Premier roman d’une rare acuité, Affamée de Raven Leilani suit les pérégrinations et réflexions d’une jeune afro-américaine qui tente de se faire une place dans la tentaculaire New York. Un livre à la narration crue et désopilante qui s’interroge sur une jeunesse en plein tourment face à une ubérisation effrénée.
Publié dans la collection Vice caché du cherche midi, le premier roman de l’autrice américaine Raven Leilani a de quoi secouer ce début d’année littéraire. Plébiscité par Zadie Smith – rien de moins –, il s’est classé parmi les meilleures ventes du New York Times dès sa sortie aux États-Unis, fait peu étonnant puisqu’il s’agit d’une véritable révélation, de ces ouvrages qui vous visitent et s’ancrent en vous durablement. Si Raven Leilani s’était déjà illustrée avec des textes courts dans les prestigieuses revues Granta, McSweeney's et Conjunctions, Affamée confirme un talent brut, une prose nourrie de mille émotions et références.
Son personnage principal, Edie, une jeune afro-américaine, tente de se faire une place dans le milieu de l’édition new-yorkais mais il semble toujours exister quelqu’un de plus « respectable » ou de plus « blanc » pour obtenir le poste. Sa vie sentimentale est au point mort quand elle rencontre Eric, un homme bien plus âgé avec lequel elle va vivre une relation passionnelle peu commune, au point de rencontrer sa femme et sa fille et de s’installer avec eux. À partir de ce postulat singulier, Raven Leilani tricote des personnages complexes, hors des codes dans lesquels on voudrait les circonscrire, et des situations où règnent le malaise et l’absurde.
L’autrice américaine – dont la formation en arts visuels et les expériences de petits boulots rocambolesques ont clairement inspiré ce roman – convoque une écriture presque animale, férocement imagée, pour dresser un portrait aussi nu que possible de son héroïne. En proie aux plus vives émotions face à l’implacable monde du travail et à la difficulté de s’attacher véritablement à l’autre dans une société ubérisée, celle-ci se montre d’une folle humanité et révèle une vie intérieure qui frémit, s’exalte, se terrifie… et s’interroge, inlassablement. Dans le rapport qu’Edie entretient à son corps tient une réflexion pénétrante sur le désir, la jeunesse, la race et le processus créatif. Un tour de force aussi épatant que libérateur.
Premier roman à la narration crue et désopilante, Affamée plonge, féroce, dans le quotidien d’une jeune afro-américaine en proie à son désir et aux mécaniques complexes de la vie à New York. Rencontre avec Raven Leilani, auteure terriblement prometteuse qui navigue entre peinture et écriture.