Ceci n'est pas un fait divers : Le livre de Philippe Besson

Il y a quelques semaines j'ai eu l'immense chance de recevoir un exemplaire dédicacé par l'auteur. Je découvre ici une oeuvre difficile par sa thématique. Un drame familiale relatant un féminicide par la voix narratif du fils qui doit faire face avec sa soeur de la mort de leur mère. Philippe Besson à une plume intime, pudique, délicate et sensible, il ne fait aucun effet de style, les mots sont justes et humain. Un travail psychologique autant sur le père violent, pervers, jaloux et narcissique que pour les victimes visible et invisible. Comment se reconstruire après de telle événements ? Comment ce drame aurez pu être éviter ? Sommes nous responsable ? Peut on retrouver un sens à notre existence ? Un roman sociétale à ne pas manquer, vibrant, percutant, bouleversant dont on ne ressort pas indemne qui parfois hante.

Il reçoit ce coup de fil de sa sœur qui annonce le bouleversement de leur(s) vie(s) : leur père a tué leur mère. Ce récit se situe du côté des enfants, narré par le fils ainé, à peine adulte. A l'annonce d'un féminicide, on évoque rarement le traumatisme subi par les enfants et les proches. Au fil des pages, on découvre les sentiments par lesquels passent ces victimes collatérales. On ne peut imaginer les dégâts engendrés par un tel acte. Comment survivre ? Se reconstruire (ou se construire pour les plus jeunes) ? Comment gérer l'ambivalence de ses sentiments ? Peut-on encore aimé un père qui a sauvagement assassiné une mère ? Ce livre n'est pas une réponse à toutes ces questions, mais il donne des pistes. L'auteur a pris le parti d'aborder quelques thématiques, mais le sujet est loin d'être épuisé...

Bonjour à tous, Aujourd'hui, je vous présente un livre important sur le féminicide, du point de vue du fils aîné d'une famille. Il s'agit de : * Ceci n'est pas un fait divers de Philippe Besson Prix Nice Baie des Anges 2023 Éditions julliard Paru le 5 janvier 2023 204 pages Extrait : "Léa avait treize ans, moi dix-neuf. On n'était pas taillés pour une calamité de cette nature, de cette ampleur. Personne ne l'est. Évidemment. Sauf que nous, ça nous est tombé dessus." Extrait : "Je me souviens du sourire de mon père dans ces moments-là. Un sourire qui me rassérénait parce qu'il disait : ça y est, la crise est terminée, on a pu s'en sortir sans dégâts. Un beau sourire. Les monstres aussi ont le droit d'avoir un beau sourire." La 4ème de couverture : "Ils sont frère et sœur. Quand l'histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : "Papa vient de tuer maman." Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte. Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d'un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre." Mon résumé et avis : Cécile Morand. C'est nom. C'était son nom. Ce nom ne vous dit sans doute rien parce que Cécile Morand est un personnage de roman mais Cécile Morand aurait pu être une proche, une parente, une sœur, une cousine, une amie, une collègue ou une voisine. Cécile Morand est fille unique, arrivée après quatre fausses couches. C'est l'enfant miraculeuse, joyeuse, choyée par des parents, buralistes. Sociable, sédentaire et appréciée par tous, Cécile est en un mot une chic fille. Cécile Morand a 18 ans lorsqu'elle perd sa mère d'un cancer foudroyant, et son père lui demande de la remplacer au travail, ce qu'elle accepte tout naturellement. Cécile Morand, autrefois la fille du buraliste, devient buraliste elle-même, et voit le peu de rêves qu'elle avait, s'envoler aux portes de sa petite ville de Gironde. Cécile Morand tombe sous le charme d'un beau garçon, Franck Malzieux, un brin frimeur et colérique lors d'une soirée en boîte de nuit à Bordeaux. Naîtront peu de temps après leur rencontre un garçon puis quelques années après une fille. Cécile Morand réalise au fur et à mesure des années passées auprès de Franck, qu'il est loin d'être le conjoint qu'elle espérait. Il en est même très loin. Cécile Morand est humiliée, insultée puis giflée de plus en plus souvent par cet homme, qui sombre peu à peu dans la jalousie et la violence pendant qu'elle se mure dans le silence. Cécile Morand, battue une fois de plus, dépose une main courante à la gendarmerie et se voit face à un gendarme, indifférent à son histoire, qui avouera, après le drame, n'avoir pas pris la mesure de la situation. Cécile Morand décide un beau jour de partir mais sous les supplications, elle reste au domicile conjugal. Cécile Morand annonce un jour à son mari qu'elle le quitte pour de bon. Pris subitement d'un coup de folie, il la poignarde de 17 coups de couteau sous les yeux épouvantés de leur fille, Léa. C'est à partir de cette phrase terrible et percutante "Papa vient de tuer maman" prononcée par la fille cadette au téléphone, que le fils aîné, 19 ans, narrateur du roman, déroule tout en pudeur le fil d'une mort annoncée, celle de sa mère, avec ses conséquences sur Léa et lui, deux victimes collatérales souvent invisibles dans ce type d'affaire criminelle et démontre humblement le courage qu'il leur a fallu pour affronter un deuil insurmontable, un procès douloureux, et commencer leur lente reconstruction. En s'interrogeant tout le long du roman sur les silences de part et d'autre, l'indifférence de la famille et des amis, son éloignement et sa culpabilité, le garçon nous immerge dans le quotidien de Cécile, sa mère, femme simple et courageuse, dont la vie s'est étiolée petit à petit, et dans l'existence détruite de sa petite sœur tout en racontant aussi les profonds changements qu'il a opérés dans sa propre vie et son retour salutaire auprès d'elle. Le meurtre conjugal ne doit pas êre considéré comme un fait divers, un simple entrefilet entre un article ou un sujet de sport et d'économie mais comme le signale si justement l'auteur, un fait social et son ampleur dont on doit prendre réellement conscience individuellement et collectivement. Merci à Philippe Besson d'avoir si bien transcrit, tout en finesse, les ravages d'un féminicide au sein d'une famille, l'existence détruite des enfants et leur souffrance gigantesque et bien souvent impénétrable. En répétant à chaque début de phrases le nom fictif de Cécile Morand dans mon résumé, j'ai ainsi voulu ne pas oublier la femme qui a inspiré ce poignant et admirable roman que je vous conseille et je termine avec ces quelques informations chiffrées édifiantes : *Au 9 mars 2023, on dénombrait 27 féminicides depuis le début de l'année. Jusqu'à présent, ce sont 27 Cécile, Flora, Claire ou Chahinez (brûlée vive devant chez elle l'an dernier) qui ont été tuées tous les 2 jours et demi. *En 2022, selon le Collectif Féminicides France, 112 femmes avec 16 tiers dont 10 enfants ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.

Un roman à part à tout point de vue. Un fait divers est qualifié « d’incident du jour ». J’ai toujours trouvé cette appellation trop banalisante pour définir la gravité des actes catégorisés sous ces deux mots. Ils deviennent juste des événements presque courants que l’on place dans une rubrique. La violence de certains faits est toute sauf ordinaire. Philippe Besson nous montre à quel point cela est vrai. La puissance des mots simples pour nous décrire la souffrance insupportable que chacun peut ressentir face à l’adversité de ce monde et dans le cas précis la perte brutale et sauvage d’un être cher est remarquable. On plonge au plus profond de la douleur de l’âme humaine. Comme quoi, nous sommes peu de choses face au tourbillon de la vie. Il n’y a ici jamais de voyeurisme, de témoignages larmoyants gratuits pour alimenter la surenchère. On a juste l’expression haute et claire que ressentent les victimes. C’est précis, impeccable, brillant. J’ai retrouvé ici une prose simple et riche à la fois où l’utilisation des mots est parfaitement juste sans langage exagéré, sans mots trop sophistiqués. Une écriture bouleversante. La littérature à sa plus belle expression !