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Par Lisez, publié le 13/11/2019

"Sapé comme jadis" : 3 histoires de vêtement qui ont marqué l'histoire

Comment Philippe III a fait du noir le symbole de sa puissance, comment Mary Quant a révolutionné la mode en coupant ses jupes… Dans son livre Sapé comme jadis (Robert Laffont), Yvane Jacob passe à la loupe 60 histoires de vêtements, histoire de nous rappeler que l’habit n’est jamais neutre. Retour sur 3 cas vestimentaires et leur rôle social et politique.

Futile le vêtement, vraiment ? Penser que la mode est l’apanage des femmes – forcément un brin écervelées – est oublier que l’habit est depuis toujours soumis à des codes, qu’il est un marqueur de classes sociales, qu’il raconte la religion, la société, la politique. Infiniment personnel, c’est aussi par le vêtement que l’on transgresse, que l’on se libère, que l’on construit son identité. Parfois, il permet même de marquer et de renforcer son pouvoir. "Bien sapé pour mieux régner", écrit Yvane Jacob dans l’introduction de Sapé comme jadis. Diplômée de Sciences Po et de l’Institut français de la mode, cette responsable de collection (pour la marque & Other Stories) et chroniqueuse (sur Radio Nova), dresse dans son livre le portrait de 60 vêtements qui ont marqué l’histoire. Des biographies vestimentaires drôles et inattendues qui rappellent que la fringue a un intérêt sociologique.

Yvane Jacob écrit : "S’intéresser à ces histoires ne consiste pas qu’un regard vers le passé. Tout le monde n’a pas la passion du vêtement, mais tout le monde s’habille. Chaque matin, en choisissant des formes, des couleurs, des motifs, nous offrons souvent inconsciemment, une image singulière de nous-mêmes. Ces choix, libres en apparence, s’inscrivent dans le long héritage, social et politique, du vêtement." Amen.

1. Pourquoi Marie-Antoinette a scandalisé tout le monde avec sa robe en mousseline

 
 
 
 
 
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En 1783, la peintre Elizabeth Vigée Le Brun est reçue à l’Académie Royale de peinture et de sculpture grâce à Marie-Antoinette. La même année, elle y présente un portrait nommé Marie-Antoinette en chemise. Scandale, "on n’en revient pas de voir une reine de France en négligé, dans son tissu de coton fin légèrement transparent, sans bijoux et en chapeau de paille. Autant poser à poil." commente Yvane Jacob. C’est qu’à l’époque, la reine de France est en pleine remise en question. Elle réclame de la simplicité et demande à Louis XVI de lui construire un nouveau palais, plus petit et tourné vers la nature, le fameux Petit Trianon. "Elle sent aussi, peut-être, que la colère monte et que cette mode des ‘poufs’, qui consiste à se mettre tout et n’importe quoi dans la perruque, n’arrange pas sa cote de popularité." Tout cela amène donc Marie-Antoinette à prendre la pose dans une robe de mousseline légère. Fustigé par la critique et la noblesse, ce portrait très intimiste est vite remplacé par un autre, Marie-Antoinette à la rose.


Mais le vêtement de l’Autrichienne a eu le temps de faire parler de lui. Et voilà que ces "robes à la Reine" sont imitées partout en France. "L’écart entre la reine de France et ses sujets féminins se réduit, alors que l’Ancien Régime repose sur l’inégalité, et la mise en scène de l’inégalité", écrit Yvane Jacob, qui conclut : "Toujours prescriptrice, Marie-Antoinette anticipe sans le vouloir une révolution vestimentaire qui va bouleverser profondément les codes et les rapports sociaux."

2. Christabel Pankhurst, pourquoi les suffragettes anglaises devaient toujours être bien habillées

 
 
 
 
 
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Co-fondatrice de la Women’s Social and Political Union (WSPU) avec sa mère et sa sœur, Christabel Pankhurst est l’une des premières femmes à se faire connaître sous le nom de "suffragette". Nous sommes à Londres, en 1903, et cela fait cinquante ans que les femmes manifestent pour obtenir le droit de vote sans obtenir de résultat. Véritable anarchiste en jupon, Christabel "pense qu’il est plus utile de saccager, de mettre le feu et éventuellement de poser une ou deux bombes." Incarcérée à deux reprises, elle mène des actions aussi folles que médiatisées qui renforcent les rangs de la WSPU. Au-delà des actes de vandalisme, Christabel Pankhurst a la bonne idée de miser sur le vêtement pour être prise au sérieux. Comme l’explique Yvane Jacob, la jeune femme "sait que depuis des décennies les suffragettes souffrent d’un problème d’image. En plus de ne jamais les laisser parler, on les caricature avec au mieux beaucoup de dérision, au pire énormément de mépris. Surtout, revient en permanence le sous-entendu lourdaud sur leurs difficultés à attirer un homme." Le cliché sur la féministe vilaine, hystérique et éternelle célibataire ne date donc pas d’hier.

Avec les autres activistes, Christabel Pankhurst décide d’adopter des tenues élégantes. "Toute personne mal sapée est rejetée, accusée de nuire à la cause. Elles commencent à porter surtout du blanc, dans des tissus délicats, supposés accentuer leur féminité." Et ça fonctionne ! Un code couleur est établi : blanc (pureté), vert (espoir), mauve (dignité). Dans les boutiques, on vend des rubans tricolores pour les chapeaux, des broches, des ceintures… "En 1908, 300 000 personnes portant les couleurs des suffragettes défilent à Hyde Park pour réclamer le droit de vote, consacrant l’un des meilleurs marketings politiques de l’histoire."

3. Pourquoi Che Guevara mettait toujours un béret alors qu’il était même pas Basque

 
 
 
 
 
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1960. Le photographe Alberto Korda réalise un portrait de Che Guevara qui contribuera à faire de lui le symbole éternel de la révolution. Le guérillero y apparaît digne, concentré, presque invulnérable. Sur la photo, le Che porte un béret sur lequel est épinglé une étoile. Un accessoire intrinsèquement lié à son image comme le sont aussi sa chemise kaki et son treillis. "Parvenu au pouvoir, le Che n’abandonne pas sa tenue militaire. Elle permet de conserver une street cred de barbudo révolutionnaire face au costume-cravate capitaliste", analyse avec humour Yvane Jacob.

Le béret d’Ernesto, lui, "est en feutre, ce qui permet d’être pas cher, et imperméable, ce qui permet d’être dehors." Yvane Jacob souligne que le couvre-chef "navigue dans un bordel idéologique total." Il prend une dimension politique durant la Première Guerre carliste (une guerre civile espagnole qui dura de 1833 à 1839) en symbolisant la lutte contre le pouvoir en place. Puis, "il devient la coiffe des militaires, des résistants autant que des miliciens, des GI comme des Black Panthers." Et le Che dans tout ça ? Yvane Jacob conclut : "Il le choisit sans doute parce qu’il permet d’épingler des trucs : en l’occurrence l’étoile de commandante – grade le plus élevé de l’armée cubaine – que seuls lui et son ami Fidel peuvent revendiquer. L’accessoire idéal en somme, pour passer de simple guérillero à icône planétaire."


Retrouvez le livre d'Yvane Jacob aux éditions Robert Laffont

Sapé comme jadis

Pourquoi Jules César s’est-il accroché à sa toge ? Catherine de Médicis avait-elle une culotte ? Pourquoi le Che portait-il toujours un béret alors qu’il n’était même pas basque ? Pourquoi Élisabeth II s’habille-t-elle comme un panneau de signalisation ? Pour quelle raison Donald Trump refuse-t-il d’avouer qu’il met des peignoirs ?
Yvane Jacob explore la garde-robe de 60 illustres personnages. En même temps qu’elle révèle le sens caché, ou oublié, du vêtement, c’est l’évolution des mentalités et des rapports sociaux qui se dessine. On ne s’habille pas seulement pour se protéger du froid ou pour cacher sa nudité : en se parant, on se révolte, on se distingue, on séduit, on conteste, on interpelle… On s’exprime ! Aux préoccupations intimes et esthétiques se mêlent des considérations économiques, sociales et politiques.
Si le bonnet ne fait plus le docteur ni la robe le magistrat, le vêtement reste un langage. Ces 60 portraits tentent de le décoder, dévoilant avec légèreté mais sans frivolité tout ce que revêt l’habit.

 

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