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Par Lisez, publié le 11/10/2022

À la rencontre de Tatiana de Rosnay

Elle était partie pour écrire un polar. Et puis le destin en a décidé autrement. Tatiana de Rosnay a préféré raconter l’étrange rencontre de deux femmes que tout oppose, unies pourtant par une même admiration, celle qu’elles portent à Émile Zola.

 

C’est sans doute une coïncidence. Lorsque nous interrogeons Tatiana de Rosnay à l’occasion de la sortie de Nous irons mieux demain, nous sommes le 29 septembre. Une date bouleversante : c’est le jour anniversaire de la mort d’Émile Zola et le joli titre de ce livre sont ses derniers mots. L’homme de lettres est omniprésent dans ces pages, on y découvre non seulement son histoire d’amour avec Jeanne Rozerot mais aussi la passion des deux héroïnes du roman pour l’auteur des Rougon-Macquart. Une passion partagée : « J’ai découvert Zola vers 13, 14 ans grâce à ma professeure de français, une dame un peu terne qui n’arrivait pas à galvaniser ses élèves. Mais un jour, elle nous a lus un passage de L’Assommoir et s’est mis à crier : « Salope, salope, salope », c’était la fameuse scène du lavoir, si violente, entre Gervaise et Virginie. J’étais sidérée. En rentrant chez moi, je me suis plongée dans toute son œuvre. Les années ne font rien à l’affaire, je suis toujours aussi admirative d’Émile. »  Oui, Tatiana de Rosnay appelle Zola par son prénom. N’y voyez-là aucune audace, elle le relit sans cesse et le considère comme un membre de sa famille. D’ailleurs, ce dernier livre lui est dédié.

 

En mars 2020, Tatiana se retrouve coincée chez elle. C’est le confinement et « un écrivain confiné est un écrivain qui écrit ». Elle réfléchit à un polar mettant en scène deux femmes, l’une dévorant l’autre. Comme à chaque fois, la romancière entre dans sa bulle d’écriture, rien ni personne ne peut l’en sortir. Pourtant, un jour, quelqu’un toque à la porte de son inspiration : c’est Emile Zola. « Que faisait-il là ? Il n’y avait aucune place pour lui dans cette histoire. Lui ne semblait pas d’accord ! Et puis j’ai compris : il allait y entrer par la mémoire des murs. » Elle a alors l’idée d’une lettre, rédigée par Émile et retrouvée dans l’appartement de Dominique, l’une de ses protagonistes, là même où Jeanne, le grand amour de l’écrivain, a vécu un siècle auparavant. « Cela fait si longtemps que je tournais autour de Zola et c’est lui qui m’a ouvert les yeux. J’ai gardé l’idée de l’emprise, de la relation toxique, mais ce n’était plus un polar, davantage un thriller où il aurait enfin un rôle à jouer. »

Pour Nous irons mieux demain, Tatiana de Rosnay s’est laissé embarquer par ses personnages : « D’habitude je fais des plans, je remplis des carnets, je prends des notes, cette fois, je ne savais même pas ce qui allait advenir de l’étrange Dominique et de la fragile Candice. J’ai adoré ça ! J’ai fait mon métier de conteuse, seulement guidée par mon imagination. »

 

Pour ce livre, la romancière s’est dévoilée comme jamais : Candice souffre de troubles du comportement alimentaire. Certaines scènes, ultra-réalistes, sont éprouvantes : « J’ai été moi-même victime de TCA. Ce mal a démarré à l’adolescence et personne autour de moi ne s’en est aperçu. J’ai, comme mon héroïne, très bien caché mon jeu. Certains passages ont été une surprise pour mes proches. Je savais que je ne pourrais pas leur dire : « Ce n’est pas moi. » En décidant d’assumer, j’ai choisi d’avouer. Et je veux délivrer un message : je suis la preuve qu’on s’en sort même si ce cauchemar a dévasté 25 ans de ma vie. Il faut se faire aider, trouver le courage de parler. Dans le monde entier de plus en plus de gens sont touchés par cette pathologie ; pendant le confinement les cas ont explosé. J’espère que ces pages seront utiles : cette emprise effrayante ne doit plus être vécue comme une fatalité. » On sent Tatiana de Rosnay profondément émue par ces confidences. Aussi change-t-elle vite de sujet, nous dit son plaisir d’écrire en français, elle qui, pendant des années rédigeait ses livres en anglais. « Pour Les Fleurs de l’ombre j’ai même écrit simultanément dans les deux langues ! Une expérience difficile. Après ça, je me suis remise à relire tout Zola. C’est lui qui m’a redonné le goût de la langue française ! »

 

Tatiana de Rosnay a tant de choses à nous dire ! Comme son envie insatiable de raconter des histoires – dans Nous irons mieux demain trois intrigues s’entremêlent ! – et son impatience de présenter son roman. « Être au contact de mes lecteurs est une récompense. » Elle ne se prive pas de ce plaisir et, les mois qui viennent, va parcourir des kilomètres pour partir à leur rencontre. Elle avoue même ne jamais s’en lasser…

 

Nous irons mieux demain
Mère célibataire de vingt-huit ans, ébranlée par le décès récent de son père, Candice Louradour mène une vie sans saveur. Un soir d’hiver pluvieux, à Paris, elle est témoin d’un accident de la circulation. Une femme est renversée et grièvement blessée.
Bouleversée, Candice lui porte assistance, puis se rend à son chevet à l’hôpital. Petit à petit, la jeune ingénieure du son et la convalescente se lient d’amitié.
Jusqu’au jour où Dominique demande à Candice de pénétrer dans son appartement pour y récupérer quelques affaires.
Dès lors, tout va basculer…
Pourquoi Candice a-t-elle envie de fouiller l’intimité d’une existence dont elle ne sait finalement rien ? Et qui est cette Dominique Marquisan, la cinquantaine élégante, si solitaire et énigmatique ?

Nous irons mieux demain retrace le chemin d’une femme fragile vers l’acceptation de soi, vers sa liberté. Il fait aussi écho aux derniers mots d’Émile Zola, le passager clandestin de cette histoire.

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