En ces temps pessimistes et de remise en cause des idéologies passées, il est presque devenu un gros mot. Parler de progrès, c’est passer au pire pour un vieux stal, au mieux pour un imbécile heureux. Dans son dernier ouvrage, paru le 6 octobre aux éditions La Découverte, le sociologue Peter Wagner, théoricien social et politique, professeur à l’université de Barcelone, propose de Sauver le progrès. Défini depuis les Lumières comme sens de l’histoire, il semble s’être arrêté, d’où une désorientation de la vie publique dans les sociétés occidentales. Malgré son abandon par la tradition marxiste comme par la tradition libérale, le progrès peut encore être pensé, estime le chercheur : via le développement d’actions collectives, la lutte contre les dominations sociales informelles et un combat de l’exploitation démesurée de l’être humain et de la nature.
Élodie Boissard / Libération
Le progrès ne fait plus rêver. L'élan vers un avenir meilleur a aujourd'hui disparu au profit d'une gestion désabusée du présent. Et pour cause. Les inégalités sociales, le chômage de masse, les catastrophes environnementales et la crise démocratique ont douché tous les espoirs d'amélioration hérités du XVIIIe siècle. Et laissé la société désorientée.
Doit-on congédier l'idée des Lumières sous prétexte que les révolutions scientifiques, industrielles et politiques se sont accompagnées d'effets pervers ? Est-on désormais condamné à combattre les régressions et à défendre les acquis du passé ? Dans son nouvel ouvrage, le sociologue allemand Peter Wagner prend acte de la fin d'un mythe mais ne s'avoue pas pour autant vaincu. Son but « Sauver le progrès ».
Marion Rousset / L'Humanité Dimanche
Qui pour y croire encore vraiment ? Le progrès a perdu son aura : pour beaucoup, c’est une chimère dépassée, sans cesse démentie par les avanies du monde. Et pourtant, soutient Peter Wagner, la notion mérite qu’on la sauve, moyennant un sérieux lifting théorique. Le sociologue allemand revient sur l’émergence de l’idée dans l’Europe des Lumières, croisant les différentes dimensions qui lui sont associées (progrès scientifique, économique, social, politique…). Conçu comme une force, une marche irrésistible vers la transformation positive de la société, le progrès a souvent justifié des formes de domination (sur la nature ou les peuples colonisés, par exemple). En ce sens, il doit être congédié pour Wagner, qui entend néanmoins rester fidèle au projet même de la modernité, soit la conquête de l’autonomie. D’où la refonte proposée : l’aspiration au progrès est légitime si celui-ci vise essentiellement la lutte contre les aliénations et la construction d’une « capacité d’agir collective démocratique ».
M. D. / Philosophie magazine
Le nouvel ouvrage du sociologue allemand Peter Wagner, dont les travaux sur la modernité ont fait date, s'articule autour d'une disparition, celle de l'idée de progrès. Il ne s'agit pas d'un épisode parmi d'autres de la vie des idées, mais d'un fait majeur, intervenu, d'après l'auteur, au cours du dernier tiers du XXe siècle, et qui marque une rupture historique, surtout sensible dans les sociétés occidentales où était née cette idée « salvatrice ». Introduite par les Lumières, elle avait promis une double émancipation: à l'égard des forces de la nature et de la contrainte de rareté, grâce à la croissance illimitée de la connaissance et de ses applications ; à l'égard des formes politiques de domination qui avaient jusque-là prévalu, remplacées par la démocratie, la citoyenneté et l’État de droit.
Luc Boltanski / Le Monde des Livres
Grande figure de la sociologie allemande, enseignant à Barcelone, Peter Wagner reste curieusement et injustement méconnu dans l’Hexagone. (…) Dans son dernier essai, il soulève une question cruciale pour notre époque : faut-il jeter l’idée de progrès avec l’aveu des méfaits sociaux et écologiques qui lui sont associés ? Sa réponse est négative, comme le suggère le titre, mais l’essentiel réside dans la manière dont il la développe.
Igor Martinache / Alternatives Economiques
On peut reprocher à Peter Wagner de ne pas détailler d’avantage les moyens concrets de développement de l’agir démocratique ou de revenir plus longuement sur des expériences historiques esquissant les traits d’une société véritablement autonome, mais on peut également le lui pardonner au vu de la richesse de ses réflexions et de l’effort synthétique et didactique de son travail qui, quoique parfait très exigeant d’un point de vue théorique, reste abordable. Du moins son pari est-il tenu, et ressort-on de cette lecture avec la conviction que « le progrès demeure à la fois nécessaire et possible ».
Philippe Vion-Dury / Socialter