Les agneaux du Seigneur : Le livre de Yasmina Khadra
De loin, Ghachimat est presque une image d'Epinal avec couchers de soleil sur les montagnes. De près, Ghachimat est un village comme les autres : on s'y côtoie depuis l'enfance, on se jalouse. On s'affronte en secret pour obtenir la main d'une fille. On déteste ceux qui ont réussi, on méprise ceux qui sont restés dans la misère. On étouffe sous le joug d'une tradition obsolète. On ne s'émeut guère des événements qui embrasent la capitale. Qui n'a rien à se reprocher peut dormir sur ses deux oreilles, se dit-on. Ceux qui ont été abattus n'étaient pas tous des anges. Mais il suffit du retour au pays d'un enfant fanatisé pour que les habitants de Ghachimat basculent dans le crime collectif, portés par le ressentiment et la rancoeur, pour que des garçons bien tranquilles deviennent des tueurs en série. Le printemps n'émerveillera ni les bêtes ni les hommes. Les coquelicots évoqueront des boursouflures écorchées. L'aile gauche du cimetière atteindra bientôt les murailles d'en face. Tous les jours, un conroi ira confier son cher disparu à une terre devenue charnier.
http://www.yasmina-khadra.com
De (auteur) : Yasmina Khadra
Expérience de lecture
Avis Babelio
dienel
• Il y a 3 mois
Un récit anxiogène très bien écrit. Mon premier Yasmina Khadra n'est pas son opus le plus connu mais je l'ai trouvé marquant. La vie dans ce petit village déconnecté, centré sur lui-même, mets en avant une glissade vers l’extrémisme et les différentes personnalités qui peuvent hanter ce genre de théâtre. Rappel que les petites méchancetés peuvent alimenter ressentiments et besoins de reconnaissances, peu importe d'où il viendra.
SZRAMOWO
• Il y a 3 mois
L’action se déroule dans les années 1990 au plus fort de la guerre civile en Algérie entre le FIS et le gouvernement. A Ghachimat village en proie aux secousses de cet affrontement, le nouvel émir Tej Ed-Dine expose sa stratégie : « - Espérer suppose que l'on attende que le miracle se produise, (...). Et les miracles se provoquent. Ne sait pas attendre celui qui veut vraiment arriver. Le temps n'attend pas. Il n'accorde ses faveurs qu'aux coureurs increvables.» Il s’adresse au jeune Youcef qui, lui, attend « le grand jour à l'horizon.» En clair, le pouvoir est à celui qui le prend . Dans le village, les différents groupes qui constituent la société algérienne après l'indépendance sont présents. En haut de l'échelle les combattants du FLN se partagent les prébendes. En bas tous les autres n'ont que des miettes. Khadra a recréé dans le microcosme de Ghachimat les composantes délétères qui ont conduit la société algérienne à se déchirer. En dépit d’une ambiance bon enfant, « A Ghachimat, tout le monde se dispute une place au café, attaquant la journée par de tonitruants doubles-six et la clôturant par des doubles-blancs frustrants. », les oppositions s’affirment, l’Imam peste « Quand on bute le matin, sur un ivrogne qui n’a pas trouvé meilleur endroit pour cuver son vin que le pas de la mosquée, on n’a plus rien à attendre de sa journée. » Il ne se contente plus d’une pratique religieuse affichée mais hypocrite alors que la consommation d’alcool et de shit sont une réalité visible. Les personnages du roman ont des motivations diverses : l’appât du gain, la recherche du pouvoir, la frustration d’avoir été écarté, montré du doigt, laissé à l’abandon ou moqué en public. La religion devient le support de ces frustrations et dès lors tous les coups sont permis d’autant plus qu’ils ont la bénédiction du prophète ou de son représentant sur terre. Le désir de vengeance longtemps refoulé, ou noyé dans l’alcool, s’exprime alors en toute liberté. Allal Sidhom, devenu flic à Sidi Bel Abbes, revient voir sa mère et ses deux sœurs au village, il rêve en secret d'épouser Sarah la fille du maire. Mais… Kada Hilal le fils d'une famille de caïds dépossédée de ses biens par la révolution, est devenu instituteur. Lui aussi rêve de Sarah. Mais… Jafer Wahab, est resté au village et végète. Issa Osmane fait partie de ceux qui ont collaboré pendant la guerre d'indépendance. « A Ghachimat, la rancune est la principale pourvoyeuse de la mémoire collective. » Son fils Tej tient un garage et survit tant bien que mal. Il assiste tous les jours à la déchéance de son père orchestrée par les habitants et le maire. Issa est le traitre qui sert d'exutoire. Tej Osmane deviendra l’émir Tej Ed-Dine. Haj Maurice est l’ancien régisseur de la ferme du colon Xavier. A l’indépendance, il a préféré fuir en France pour éviter les représailles. Il est revenu parce que, sous « la grisaille persistante de Lyon (…) Le soleil de sa terre natale, la spontanéité des fellahs ne tardèrent pas à lui manquer. » Dactylo l’écrivian public a débarqué à Ghachimat en 1963. Son statut de lettré finit par déranger. Cheick Abbas le fils de Ramdane Ich revient au village auréolé de la gloire de son séjour en prison. Le village semble alors uni autour de la fête de bienvenue de celui que tous déclarent vénérer. « Pour le commun des mortels, cheik Abbas est un signe du ciel (…) S’il ne porte pas le Message, il n’en demeure pas moins le digne serviteur. (sa) proximité est jalousement convoitée. » Son retour va libérer des forces jusqu’alors souterraines. « (…) Tej Osman et ses néophytes se hâtent vers la ferme des Xavier où cheik Abbas a choisi d’officier. Tous les jours, un groupe de nouvelles recrues de plus en plus important quitte le village pour aller vénérer le jeune imam. » Quand les nouvelles d’insurrection en cours parviennent d’Alger et d’Oran, les autorités locales les ignorent « Notre peuple est un tantinet brailleur. Fort engueule et court de bras. » dit le maire. Mais, « (…) les Frères Musulmans émergent inexorablement de la clandestinité. (…) » des louveteaux peignent « les initiales du Front Islamique du Salut sur la façade de l’école. » C’est alors le début de la fin. Les masques tombent et la violence se déchaîne. Khadra, de son style tantôt lyrique, tantôt ironique, tantôt dramatique, décrit avec justesse et précision l’enchaînement des événements à l’origine de la décennie noire dans ce village véritable Algérie en miniature. Le meilleur roman de Khadra pour moi. A lire absolument.
Avis des membres
Fiche technique du livre
-
- Genres
-
- EAN
- 9782260015031
-
- Collection ou Série
-
- Format
- Grand format
-
- Nombre de pages
- 216
-
- Dimensions
- 206 x 131 mm
Nous sommes ravis de vous accueillir dans notre univers où les mots s'animent et où les histoires prennent vie. Que vous soyez à la recherche d'un roman poignant, d'une intrigue palpitante ou d'un voyage littéraire inoubliable, vous trouverez ici une vaste sélection de livres qui combleront toutes vos envies de lecture.
19,50 € Grand format 216 pages