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Par Presses de la Cité, publié le 06/03/2018

Jean Anglade, mots choisis de l'écrivain centenaire

Le 18 mars 2018, Jean Anglade aurait eu 103 ans. Il nous reste son œuvre, ses romans et ses mots pleins d’âme et de vérité…

Le 18 mars 2018, Jean Anglade aurait eu 103 ans. Il nous reste son œuvre, ses romans et ses mots pleins d’âme et de vérité… 

« Ma véritable région, c’est l’homme. »

« Je suis né par hasard à Thiers au pays des couteaux mais j’ai reçu mon âme de partout. »

« Je raconte le passé honnêtement, tel que je l’ai vécu ou recueilli. Je fais œuvre d’historien, non de passéiste. »

« Quel temps merveilleux, celui où l’on pouvait prêter deux allumettes, une cuillerée d’huile, une pincée de sel ! Toujours scrupuleusement rendues... Aujourd’hui, l’on emprunte des millions à la Caisse d’épargne sans prononcer un mot, rien qu’en remplissant des formulaires. Comment veux-tu que les gens s’aiment ? »

« Les meilleures choses ont besoin de patience. »

« Composer de la dentelle, c’est composer de la poésie en fil de lin. »

Les quelques mots de Jean Cluzel, de l'Académie des Sciences morales et politiques de l'Institut de France, en hommage à l'écrivain défunt.

Jean Cluzel et Jean Anglade

"Alors que Jean Anglade a aujourd’hui rejoint ses amis écrivains d’Auvergne Henri Pourrat et Alexandre Vialatte et nos écrivains bourbonnais Théodore de Banville, Jacques de Bourbon-Busset, Emile Guillaumin et Alain-Fournier, il me revient à l’esprit ce samedi 13 février 2016 où nous étions réunis pour honorer ce grand écrivain, qui, devenu centenaire, recevait, enfin, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.
En ce jour où il entrait dans la mémoire de la France, il avait choisi le Bourbonnais. Alors, rendons grâce à la mémoire de ces écrivains qui l’ont accueilli en ce matin du 22 novembre 2017.

C’est avec beaucoup d’émotion que je l’avais remercié d’avoir, pour cette cérémonie, choisi le Bourbonnais et plus particulièrement cette salle du Marais à Bransat où furent organisées tant de séances dédiées à la culture, à la démocratie, et à la civilisation. Car en choisissant Le Marais, qui porte le numéro 211 de la Fédération nationale des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires, Jean Anglade avait voulu rappeler que l’histoire de la littérature française fut pendant des siècles majoritairement d’origine provinciale ; prouvant ainsi que l’identité profonde de la France, la seule que l’on puisse vraiment définir, réside dans sa littérature.
C’est pourquoi avec autant d’amitié que de respect, avec autant de reconnaissance que d’admiration, il me revient de rappeler aujourd’hui tout ce que nous devons à Jean Anglade.

Jean Anglade était un homme de devoir. Né il y aura bientôt 103 ans au sein d’une famille pauvre du bassin coutelier thiernois, Jean Anglade s’est forgé en autodidacte un cursus qui lui a permis de devenir professeur de lettres puis professeur agrégé d’italien.
Féru de mythologie grecque et romaine, Jean Anglade n’ignorait pas que nous, Français, sommes dépositaires d’une longue histoire, dont la force et la pertinence ne se sont pas érodées, puisque les racines de notre civilisation remontent à près de vingt-huit siècles, issues de cette aube grecque, dont – soit directement, soit par Rome – la lumière s’est transmise à nous d’âge en âge. De cette civilisation, nous avons gardé l’esprit de méthode et la volonté de rechercher l’idéal selon un modèle d’hommes libres parce que responsables de leurs choix. Tant il est vrai que la civilisation est la seule possibilité de métamorphoser une réalité économique en une force capable d’influencer le cours de l’histoire, au nom des deux valeurs dont elle est porteuse, la démocratie et l’humanisme.
Et Jean Anglade était un écrivain humaniste. Car ses dons d’écrivain nous permettaient de découvrir la profondeur de ses analyses et que, sans difficulté aucune, il était tout naturellement porteur des idées de Pascal, auquel il a consacré de magnifiques pages.

Jean Anglade n’était pas un écrivain régionaliste, étiquette dont l’avaient affublé les salons parisiens dont la critique émanait d’une lecture quelque peu réductrice de ses ouvrages. Jean Anglade était un écrivain français, dans toute sa plénitude. Si proche des autres hommes. Il n’est que de rappeler, entre autres, que Jean Anglade avait replacé à sa juste valeur l’œuvre d’Henri Pourrat. Il estimait que cet écrivain, d’origine auvergnate, était l’un des maîtres de la littérature française. Car, précisait-il, nos écrivains ne sont pas régionalistes, ils sont universels. Et même le dictionnaire Larousse a dû l’admettre.

Jean Anglade publiait ses romans et ses essais après avoir accumulé ses observations, aligné ses analyses, présenté les situations et les déroulements de vie de ses personnages avec autant de minutie que de compréhension.
Il n’avait rien à envier à Balzac, pas plus qu’à Guy de Maupassant, à Emile Zola ou Maurice Genevoix.

Jean Anglade était fier de son siècle de vie. A cette sensibilité il avait ajouté celle des cultures classiques, pour écrire de magnifiques ouvrages. Tout particulièrement en ayant aspiré la culture italienne, lui qui avait traduit des ouvrages tels que Le Prince de Machiavel ; le Décaméron de Boccace ; les Fioretti de saint François d’Assise… Et citons encore cet extraordinaire ouvrage ayant pour titre Grands Mystiques, où l’on retrouve aussi bien Thérèse d’Avila que Jeanne d’Arc, aussi bien saint Pierre que le cardinal Newman.
Jean Anglade était-il Père de l’Eglise ? On pourrait le croire après nous être imprégnés d’un tel chef-d’œuvre et nous être rappelé cette citation qu’il avait choisie chez Teilhard de Chardin, autre Auvergnat : Je crois probablement mieux que jamais en Dieu et certainement plus que jamais au monde.

Jean Anglade était un acteur de civilisation, fidèle aux vertus civiques qui furent celles de nos ancêtres. Il était un acteur de civilisation parce que courage et dévouement font toujours des merveilles, lorsqu’ils sont au service de l’espérance.

Je souhaiterais terminer cet éloge par cette phrase de Léopold Sédar Senghor qui me revient en mémoire : Les mots du français brillent de mille feux comme les diamants de la Pléiade.

L’œuvre humaniste et universelle de Jean Anglade brille déjà de mille feux dans la constellation des Pléiades où scintillent les ouvrages de ses amis écrivains d’Auvergne et du Bourbonnais qui l’ont accueilli en ce petit matin de novembre 2017 où l’âme du poète s’est lentement détachée de l’arbre de vie pour s’envoler par la fenêtre ouverte sur son cher puy de Dôme vers ce Jardin de Mercure où sa plume aimait tant se ressourcer."

Jean Cluzel

Presses de la Cité

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