vendus, ce qui ne cesse de le surprendre ! Aujourd’hui, sort donc ce troisième ouvrage. Il y donne un état des lieux très précis. « Les médias ne parlent que de cette hausse de 1,7 degrés de température. Mais on en fait quoi de cette information ? J’ai épluché toutes les données de Météo France et ai observé les conséquences sur mes plantations : oui, il fait plus chaud mais il gèle moins souvent. L’air est plus sec, les vents plus importants. Ainsi, même quand il pleut, la végétation dessèche. J’ai essayé de décrire un « agro-climat » : les données du climat du point de vue de l’agriculture, en l’occurrence d’un potager. Pour moi, il existe des solutions radicales : arrêtons de cultiver l’été. Travaillons la terre à l’automne et en partie l’hiver. »

Didier Helmstetter poursuit son chemin en homme libre. Une liberté à laquelle il tient plus que tout : « J’ai échappé à la mort. Alors, croyez-moi, celui qui me dira comment me comporter ou ce que je dois penser, n’est pas encore né. » On n’en doute pas une seconde !

 

Le Potager du Paresseux frappé par le changement climatique - phénoculture et nouvelles pratiques pour adapter le potager au changement climatique
Parution du 6rapport du GIEC, plus alarmant que les précédents... Flot incessant d'images de plus en plus dramatiques sur nos écrans... Qui nie encore le réchauffement climatique et ses effets ? Hélas, quand on analyse attentivement les évolutions du climat aux portes du Potager du Paresseux entre 1946 et 2021, mauvaise surprise : la situation est bien pire ! Et, au regard d'un "agronome qui jardine", elle est également bien plus complexe !
Cependant, rien n'est jamais totalement négatif : à condition d'innover, on peut s'adapter. Et même tirer avantage de la nouvelle donne ! Telle est la conviction de l'auteur, pour qui jardiner comme le faisait son père est désormais suicidaire...
Comment réussir cette adaptation ? La question est au coeur de cet ouvrage. Comment esquiver les étés, avec les risques récurrents de canicule ? Comment échapper aux débauches d'arrosage ? Sans trop se fatiguer, comment cultiver davantage, bien plus tard en automne et jusqu'en hiver ? Comment installer ses légumes bien plus tôt au printemps ? Comment échapper aux gelées qui, malgré le réchauffement climatique, restent en embuscade ? Pour chacun de ces axes, l'auteur relate son expérience avec les innovations techniques qu'il met en oeuvre : divers chassis, tampons thermiques, serre froide, voiles, espèces et variétés les plus adaptées... et toujours sans aucun travail du sol, sans engrais, sans compost et sans buttes. Du coup, obtenir des radis roses à Noël a été une sorte de défi qu'il s'est lancé pour illustrer les nouvelles possibilités qui s'offrent aux jardiniers gourmands et respecteux du vivant.

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