C’est un homme pressé. Le romancier américain Douglas Kennedy partage sa vie entre les États-Unis et l’Europe, écrit tout le temps, partout. Entre deux avions, il a pourtant bien voulu nous accorder un peu de son temps pour nous parler de son dernier livre Les Hommes ont peur de la lumière.
Il a écrit ce roman bien avant l’incroyable nouvelle : la Cour suprême des Etats-Unis révoque le droit constitutionnel à l’avortement. Intuition ? Toujours est-il qu’avec Les hommes ont peur de la lumière, Douglas Kennedy aborde ce sujet crucial, cette annonce qui a fait l’effet d’une bombe partout dans le monde. Son héros est un chauffeur Uber de Los Angeles qui dépose une cliente devant une clinique pratiquant l’interruption de grossesse. À peine est-elle entrée dans l’établissement que celui-ci explose, un attentat commis par les « pro-vie », ces Chrétiens extrémistes refusant la légalité de l’avortement. Avait-il déjà compris que le fameux arrêt Roe v. Wade serait remis en question ? « La montée de l’extrême-droite en Amérique, le Parti Républicain très militant, qui n’a plus rien à voir avec celui d’il y trente ans, tout cela, bien sûr, je l’ai observé et j’ai voulu écrire là-dessus. J’ai sillonné l’Amérique comme reporter pour différents journaux, et j’ai vu mon pays changer. Alors, dès que Donald Trump a nommé ces trois juges ultra-conservateurs à la Cour suprême, je savais que c’était une question de temps. Les femmes allaient être les premières victimes : derrière tout ça, il y a la misogynie, la revanche des hommes blancs. Et Trump en est le symbole, sans aucun doute. »
Mais un autre sujet sociétal est au centre du livre : Brendan, son héros, est un homme de 56 ans. Longtemps ingénieur, il s’est fait licencier et n’a pas d’autre choix que devenir un chauffeur Uber. Douglas Kennedy raconte avec moult détails la vie de cet homme qui travaille beaucoup trop pour tenter de gagner modestement sa vie : « J’ai passé pas mal de temps à Los Angeles car ma fille a vécu là-bas. Il y a deux ans, j’ai pris un Uber et ai engagé la conversation avec le chauffeur. Il m’a raconté son histoire, son déclassement : il avait été vendeur et a perdu son emploi. Il a accepté de me révéler son implacable réalité. Cet homme avait peur, tout le temps. Peur de perdre son travail, peur de tomber malade. Vous savez, il n’y a pas de système social ici. Très vite, j’ai su que j’en ferai le héros de mon prochain roman. »
L’actualité de son pays le passionne, il lit beaucoup la presse, observe le monde qui l’entoure. « Pour écrire, il faut sans cesse se tenir au courant. C’est très important. Je n’ai pas beaucoup de patience avec ces auteurs qui se regardent le nombril ! Moi, c’est le contraire, je suis une éponge, c’est la vie des autres qui m’intéresse. N’est-ce pas essentiel quand on est écrivain ? »
En regardant de plus près son emploi du temps, on est frappé par son incroyable énergie. Douglas Kennedy parcourt la France du nord au sud, d’est en ouest, pour présenter son livre chez les libraires. « C’est simple, j’aime les autres. Rencontrer mes lecteurs est très important pour moi. Nous avons créé un lien, une complicité. Un jour à Dijon, en 2009, une femme est venue me voir. Elle m’a dit avoir perdu sa fille et confié que mon roman Quitter le monde l’avait aidé. Soudain, j’ai pris conscience du pouvoir des écrivains, je me suis dit que cette femme avait validé mon existence. »
« Les hommes ont peur de la nuit », est une citation de Platon. Dès qu’il l’a lue, il a su que ce serait son titre. « Qu’est-ce que la lumière ? La vérité ? Dans tous les textes religieux, il y a cette idée que la lumière est un signe de Dieu. Mon point de vue est qu’on ne connaît pas la vérité. Quand je croise ceux qui me disent la connaître, je n’ai qu’une envie, fuir ! Moi, je ne sais rien. » Il sait en tout cas qu’il continuera longtemps à écrire. L’écrivain vient de finir une pièce de théâtre et travaille sur un prochain roman. Il nous avouera qu’il a toujours un livre en préparation, toujours un nouveau projet, simplement parce qu’il ne peut pas faire autrement. « Lors d’un salon, je participais à une table ronde et un écrivain a déclaré « chaque mot est écrit avec mon sang ». Je suis d’accord, écrire n’est pas facile mais mon Dieu, n’est-ce pas mieux que de travailler dans une blanchisserie industrielle ? L’écriture est mon équilibre et j’adore ça ! »
On aurait pu parler des heures avec Douglas Kennedy, mais il est obligé de nous quitter, on l’a dit il est toujours pressé et il a encore tant d’histoires à raconter…
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