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Par Fleuve éditions, publié le 05/01/2023

« Mes personnages s'imposent à moi avec leurs forces et leurs faiblesses » Marjorie Tixier

Marjorie Tixier publie en cette rentrée de janvier son troisième roman chez Fleuve Éditions, À l’encre rouge, qui raconte l’histoire de Lysiane, jeune femme volcanique aux rêves de gloire envolés, et de sa fille, Jolene, qui devra se battre pour mener sa vie malgré la jalousie maladive de sa mère.

Marjorie répond à nos questions pour nous en dire un peu plus sur ce nouveau roman qui a tout pour être une pépite de cette rentrée littéraire.

À l'encre rouge : Rentrée littéraire - Roman Nouveauté 2023
Lysiane n’a jamais voulu être mère, et Jolene n’a jamais considéré comme telle cette tornade blonde aux ongles rouges qui débarquait un lundi sur trois à l’auberge de ses parents pour lui couper les cheveux et faire des remarques acides.
L’enfant grandit loin dans sa paisible province pendant que la mère, partie à la ville, s’épuise à combattre des moulins. Jusqu’à ce qu’elle pose les yeux sur cette fille dont elle ne s’est jamais souciée. Et décide qu’elle sera sa revanche sur la vie.

Un conte cruel où les liens du sang déchirent au lieu d’unir, blessent au lieu d’apaiser. Avec en fil rouge la musique, quête de gloire illusoire ou exutoire salvateur.

1/ Par rapport à vos deux premiers romans, A l’encre rouge a une tonalité plus sérieuse, plus sombre. Comment avez-vous abordé le travail sur ce nouveau texte et à quel point vous semble-t-il se distinguer, ou se rapprocher, de vos précédents ?

Mes personnages s’imposent à moi avec leurs forces et leurs faiblesses, mais aussi avec toute leur complexité. Je travaille avec une phrase de Faulkner épinglée sous les yeux : « La seule chose qui vaille d’être écrite est l’histoire du cœur humain en conflit avec lui-même ». Il me semble que c’est le fil d’Ariane de mes romans où j’essaie d’explorer et de mieux comprendre les souffrances qui guident les actions humaines. Dans mes textes précédents, le traumatisme était un moteur de résilience, un moyen de se dépasser et de se réinventer, même s’il était palpable que cet effort de reconstruction ne serait pas sans heurts. Dans À l’encre rouge, j’ai placé le curseur à un autre niveau. Certes, on retrouve une forme de choc physique et psychologique chez Lysiane qui tombe enceinte sans y être préparée, mais c’est surtout l’énergie de cette jeune femme qui est à l’œuvre dans cette histoire puisqu’il s’agit d’un roman d’initiation. La tonalité plus sombre du roman tient sans doute à ce qu’il touche à la maternité et à la souffrance qu’elle peut engendrer lorsqu’elle est entachée par l’emprise, la jalousie et la conviction d’avoir tous les droits sur la vie de son enfant.

Derrière l’histoire des rêves inassouvis de Lysiane, on retrouve un message social important, quelle est l’idée principale que vous vouliez développer ?

 Cette histoire prend racine dans un microcosme, une espèce de huis-clos qui met les personnages face à eux-mêmes. Lysiane est fille unique, ses parents sont aubergistes, ils vivent à la campagne, dans les Flandres, près de Cassel. Le destin de la jeune fille semble donc tout tracé : elle succédera à ses parents, et personne ne songe à l’imaginer ailleurs que dans ce rôle. Pourtant Lysiane manifeste précocement d’autres envies qui, à force de ne pas être prises en compte, finissent par tourner à l’obsession. Par dépit, elle s’enferme dans une vie imaginaire et idéale, impossible à transposer dans la réalité qui engendre de l’aigreur et de la frustration. Comme elle n’a pas les mots pour traduire ce conflit intérieur, elle agit à l’instinct et cherche à sauver ce qu’elle peut pour garder le contrôle dans le mépris total des conséquences de ses actes. À travers ce personnage, j’ai voulu montrer qu’il est difficile de s’émanciper de sa famille et d’adopter de nouveaux codes sociaux pour se construire une vie à l’image de nos envies profondes. Les velléités de transfuge de Lysiane m’ont également poussée à explorer la question de l’inégalité des chances entre les milieux socio-culturels et géographiques lorsque l’on aspire à pratiquer des disciplines telles que la musique classique.

D’ailleurs, dans À l’encre rouge, il est beaucoup question de musique, quelle place tient celle-ci dans votre vie personnelle ?

Une place essentielle. Il ne se passe pas un jour sans que j’écoute de la musique. J’aime à la fois découvrir et ressasser. J’ai des goûts plutôt éclectiques et c’est sans doute pour cette raison que l’on retrouve un répertoire musical assez large dans À l’encre rouge. On passe de Vivaldi à Dolly Parton sans le moindre complexe. La musique est omniprésente dans mon univers de création, elle est ma basse continue, le socle sur lequel s’invite l’écriture. J’irais jusqu’à dire qu’elle est première, fondamentalement essentielle. Elle me grise et me libère autant qu’elle m’aide à entrer dans mes personnages. Et surtout, elle rassemble et gomme les différences parce qu’elle nous touche dans ce que nous avons de plus commun. J’ai eu la joie d’assister récemment à un concert de Suzane. Je ne l’avais entendue qu’une fois à la radio avant d’aller l’écouter. En l’espace d’une soirée, tout un monde s’est ouvert, une sensibilité, un message, une fougue et une audace tels que le public, tous âges confondus, était transporté. C’est ce qui me fascine dans la musique, cette spontanéité, la littérature réclame plus d’efforts pour parvenir à entrer dans un état pareil…

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