"Un jour, plus personne ne vous appelle « papa ». À moins qu'en souvenir"

Il était le père. Le papa. Un jour et les suivants Billy l’avait appelé comme ça. Billy l’enfant, son enfant, fille ou garçon cela n’avait pas d’importance. Les deux. Une fille garçon manqué, sans doute, comme on disait. L’enfant. Son enfant.

Il habitait dans une région que traversaient les cigognes, où elles revenaient nidifier chaque printemps.

Il était une fois une d’entre elles qui avait apporté le bébé dans son baluchon. Descendu du ciel bleu. Il était d’autres fois, le temps avait coulé, c’est ce qu’il sait faire de mieux, le temps. Le temps avait passé, et ses ressacs, ses houles, ses bourrasques, ses chaleurs. Billie ou Billy (quelle importance ?) avait grandi, grandi haut. Grignotant son temps donné à dents de loup et pas de géant. Et sans crier gare était tombé. Et ne s’était pas relevé.

Voilà que les enfants bien au-delà de l’enfance sont capables de ça, aussi.

Bien sûr que les enfants, quels qu’ils soient, même des chats qui passent, ne devraient pas grandir.

Un jour, plus personne ne vous appelle « papa ». À moins qu’en souvenir. Et le souvenir, on sait ce que ça vaut. À moins qu’en écho. Et l’écho on sait que ce n’est pas fait pour rebondir à perte de jours et de nuits. Plus personne. L’ivresse vous laisse le choix entre tomber à votre tour ivre mort ou poursuivre en titubant, vaille que vaille, autant que faire se peut. Ce n’est pas tant qu’on choisisse, en fait. Ça se fait bêtement comme ça.

Quelquefois à défaut de se souvenir on se rappelle. Billy est tombé, tombée, et le chat s’en est allé. On se rappelle qu’il est ailleurs, malgré tout. Quelquefois une image. Vous réveille le don fait par Billy au-delà du passage. Et quelque part Billy est encore là. Quelque part le cœur de Billy bat encore.

On avait dit au papa qu’il ne pouvait pas savoir, après qu’il ait appris les vrais sens des mots « toujours » et « jamais ». Et sur le coup bien sûr chaviré, il n’y tenait pas. Mais voilà que du naufrage il se redresse, brinquebalé, et qu’il crie au secours dans un silence effondré post mortem. Voilà qu’il part à la recherche de plus vif qu’un fantôme. Le papa qui va mourir avant de mourir.

Se souvenir encore des orages

Pierre Pelot

Presses de la cité

Roman de Terroirs

Pourquoi Donovan est-il venu jusqu’ici ? À l’hôtel de Rouge Pierre perdu au coeur du paysage grandiose des Vosges ? Les raisons qu’il donne, quand il en donne, sont-elles les vraies ? Dessinateur pour des journaux, Donovan est un « vieux monsieur » qui a beaucoup vécu. Solitaire, taiseux, il se montre très curieux à l’égard d’Alison, la jeune propriétaire de l’hôtel. Comme s’il la connaissait. N’ont-ils pas en commun une vie en chute libre ?
Alors qu’en ce début 2020 le monde s’est presque arrêté, Donovan se souvient : ses amis, Elvira, leur enfant… Et un drame éclate : un cheval du manège attenant à l’hôtel est retrouvé mort et mutilé.
Revient la question que tous se posent : pourquoi Donovan est-il venu jusque-là ?

Du chaos du monde à la paix retrouvée d’un père, les mots puissants de Pierre Pelot racontent l’une des plus douloureuses tragédies de la vie.

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