Le bruit a couru que cet inconnu n'avait jamais existé. Philosophe imaginaire, inventé de toutes pièces, canular à l'état pur, ce serait un être de fiction. Nous avons d'ailleurs partagé cet avis, prévenant dès 1999 les lecteurs du "Monde des livres" qu'il existait plus que des doutes sur l'authenticité des conférences prétendument données par Botul sur la vie sexuelle d'Emmanuel Kant, au Paraguay, en 1947, devant une colonie d'Allemands censés avoir fui Königsberg depuis 1945 et s'habillant comme Kant, mangeant de la même façon, se promenant quotidiennement à heure fixe... En 2007, quand fut publiée Métaphysique du mou (Mille et Une nuits), nous avons encore souligné la supercherie, expliquant que Botul, comme le fut Bourbaki chez les mathématiciens, était le nom d'un collectif, où Frédéric Pagès et Jacques Gaillard tenaient des rôles essentiels. Bref, il était facile d'être informé. C'est pourquoi, quand Bernard-Henri Lévy, en février 2010, se mit à citer Botul, croyant qu'il existait vraiment, beaucoup crurent pouvoir rire de tant de naïveté. En fait, la publication d'aujourd'hui risque de semer un trouble nouveau et pourrait bien tout remettre en question. Editée avec soin par Jacques Gaillard, cette correspondance du philosophe avec lui-même, retrouvée dans l'armoire de sa maison natale, révèle en effet un faisceau d'indices inconnus qui devraient faire douter sérieusement de son inexistence. En fait, le néant ne peut convenir à un homme qui s'interroge sur la véritable provenance du galuchat (peau de requin ou de raie pastenague ?), écrit : "Que serais-je sans moi ?" et correspond, dit-on, avec Sartre. Plus encore, cette liasse de missives - dont expéditeur et destinataire sont un seul et même être en deux personnes - évoque aussi bien les Lettres à Lucilius de Sénèque que Rousseau juge de Jean-Jacques. Il se pourrait donc que Botul, ce "trou noir de la philosophie", selon les termes de son éditeur, voie un jour prochain son existence scientifiquement établie à partir du rayonnement qui l'entoure...