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Par le cherche midi éditeur, publié le 16/04/2021

Kiley Reid : « Ce qui m'obsède, c'est de donner une description sincère du comportement humain »

Fort d’un succès phénoménal outre-Atlantique, Une époque formidable, le premier roman de Kiley Reid, s’intéresse à deux figures féminines diamétralement opposées qui polarisent le racisme ordinaire. Rencontre avec l’auteure autour du besoin compulsif d’écrire.

La narration d’Une époque formidable est très rythmée, un grand nombre d’événements prennent place sur une courte période de temps, un peu comme dans un film. Parlez-nous du processus d’écriture.

Je suis heureuse d’entendre que le roman est rythmé car le temps de l’écriture a, lui, été assez lent. J’ai commencé à réfléchir à ce livre en 2015. En arrivant en Master, en 2017, j’avais 150 pages avec moi, et j’ai achevé l’écriture l’été suivant, en 2018. Dans les premiers temps, j’écrivais depuis un café en Arkansas – où j’habitais à l’époque – trois heures chaque matin. Plus tard, dans l’Iowa, j’ai eu des semaines avec des journées très longues, où je travaillais ma matière, les intrigues et les personnages, et ce sans relâche du matin jusqu’au soir.

Le format roman s’est-il imposé à vous ou avez-vous considéré d’autres formes pour l’histoire que vous aviez en tête ?

Pour cette histoire en particulier, la forme du roman m’a parue vraiment bien adaptée d’entrée de jeu. Les romans vous offrent vraiment le temps de bien connaître les personnages et il est galvanisant de travailler sur un matériau très dense, de le ciseler pour en garder les meilleures parties. Cela dit, j’apprécie aussi d’autres formes de narration, comme les nouvelles et les pièces de théâtre, qui sont d’ailleurs souvent les points d’entrée vers des idées de roman. Dans le cas présent, l’histoire d’Emira s’est directement présentée sous la forme d’un roman et j’en suis heureuse.

Parlez-nous du travail sur ces personnages féminins très différents ; à quels défis avez-vous été confrontée ?

Lorsqu’on écrit depuis deux points de vue très différents, on se retrouve souvent à faire des allers et retours plusieurs fois par jour, ou même par heure, ce qui m’est arrivé pour la scène de Thanksgiving. D’importants défis se sont présentés à moi, comme le fait de rester fidèle aux motivations des personnages tout en leur donnant l’espace de prendre des risques et de surprendre le lecteur. D’autres étaient moins essentiels, comme se souvenir de la personne qui tenait le bébé, comment et quand. Dans cette scène de Thanksgiving en particulier, je n’arrêtais pas de m’y perdre avec les enfants. Ils se baladaient dans la pièce en fonction du point de vue adopté dans le chapitre. Chaque personnage pose son lot de petits et grands défis mais ceux que j’ai cités ont ma préférence.

L'une des inquiétudes principales d’Emira est de ne pas quitter la petite fille dont elle s’occupe et avec laquelle elle entretient un lien fort. Que souhaitiez-vous dire avec cette relation singulière ?

Les relations transactionnelles m’ont toujours fascinée et « singulières » est un terme parfait pour désigner celles-ci. D’un côté, il s’agit d’une transaction et d’un travail. La relation qu’entretiennent Emira et Briar repose sur une opération financière. Et pourtant, comme cela arrive souvent avec le travail domestique, un lien se crée, et Emira et Briar en viennent à s’apprécier de façon relativement intime. Emira est une babysitter très douée mais l’affection qu’elle a pour Briar fait d’elle une personne encore meilleure et lui apporte beaucoup de joie au quotidien. Cette situation amène des décisions difficiles car Emira doit jongler entre son amour pour cette enfant et sa situation financière, qu’elle souhaiterait plus stable et accompagnée d’une couverture santé. Les relations où les notions d’amour et d’argent se croisent m’intéressent beaucoup et j’avais hâte d’explorer ces dynamiques via les deux personnages mentionnés.

Une époque formidable aborde beaucoup de thèmes différents, dont celui du privilège blanc. Estimez-vous qu’il y a désormais plus d’espace dans la sphère littéraire pour tordre le cou aux habitudes et stéréotypes ancrés ?

Je ne peux parler que de ma propre pratique littéraire. La littérature n’est pas un lieu où j’entreprends de déboulonner des habitudes mais plutôt un endroit où je cherche la vérité, dans mon écriture mais aussi dans celle des autres. Avec Une époque formidable, et certainement avec n’importe quel autre de mes projets, je commence avec les personnages. Il faut que je me soucie d’eux en premier, puis les thèmes plus vastes émergent, parfois longtemps après l’écriture du récit. Si le privilège blanc est clairement un des thèmes du roman et une inquiétude pour beaucoup de mes personnages, ce n’est pas ce qui m’a amené vers ce livre. Ce qui m’obsède, c’est de raconter des histoires et de donner une description sincère du comportement humain dans une prose très travaillée et captivante, et j’espère avoir accompli ma visée avec Une époque formidable.


Une époque formidable
Philadelphie. Emira Tucker, jeune diplômée afro-américaine, s’occupe de Briar, la fille d’une influenceuse réputée. Un soir, dans un magasin avec l’enfant, Emira se fait prendre à partie par un vigile. Une jeune Noire et une petite fille blanche, ensemble, à une heure tardive : la situation est forcément louche. La scène, humiliante, est filmée par un passant. Pour tous ses proches, Emira devient alors la victime idéale. Celle que l’on doit prendre en charge, conseiller, aider et défendre. Mais très vite celle-ci est excédée par la bonne conscience facile que chacun se donne à cette occasion. Peu à peu, l’atmosphère devient irrespirable, puis explosive... et les illusions des uns et des autres volent en éclats.

Avec ce premier roman, qui révèle un écrivain d’exception, Kiley Reid porte un regard aussi acéré que singulier sur le monde d’aujourd’hui et ses dérives. Une époque formidable s’est classée dès sa sortie en tête des meilleures ventes du New York Times. Une adaptation cinématographique est en cours.

« Quel bonheur de dénicher un premier roman aussi bon ! » The Times
« Le page-turner le plus provocant de l’année. » Entertainment Weekly
« Un premier roman impressionnant. Mémorable. » Publishers Weekly
« Un talent virtuose à la puissance considérable. » The Guardian
« Une lecture littéralement compulsive ! » Elle
« Fascinant ! » The Washington Post

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  • Focus
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    "Une époque formidable" : déconstruction du racisme ordinaire

    Déjà écoulé à plus de 400 000 exemplaires aux Etats-Unis, le premier roman de Kiley Reid excelle dans le portrait qu’il dresse de la bien-pensance blanche et des codes sociétaux en place, vecteurs forts de racisme. Un livre à l’intrigue aussi rythmée que dérangeante.

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