Thérèse Raquin : Le livre de Émile Zola

Dans cet ouvrage où chaque personnage, même le plus secondaire, est un « psychopathe » en puissance, Zola dépeint le caractère à la fois sombre et pourtant si commun de l'esprit humain. Passion sexuelle, meurtrière, vengeresse, tout y est présent. Bien avant la psychologie contemporaine, cette fiction presque paranormale témoigne des mécanismes psychosomatiques avec pertinence. L'auteur développe toutes les conséquences physiques des actes immoraux de Thérèse, Laurent ou Mme Raquin. Les scènes sont parfois glaciales tant elles rappellent crûment certaines craintes que tout être humain partage.

Dans le cadre de mes fonctions j’ai été amené à effectuer un audit dans des structures funéraires et mon superviseur m’a conseillé ce livre, en particulier le passage où les voyeurs défilent voir les corps étalés à l’institut médico légal, « la première maîtresse » de ces jeunes comme l’écrit Zola. Ce livre court est percutant et d’une incroyable modernité. Il est cru, et aurait pu être écrit cette année. J’ai beaucoup pensé dans le style à Gide que j’avais trouvé aussi très moderne dans son style. Bref, j’avais raté ce classique dans ma jeunesse et je suis bien content de l’avoir lu. Je pense que je n’ai pas fini de le conseiller à des jeunes en quête de sensation forte.

Une fresque psychologique des personnages humainement bien tracées puisque l'éloge du sacarsme de ceux ci immisce un brun étonnant de caractères bien trempés. La dynamisation du récit va avec le ton psychanalytique. Un roman où on sent bien les méandres des traits de personnalité bien évidemment souscrit par la virtuosité de la trajectoire de la description. Chaque changement de sujet auxquels cette description prend comme itinéraire est l'apothéose d'une finesse d'observation.

Zola dépeint l’amour sous sa forme la plus noire mais également la plus forte. La puissance de l’amour repose sur le jeu constant des oppositions de l’auteur ; le froid glacial de Camille s’oppose à la chaleur charnel de Laurent, la mort qui s’oppose à l’amour. La haine, qui domine une majeure partie du livre se transforme explicitement en passion au dernier moment, est-elle alors pour l’auteur l’amour sous se forme la plus pure ? On dit souvent qu’on ne peut détester quelqu’un que l’on aime et c’est cette idée que je retrouve dans Thérèse Raquin, et le seul état plus fort que l’ivresse de l’amour est la mort.