La Bête humaine : Le livre de Émile Zola

Ce 17ème tome de la saga se concentre sur Jacques Lantier, fils de Gervaise et donc frère d'Etienne et de Claude, ainsi que demi-frère de Nana. Il semble en fait que ce personnage n'était pas prévu par Zola à l'origine, c'est pourquoi il n'en est nullement fait mention dans ''L'Assommoir'', mais Zola l'a intégré à posteriori à la fratrie des Lantier pour en faire ce personnage torturé à souhait par un désir de violence et de meurtre, un genre de Dexter Morgan avant l'heure. C'est en fait un polar très sombre avec son lot de viols et de meurtres, des enquêtes judiciaires et des volontés de fuites vers d'autres horizons. Un livre donc prenant avec plusieurs intrigues ou sous intrigues en parallèle et qui se démarque quelque peu des autres tomes de la saga par sa violence. Certes on a déjà eu des histoires sombres et violentes dans d'autres tomes, mais jamais à ce point là. Un livre qui se suit donc sans ennuis, en bon polar sombre.

Que dire de la bête aux multiples facettes sans relever le génie de Zola. Entre critique sociale, les secrets de la vie conjugale et les frayeurs des innovations industrielle, la bête est cette pulsion intérieure poussant au pire des vices jusqu'à l’agonie. Zola parle sans artifice de meurtre, de tromperie, de manipulation et de vengeance sous les formes les plus humaines, sans porter le moindre jugement. D'un coup de pinceau, il dessine les opportunités de la révolution industrielle comme changement de mœurs ; on montre la réalité sans l’enjoliver. L’amour n’est pas que passion mais aussi la jalousie qui pousse à l'irréparable.

Le plus noir des Rougon-Macquart. Zola explore ici la violence à l'état pur, cette "fêlure" héréditaire qui pousse Jacques Lantier au meurtre. Mais ce n'est pas qu'une histoire de psychologie. La "bête humaine", c'est aussi la machine, la locomotive "La Lison", avec sa puissance aveugle et destructrice. C'est une métaphore géniale de la révolution industrielle et du capitalisme qui, comme le train fou, broie tout sur son passage. C'est un roman d'une noirceur presque insoutenable, où les passions humaines et la violence mécanique s'entremêlent. Une lecture qui m'a laissé avec le sentiment que la violence de notre société n'est pas un accident, mais le produit d'un système qui a déchaîné des forces qu'il ne peut plus contrôler.

Mon premier contact avec Zola. Je n'ai pas grand chose de négatif à dire, tout est bien maîtrisé : l'écriture des personnages, la narration, la plume, les dialogues et la description des mœurs/décors du Second Empire. La bête humaine c'est d'abord un livre psychologique et criminel où Zola nous décrit les côtés les plus sombres des émotions humaines, aidés par les thèses de la criminologie de son époque qui pensaient le crime comme "héréditaire et génétique". Nous suivons Jacques, chauffeur de train entre Rouen et Paris, qui lutte depuis son enfance contre des pulsions meurtrières à l'égard de la gente féminine. On suit également Roubaud, homme rustre qui travaille à la gare du Havre et vit avec une jeune femme du nom de Séverine, qui sera présentée dans le récit comme un "antidote" aux pulsions meurtrières de Jacques. On sent que Zola sait où il veut aller, ce qu'il veut faire et comment il veut le faire. Tous les personnages ici ont une moralité grise, pour ne pas dire ténébreuse, à un point tel que la fin du livre m'a semblée tiré par les cheveux et exagérément "négative", mais cohérente et prévisible avec le reste du récit.