Au nord de la frontière : Le livre de R.J. Ellory

Shérif de Blairsville, dans le comté d'Union, Victor Landis vient d'apprendre, peu après le petit-déjeuner, que son frère, Franck, lui-même shérif dans le comté de Dade, a été tué. Une voiture lui aurait roulé dessus à trois ou quatre reprises avant de s'enfuir et de le laisser pour mort sur la route. Déjà bien seul dans sa vie, sa femme étant décédée depuis des années et n'ayant pas d'enfant, cette nouvelle, pourtant bien triste, ne l'affecte pas réellement, ayant depuis presque douze ans coupé les ponts avec lui suite à une énième dispute. Pour autant, il décide de se rendre sur place, ne serait-ce que pour l'identifier, étant son plus proche parent. Mais il est alors surpris d'apprendre que Franck était divorcé et avait une fille âgée de 11 ans. Parce que le meurtre s'est passé hors de sa juridiction, Victor décide d'enquêter officieusement. D'une part, pour sa nièce qui mérite de savoir et, d'autre part, parce que le flic en charge de l'enquête, Mike Fredericksen, de la police de Treton, ne semble guère y porter la moindre attention. Dans le même temps, le corps nu d'une jeune adolescente a été retrouvé. Gonflé après avoir passé un certain temps dans l'eau et des marques de ligature sur la gorge, les chevilles et les poignets... Malgré les années de silence, les discordes et l'éloignement, Victor Landis va tenter de percer à jour les raisons de l'assassinat de son frère. Une enquête officieuse couplée avec une officielle, le meurtre d'une adolescente, qui va lui faire côtoyer la noirceur de l'âme humaine. Deux enquêtes qui, de prime abord, ne semblent ne rien avoir en commun. Et pourtant... R.J. Ellory a, incontestablement, l'art et la manière de peaufiner son ambiance, de plus en plus lourde, son intrigue, tortueuse à souhait, et ses personnages, aussi complexes soient-ils. Avec Victor Landis, il a créé un personnage empathique, aux nombreuses fêlures et au passé douloureux qu'il va devoir affronter. Autour de lui, une galerie riche et fouillée. Une nièce attachante et intelligente, une ex belle-sœur qui n'hésitera pas à le bousculer, tout comme Barbara, sa standardiste, des shérifs consciencieux mais aussi des hommes peu fréquentables, aux mœurs abjectes. Prenant le temps d'installer l'ambiance et s'attardant sur la psychologie des personnages, l'auteur dénoue, subtilement et intelligemment, son intrigue fort bien ficelée jusqu'au dénouement implacable. Un roman sombre et remarquable mais aussi émouvant de par sa plume sensible et léchée...

Au nord de la frontière de R.J Ellory Chronique de Bruno Delaroque Lire le dernier R.J Ellory pendant les vacances m'a semblé assez évident. Cet auteur qui m'a souvent enchanté, écrit des romans profonds qu'il faut savoir apprécier lentement. Pour cela il faut du temps et comme j'ai de moins en moins de temps pour lire ; les vacances et un esprit reposé c'était parfait ! Ce « Au nord de la frontière » commence avec Victor Landis le shérif d'une petite ville de Géorgie qui apprend la mort de son frère avec qui il n'a plus aucun contact depuis très longtemps. On retrouve la plume de R.J qui nous emmène dans un riche scénario et en à peine 80 pages, le lecteur est accroché. Descriptions précises, ambiance, personnages sombres et ambiguës, on sent que cette histoire va nous réserver des surprises et je hume déjà les relents putrides qui vont forcément agrémenter ce titre. Une jeune fille assassinée vient compléter le tableau et là on se dit que l'on va avoir un grand roman alors que l'on vient juste de passer la deuxième vitesse. Se découvrir de la famille pour Landis est aussi un sacré choc et avec quelques cadavres qui s'amoncellent on peut dire que R.J Ellory nous raconte une sacrée histoire ! La Géorgie et Les Appalaches comme décors viennent fixer le cadre sauvage de cette aventure comme seul sait le faire cet auteur surdoué(je salue d'ailleurs ici le travail des traducteurs).. C'est une description taiseuse de ce coin loin d'être un paradis tellement il est gangrené par toutes sortes de vices. Victor Landis ne sait pas dans quel merdier il va mettre les pieds. Tout le monde ou presque, ment, ou à quelque chose à cacher. C'est plus une plongée en enfer qu'une promenade de santé et avec ses chapitres courts et une écriture fine et précise, on retrouve ce qui fait la force de notre auteur : une facilité déconcertante à mettre en scène ses héros et à les exposer à des drames. Seulement voilà, plus on avance, moins on en sait ; enfin si on sait que la pourriture se loge partout. Le danger rode, se rapproche et Landis marche sur des œufs. Les nids de frelons sont nombreux et il vaut mieux ne pas y plonger la main. Avec force et obstination Landis va s'accrocher pour démêler le vrai du faux et tenter de résoudre ces multiples affaires. Il devra faire face à lui-même et à son interprétation de la justice. Jusque où faut-il aller ? « Au nord de la frontière » est un roman sombre et profondément humain que nous livre R.J Ellory. Une fois de plus il fait mouche avec ses mots, son scénario et sa façon de raconter des histoires. Ça s'appelle le talent tout simplement !

Un roman policier qui tourne souvent en rond, à part le dernier quart. J'aurais bien aimé avoir une carte de la Géorgie, de ses patelins car le titre français ne m'inspire rien du tout. J'ai pensé au début de la lecture qu'on allait partir au Canada vu la couverture du livre de poche. En VO le titre est "The last highway". Et puis p 316, miracle, je tombe sur "La dernière autoroute. C'était la grande inconnue. Où elle débuterait et où elle s'achèverait." Bref, beaucoup de dialogues, de "bon Dieu" et de "putain", mais une fois refermé, j'ai l'impression d'avoir manqué quelque chose. On sait plus ou moins pourquoi les deux frères shérifs ne se sont plus parlé pendant douze ans, mais pourquoi la gamine de 11 ans avec sa peluche a été enlevée puisque dans les anciennes affaires, elles avaient entre 15 et 18 ans et étaient dans les JR ? Le journaliste du coin, lui, a déserté l'histoire...

Toujours afin de rencontrer l’auteur lors de son passage en librairie le mois dernier, j’avais lu quelques jours avant ce roman recommandé par ma libraire, plus récent que ma précédente découverte de son roman emblématique, Seul le silence, mais tout aussi efficace et atypique pour l’idée que je m’en faisais. En effet, en deux romans, j’ai la prétention de dire que je pense avoir un peu cerné la philosophie de l’auteur quand il s’agit d’écrire des romans policiers, mais n’hésitez pas à me dédire si vous avez lu des romans de lui qui entrent en contradiction avec mes idées. J’ai en effet l’impression que le monsieur préfère relater des trajectoires de vie avec ses enquêteurs, plutôt que de nous raconter des enquêtes ultra ciselées et passionnantes, car dans les deux romans que j’ai lus, celles-ci passent très vite à l’arrière-plan, derrière la psychologie de ses héros et je m’en réjouis assez. Je ne suis pas une passionnée de polar, je l’avoue. J’ai donc besoin de quelque chose d’autres qu’une pure enquête pour m’intéresser à une histoire et ce que propose Ellory est pile ma came en revanche. Dans ce nouveau texte, un peu sur le schéma du précédent que j’ai lu quand même, nous nous retrouvons à suivre un policier qui va se retrouver sur une affaire avec des meurtres similaires sur plusieurs Etats pour lesquels il va tenter de faire des liens afin que cela cesse. Sauf que cela va venir percuter également sa vie personnelle, mais d’une manière différente cette fois, puisqu’il vient de perdre son frère, également Shérif, avec qui il était brouillé et qui est mort dans de drôles de circonstances, appelant là aussi une enquête. Si l’enquête sur ces meurtres de jeunes filles ne m’a pas passionnée, je le reconnais, même quand on en a compris le fin mot, en revanche, j’ai beaucoup aimé découvrir l’histoire et la personnalité de Victor Landis. A ses côtés, j’ai vraiment été immergée dans son histoire familiale et le choc qu’il vient de vivre en découvrant non seulement la mort de son frère mais aussi l’existence de la femme et la fille de ce dernier. L’auteur nous prend vraiment par la main pour plonger très très lentement dans ce qui a séparé ces deux frères et surtout dans la constitution d’une nouvelle relation, en forme de rédemption, entre Victor et sa nièce, une gamine qui a oublié d’être bête. Et plus que leurs histoires de famille, c’est cette ambiance de petite ville américaine, de mec célibataire maladroit avec les femmes de sa famille, de bourreau du travail qui a du mal à décrocher, qui m’a plu. C’était réaliste. On s’immergeait vraiment dans ces paysages des Appalaches. On avait vraiment droit à de beaux portraits humains aux nuances inattendues. Je regrette juste pour l’enquête d’être passée à côté de celle-ci et d’avoir trouvé l’accélération finale trop brutale. Oui, l’équipe de Victor travaille dessus depuis le début, on les suit, plus que dans Seul le silence, mais ce n’est pas suffisant. J’ai trouvé que les liens se faisaient trop brusquement à la fin, avec un twist final trop prévisible pour stresser un bon coup Victor. Le fond est pourtant intéressant et à dénoncer car on sait bien malheureusement que ça existe mais c’était peut-être un peu too much pour moi ici. Et surtout, j’ai retrouvé des schémas trop similaires à son aîné, ce qui m’a tué certaines révélations… Alors soit c’est la marque de fabrique de l’auteur, soit c’est un clin d’oeil volontaire à ce dernier. Si vous êtes des lecteurs de l’auteur, je serais curieuse de savoir #128521; Deuxième polar d’Ellory où je me plais à plonger plus dans la psyché de ses enquêteurs que dans les mystères qu’ils vont tenter d’élucider. C’est une marque de fabrique originale qui me plaît même si ça donne un récit plus intime et moins nerveux qu’on pourrait l’attendre. L’auteur, bien que non américain, est cependant un superbe peintre d’atmosphère et j’avoue que ces Appalaches et surtout les histoires de famille des Shérifs Landis m’ont beaucoup plu, car rien n’est ce qu’on croit une fois de plus ici.