Les hirondelles de Kaboul - NE 2019 : Le livre de Yasmina Khadra

Dans cette ode à la violence, l'auteur nous entraîne dans les tourments de deux couples happés par le tourbillon de terreur et d'immondices qui inonde un Kaboul dirigé par les talibans. L'auteur par son écriture nous captive et nous transporte, des détails poignants nous livre une réalité pleine d'horreur si loin de chez nous. C'est un livre qui nous permet d'être face à la condition de ce peuple et de ce qu'ils ont pu endurer et qui malheureusement perdure encore. Un récit prenant qui nous essouffle. Tantôt transporté par l'amour, tantôt par la peur. Ses personnages dans le flous, qui eux-mêmes ne semblent ne plus se reconnaître. On imagine leur peur, leur douleur, parfois sans comprendre leurs agissements. Nous voilà ecoeuré par les conditions des femmes dans cette société, que l'on peut avoir tendance à vite oublier notre vision occidentale. On se trouve impuissant face à la tournure des évènements. Un livre qui nous marque finalement par sa fin tragique. Un cri du cœur déchirant dans une ville démunie.

A travers ce petit roman, Yasmina Khadra nous transporte en Afghanistan, à Kaboul, fin des années 90. Les talibans sont au pouvoir et dirigent la ville d’une main de fer. Avec une plume poétique, Yasmina Khadra nous plonge dans une ambiance étouffante. On suffoque, tant par la chaleur écrasante et la poussière omniprésente dans cette ville qui se meurt, que par l’atmosphère anxiogène où tout le monde est épié, où chaque faux-pas peut être fatal. Kaboul n’est qu’un champ de ruines après les guerres consécutives (soviétique et civile), dirigée par le dictat religieux, où les hommes tentent de survivre en esquivant coups de cravache et matraque des Talibans, et où les femmes sont invisibilisées, leur droits fondamentaux bafoués. A travers les personnages clés du roman, on découvre l’horreur d’un peuple soumis à une vie sans rire, sans joie, sans musique et sans livres; une vie faite de solitude, de guerres, de prière et de châtiments. Une vie sans visage, sans paroles, une vie dans l’anonyme et la servitude pour les femmes. Et quand s’ajoute la pauvreté et la misère, que reste t-il d’un individu, d’un peuple? *Spoiler* [masquer] La folie et la mort sont omniprésentes, et on termine cet ouvrage par une fin que je trouve personnellement magistrale, où la seule vision de la beauté d’une femme après tant d’années arrive à rendre fou un homme jusqu’à sa perte - jusqu’à ce qu’il chasse vainement des anonymes drapées dans les rues de Kaboul sous les coups de matraques. Peut-on accepter une vie de privation après avoir goûté à ses plaisirs? Est-ce une vie qui en vaut la peine? “Nous sommes tous morts il y a longtemps” résume parfaitement Zunaira. [/masquer]* Un roman puissant, et malheureusement encore tristement d’actualité aujourd’hui.

Il faut quelques pages pour être familiarisé avec les personnages choisis et dépeints (un peu sommairement par l'auteur) et les différents endroits où se déroule l'action. Mais quand cette étape est franchie, le roman sa belle dimension politique et amoureuse. C'est bien écrit, rapide et le dénouement est à la hauteur du reste. Un bon Yasmina Khadra.

Cette lecture n’a pas été facile. Le roman met clairement en évidence ce qui se passe sous le régime des talibans. Les femmes n’y sont considérées que comme des objets, contraintes de sortir couvertes de la tête aux pieds, sans rien laisser paraître. Quant aux hommes, ils vivent eux aussi dans la souffrance et l’oppression.