L'attentat : Le livre de Yasmina Khadra

Lu à 20 ans. Pour le moment il s’agit de mon roman préféré de cet auteur. Il y a du rythme, il y a de l’originalité, il y a des choses imprévisibles, la plume est belle et le message de fond est profond. Je recommande cette lecture à 100%, vraiment une très belle œuvre.

Amine Jaafari est un chirurgien arabe naturalisé israélien parfaitement intégré à Tel-Aviv. Mais cette vie de réussite sociale exemplaire bascule le jour où un attentat kamikaze survient dans un restaurant de la ville. Les victimes affluent aux urgences, et Amine fait montre d’un zèle et d’un professionnalisme exemplaires. Mais lorsqu’il est amené à identifier le corps du kamikaze qui s’avère être nulle autre que sa femme, Sihem, le sol se dérobe sous ses pieds. Le déni laisse place à l’incompréhension et les questions s’amoncellent… Qui a lavé le cerveau de sa femme ? Comment a-t-il pu ne pas voir le changement s’opérer en elle ? Il va être amené à chercher des réponses auprès d’une famille, d’un peuple dont il a ignoré les souffrances trop longtemps. Et par la même occasion découvrir qu’on ne peut jamais vraiment renier d’où l’on vient. Un roman sur la radicalité, même si son personnage principal n’y succombe jamais. De par sa position de médecin, il a fait le choix de la vie, mais ne peut fermer les yeux sur les souffrances dont il est le témoin. Un homme tiraillé entre ses origines et ses aspirations personnelles. Mais qui va être amené à découvrir qu’on ne peut pas tout sacrifier sur l’autel de la réussite sociale. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un livre militant pour la cause palestinienne. Jamais Amine ne trahit ou ne nourrit de haine à l’encontre de son peuple d’adoption. Mais il choisit de ne plus ignorer ceux qu’il a été amené à abandonner dans son ascension sociale. D’après l’auteur lui-même, il s’agit de la meilleure porte d’entrée pour découvrir son œuvre littéraire. J’ai en tout cas apprécié la qualité de sa plume qui fait cohabiter douleur et sensibilité sans jamais tomber dans le pathos. En espérant que cela débouche sur d’autres lectures passionnantes.

Une plume magnifique, un roman bouleversant, dont l’intrigue s’inscrit dans un contexte douloureux et tristement toujours d’actualité. J'ai trouvé une certaine forme de neutralité dans le récit, ce qui est appréciable. Il ne s’agit pas ici de désigner les « bons » ou les « méchants », mais de plonger au cœur de l’humain. L’auteur évite les discours politiques et moralisateurs pour mieux se concentrer sur les êtres, leurs douleurs, leurs émotions, leurs fractures intimes. Il cherche à nous faire comprendre ce qui semble être de prime abord incompréhensible. À travers ce roman, Yasmina Khadra nous invite à réfléchir à un conflit aussi complexe qu’interminable. Un conflit absurde, sans foi ni loi, mais terriblement meurtrier. Le récit profondément humain m'a touché par la justesse et la profondeur psychologique des personnages. C'est une lecture très intimiste d’une tragédie collective. Au final, qui est vraiment le prisonnier de qui ? Ce livre m’a amenée à voir ce conflit sous des angles auxquels je n’avais pas pensé : les conséquences de rêves et d’espoirs brisés, l’importance pour un être humain à garder sa dignité et à appartenir à une patrie... Triste vérité de comprendre que la seule voie vers la liberté pour certains est le départ .... Un roman fort, intelligent et profondément émouvant. Je recommande vivement.

« Dans un restaurant bondé de Tel-Aviv, une femme fait exploser la bombe qu'elle dissimulait sous sa robe de grossesse.Toute la journée, le docteur Amine, Israélien d'origine arabe opère à la chaine les innombrables victimes de cet attentat atroce. Au milieu de la nuit on le rappelle d'urgence à l'hôpital pour lui apprendre sans ménagement que la kamikaze est sa propre femme. » (site Les libraires ) Très prenant comme roman et même si l’on s’enfarge un peu à la fin avec tous les nouveaux personnages, pressés que nous sommes de connaître le dénouement, on en apprend un peu plus sur les motivations des kamikazes et sur le conflit qui perdure entre Israël et la Palestine. On a droit à une explication croisée entre le docteur Amine et un Palestinien qui nous éclaire même s’il nous paraît difficile d’être du côté de la haine et de la violence. J’ai particulièrement aimé ce passage qui nous offre une voie de sortie, partagés que nous sommes entre les deux personnages. « —Tout Juif de Palestine est un peu arabe et aucun Arabe d’Israël ne peut prétendre ne pas être un peu juif. — Tout à fait d’accord avec toi. Alors, pourquoi tant de haine dans une même consanguinité ? — C’est parce que nous n’avons pas compris grand-chose aux prophéties ni aux règles élémentaires de la vie. Il opine du chef, triste. — Alors, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire ? s’enquiert-il. — D’abord rendre sa liberté au bon Dieu. Depuis le temps qu’il est l’otage de nos bigoteries. » ( Chapitre 16 ) Le dénouement, comme en écho, offre aussi un certain apaisement. On en sort quand même avec l’intime conviction que rien jamais ne justifiera les guerres et les génocides. Un roman bien construit, une plume alerte qui pose des questions essentielles. J’ai beaucoup aimé malgré la gravité du sujet.